Tunisie : Chahed reprend la main dans le dossier du phosphate. C’est sérieux ?

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Hormis l’apaisement des relations Chahed-Brahem dans l’affaire des dernières nominations au ministère de l’Intérieur, le weekend dernier en Tunisie aura été marqué par la publication d’un communiqué de la présidence du gouvernement tunisien, à l’issue d’un CMR consacré au dossier du phosphate. A l’heure où nous écrivons, aucune réaction, ni du bassin minier, ni de l’UGTT, ni d’aucun parti de la coalition gouvernementale tunisienne, n’a été rendue publique.

  • Des décisions lourdes, de bonnes ou de mauvaises, conséquences

Le gouvernement de Youssef Chahed y prenait, pourtant, deux décisions d’un autre genre qui rompaient littéralement avec le processus de gestion de cette crise, depuis 2011. Il suspend d’abord toutes ses propositions relatives à l’emploi dans les sites de production à l’arrêt et gèle tous les programmes de recrutement et d’emploi mis en place par la CPG, jusqu’au retour de la production et du transport du phosphate à leur cadence habituelle. Il s’agissait de créer 7 mille opportunités d’emploi dont 2100 recrutements à la CPG et à la société de l’environnement dès que l’activité du phosphate aura repris.

Il va encore plus loin, manifestement sans aucune peur d’une possible escalade, et charge le Parquet d’engager immédiatement des poursuites judiciaires contre quiconque viole la loi ou entrave la production et le transport du phosphate. Ces mesures, qui témoignent d’une nouvelle politique de gestion de la crise des sit-in répétitifs ayant abouti à l’arrêt presque total de la production tunisienne en la matière, jusqu’à rendre l’importation du phosphate une demande ouvrière, semblent avoir été prises d’un commun accord entre les deux branches de l’Exécutif. Des décisions qui sont, à notre sens, de la même trempe que celle de la 1ère annonce de Chahed dans le dossier de la guerre contre la corruption !

  • Des décisions qui pourraient remettre Chahed dans la partie

Par ces décisions, le gouvernement de Youssef Chahed semble vouloir reprendre la main dans un dossier qui était jusque-là laissé entre d’autres mains, dont celles de l’UGTT. Le 1er mars, cette dernière rend le tablier, après l’échec de ses négociations avec les protestataires qui font sit-in, et remet le dossier entre les mains du gouvernement.

Une autre explication, plus politicienne que politique de ces décisions, fait le lien entre le communiqué du samedi de la Primature tunisienne et les relations tendues depuis quelques jours du gouvernement avec son partenaire, social mais devenu plus que politique, l’UGTT. Les derniers jours de février 2018 ont été en effet marqués par les piques, répliques et autres «petits mots assassins», échangés entre le chef du gouvernement et le SG de l’UGTT par médias interposés.

L’échec des négociations de l’UGTT avec les sit-inneurs du bassin minier de Gafsa, est ainsi expliqué comme une nouvelle réponse de Noureddine Taboubi, qui refile ainsi la trop chaude patate du dossier du bassin minier à Youssef Chahed. Les dernières décisions du chef du gouvernement concernant la nouvelle manière de gérer le dossier du bassin minier de Gafsa, ne seraient alors qu’un nouvel épisode du bras de force GUN-UGTT, mais dont Youssef Chahed pourrait tirer parti et qui pourrait même servir de jurisprudence pour la gestion du probable du dossier du Kamour qui donne des signes de retour.

  • Sérieux coup de gueule ou simple feu de paille ?

Beaucoup voudraient par contre y voir un réveil du chef du gouvernement aux véritables décisions dans un secteur hautement économique et financier. Mais aussi, une nouvelle tentative du gouvernement de faire prévaloir l’Etat de droit et le respect des lois dans un secteur où le laxisme était la règle depuis 2011. Un secteur qui occasionne des pertes en milliards DT, dont ceux de 2017, dans une entreprise qui compte déjà plus de 13.500 employés rémunérés sans aucune contrepartie en travail et où, la déliquescence de l’Etat pousse jusqu’à demander à une CPG, jadis parmi les plus importants exportateurs, à importer le phosphate pour faire tourner ses laveries et approvisionner les agriculteurs en engrais.

Reste à savoir, après cette rebuffade du gouvernement tunisien dans la gestion du dossier de l’arrêt de production du phosphate, si elle est sérieuse et annonciatrice d’un nouveau mode gestion des intérêts économiques du pays, ou si elle n’est qu’une simple ruade dans le brancard sans lendemain. Chahed avait déjà posé la défense des lieux de production comme un postulat dans son discours d’investiture. S’y mettrait-il enfin, même après 18 mois ?

1 COMMENTAIRE

  1. Quelque soit le donneur d’ordre légal, il est temps d’être décisif dans les actions qui touchent l’intérêt de toute la Tunisie. Que chaque organe fonctionne normalement selon ses prérogatives. La Tunisie à plus besoin de cohésion, de collaboration et de stratégie claire. Qui fait quoi ? Quand ?comment ? et avec qui ? sont à éclaircir d’urgence pour que le pays sorte du gaabagi qui lui a couté trop cher.
    La jeunesse doit être aidée pour devenir plus créative, plus innovante, plus active et plus apte à créer des richesses en bien et services.
    Ne faut-il pas revoir en profondeur le rôle de la fonction et des services publics et privés en Tunisie? Ne doivent-ils pas être constitués de l’élite nationale, motivée, sincère, honnête et bien rémunérée en fonction de ce qu’elle offre ? Ne faut –il pas corriger le mental collectif au plus sérieux et au plus discipliné, sans être, ni opprimé, ni privé de liberté ? Un proverbe de chez nous disait: la multiplication des commandants au bord d’un navire, le fait couler.

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