Force est de reconnaître que ce qui se passe depuis quelques semaines, entre Noureddine Taboubi et Youssef Chahed, la centrale syndicale UGTT et le GUN (Gouvernement d’Union Nationale), n’est plus un bras de fer, mais désormais une guerre pure et simple qui devient destructive. Cela, d’autant que l’UGTT y utilise désormais les armes de destruction massive, celles de l’économique et des finances pour tenter de le faire tomber. Une guerre qui fait des dégâts de plusieurs millions de dinars.

  • Au début, un différend administratif…

Dernière victime de cette guerre Chahed-Taboubi, la société dont la cotation en bourse est suspendue depuis le 4 avril 2018, Carthage Cement. L’affaire avait commencé le 14 mars, lorsqu’un ouvrier de la société sous-traitante danoise NLS (filiale de Flsmidth Cement qui est l’entreprise qui a la charge de la production de Carthage Cement), s’absente de son poste de travail et, répondant à un questionnaire, affirme que c’est le syndicat qui l’a autorisé à s’absenter.

Sanctionnés et refusant la mesure disciplinaire, les membres du syndicat montent au créneau et prennent en otage l’outil de production, dont ils interdisent l’accès au reste des travailleurs. A la dizaine de squatteurs syndicalistes mécontents, s’ajoutent leurs fans, leurs amis et leurs familles, pour se constituer en groupe qui se prend en photos aux cris de «le syndicat et la plus grande force du pays».

Par mesure de sécurité, la société a arrêté le four et fait sortir son personnel. Les syndicalistes y sont restés sur plus pendant 3 semaines sans quitter. Ils refusent les sanctions. La société exige de traduire en justice les criminels et engage des poursuites judiciaires contre une dizaine de squatteurs. Des bagarres éclatent entre personnels squatteurs de l’usine et ouvriers voulant reprendre le travail. La tension monte et va jusqu’à asperger un directeur d’essence et des violences physiques contre une directrice RH. La violence touche même un directeur danois qui se verra poser une dizaine de points de suture et qui pourrait transformer l’agression en incident diplomatique.

…. le soutien de l’UGTT se transforme en agressions physiques

Appuyés par l’UGTT, ils refusent de quitter l’usine, forts du soutien du syndicat. Le 12 avril 2018, en effet, un communiqué de la centrale syndicale (BE élargi de l’UR de Ben Arous), met les autorités en garde contre toute tentative de lever le squat et invoque, en guise de prétexte, «notre total refus de vendre Carthage Cement et toutes les entreprises publiques».

Le lendemain, 13 avril, ce sont le reste des ouvriers qui publient un communiqué où ils dénoncent la réunion du BE de l’UGTT Ben Arous qui «met en danger leurs emplois et les sources de revenus de 1.300 personnes, consacre la politique de l’impunité et implique Carthage Cement dans un différend qui n’est pas le sien» disaient les dizaines d’ouvriers signataires qui se sentaient floués par le syndicat. Les non «grévistes» iront plus tard manifester, avec des mots durs, contre le SG de l’UGTT l’accusant de soutenir des gens qui font barrage à la liberté du travail.

  • Le laxisme du Gouverneur et du gouvernement pourrissent l’affaire

Les autorités tunisiennes, manifestement en accord avec l’UGTT qui pose ses conditions sur qui pourrait être sorti de l’usine et qui ne le doit pas, ne se décident à intervenir que le 14 avril. La Garde nationale fait alors évacuer tout le monde, sauf le 1er responsable du noyau dur syndical dans cette affaire qui serait un cadre syndicaliste. Le travail reprend, mais ce n’est que pour quelques heures. Voyant que l’UGTT ne le soutient plus, ledit responsable syndical fait appel à quelques sbires de la région. Ils interdisent depuis hier tout accès à l’usine et toute reprise du travail de Carthage Cement.

On notera ici le laxisme du Gouverneur de la région qui disait chaque fois aux responsables de l’usine, attendre les directives de sa hiérarchie et une prétendue autorisation juridique, nominative des personnes à évacuer de l’usine qui est, jusqu’à notre mise en ligne, en arrêt car les Danois de Flsmidth refusent ce qu’ils appellent le «risque opérationnel». Un risque qui demeurait vivace, ce dimanche 15 avril 2018 et qui risque de s’aggraver demain lundi, lorsque les ouvriers tenteront de reprendre le travail face au syndicaliste et ses sbires.

On notera aussi que tout ce qui s’est passé et se passe à Carthage Cement, est loin d’être une grève, mais une affaire politico-économique et le pendant social d’un différend politique entre UGTT et gouvernement autour de la question des entreprises publiques dont Noureddine Taboubi fait le cheval de bataille contre Youssef Chahed. Une bataille qui coûte 800.000 DT de chiffre d’affaires en moins par jour pour Carthage Cement. Qui paiera ces dégâts causés tant à l’Etat qu’aux épargnants qui croyaient en l’avenir d’une entreprise cotée en bourse ? Sûrement pas le syndicaliste. Il jouit de l’immunité syndicale, une nouveauté de ladite révolution !

Khaled Boumiza

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