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Tunisie-marchés publics: Une liste noire de 10 ans

Kamel Ayadi vient de frapper fort et là où ça fait mal. Un coup direct au portefeuille  Après la loi sur l’accès à l’information qui a fait grande polémique et dont le décret d’application «ne saurait tarder » selon lui, le ministère de la Fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption vient de publier le 7ème décret gouvernemental de l’ère Kamel Ayadi, un des rares ministères tentaculaires du gouvernement de Habib Essid, au vu de l’étendue de ses attributions et de son caractère transversal touchant pratiquement tous les compartiments de l’administration tunisienne.

  • Quelles sont les personnes visées ?

Par ce nouveau décret gouvernemental, une première en Tunisie et qui est le cœur de cible de la fonction du nouveau ministre, le gouvernement tunisien a décidé d’exclure de toute participation aux marchés publics, tous ceux qui «ont commis des faits et des actes contraires à la probité  professionnelle».

L’article 13 du décret définit les exclus parmi les opérateurs économiques, personnes physiques et morales, individuelles ou en groupe, ainsi que tous ceux qui ont des liens avec ces opérateurs même ceux qui travaillent avec ces personnes, «ceux pour qui, la preuve a été faite qu’ils ont commis des actes ou des activités contraires à la probité professionnelle, des actions contraires aux règles de la saine concurrence lors de la participation aux marchés publics par le biais d’une décision définitive de justice, ceux qui ont fait de fausses déclarations, falsifié des documents ou tout autre acte dans le but d’induire en erreur l’acheteur public dans l’action d’évaluation de ses capacités financières, professionnelles ou techniques, ainsi que tous ceux qui ont sciemment enfreint les obligations contractuelles par des faits et actes contraires à la probité professionnelle lors de la mise en œuvre  du marché».

L’article concerne bien sûr les personnes, physiques ou morales, tunisiennes et étrangères, mais l’opérateur économique s’expose  aussi, selon l’article 2, aux effets de toutes les actions entreprises par toutes les personnes qui sont en lien avec lui, qui les effectueraient  dans le cadre de leurs fonctions, en son nom, avec son consentement ou en connaissance de cause, qu’il est censé  connaître ou après son accord. L’article 3 du même décret étend la décision d’exclusion des marchés publics même à l’opérateur qui a pris part à un marché dans le cadre d’un consortium ou groupement. L’exclusion n’est plus, dans ce cas, à titre individuel,  mais pour tout le groupement et pour tout le groupe de sociétés appartenant à l’opérateur économique.

Ecouter le ministre Ayadi parler de l’exclusion des marchés de l’Etat :
  • Comment se fait l’exclusion et pour combien de temps ?

L’opérateur économique peut ainsi être exclu de tous les marchés publics tunisiens. Son exclusion ne peut dépasser la période de 10 ans. Mais l’exclusion peut être prononcée de façon temporaire, en attendant que la commission, créée à cette fin, se prononce définitivement sur son cas. Une commission où siègent deux magistrats, les représentants de 9 ministères, un représentant du conseil de la concurrence et un autre de la profession.

Les exclusions, temporaires ou définitives, peuvent être prononcées sur simple dénonciation d’une tierce personne ou sur saisine de ladite commission d’exclusion des opérateurs économiques des marchés publics elle-même. L’article 14 du décret oblige «toute structure publique, toute instance, corps judiciaire, de contrôle, d’audit ou toute autre personne détenant des informations se rapportant à l’implication d’un opérateur économique dans des actions pouvant être interprétées comme pouvant amener à l’exclusion, à en informer la commission», tant que le marché est en cours. Cette commission est une des créations du nouveau décret gouvernemental et qui est tenue à l’obligation de réserve quant aux sources des informations et des délations qui lui parviennent.

Lire le texte intégral et  original du décret en langue arabe :

Ladite commission peut, dès le prononcé de l’exclusion temporaire en cas de preuves suffisantes, en avertir l’opérateur et rendre publique cette décision. Mais la Commission se doit aussi, auparavant, d’entendre l’accusé ou envoyer ses réponses par écrit dans un délai de 30 jours à partir de sa notification.

  • Une liste noire, publique, des exclus

Après enquête exhaustive, la commission se doit de prendre une décision définitive dans un délai de 20 jours à compter de la réception du rapport d’enquête. En cas d’exclusion, la durée  doit  tenir compte de la gravité des faits et ne doit pas dépasser 10 années. Cette décision  doit être motivée et bien expliquée. L’exclusion peut être individuelle ou collective et peut même s’étendre à tout autre contrat de sous-traitance.

Il est reconnu à l’exclu le droit de recours contre la décision d’exclusion, et un jugement l’innocentant  peut même conduire à la révision de la décision par la Commission. Si rien de tel n’intervient, le nom de l’opérateur ou de son groupe est alors inséré dans une liste noire des exclus de tous les marchés publics qui est alors publiée sur le site des marchés publics. La liste devenant publique, il sera du devoir de tout acheteur public d’en prendre connaissance, «avant toute ouverture des plis, avant passage devant la commission de contrôle des marchés publics, avant l’annonce de l’adjudicataire et avant la signature du contrat», selon l’article 28 du décret gouvernemental. Une véritable punition et une épée de Damoclès sur la tête de tout opérateur économique !

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