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Tunisie : Même si on sort des griffes du GAFI, c’est pas le bout du tunnel !

La Tunisie a un rendez-vous de la plus haute importance avec le GAFI (Groupe d’action financière) en avril 2018, pour, espère-t-elle, décrocher son ticket pour entrer dans le club des pays qui ne prêtent pas le flanc au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. En attendant les autorités tunisiennes travaillent leur dossier, très sérieusement, aux dernières nouvelles, pour peut-être une délivrance dès mai 2018. Les experts aussi carburent. Réactiver la diplomatie et le lobbying économiques, mettre en place une structure rattachée à la présidence du gouvernement destinée à suivre la gestion des différentes évaluations et classements externes de la Tunisie, bâtir une stratégie de « décashing » en encourageant les moyens de paiements électroniques pour limiter l’abondance du cash et assurer une meilleure traçabilité de l’argent qui circule dans le pays, sont autant de recommandations qui ont été formulées par les experts et universitaires réunis autour d’une table ronde organisée mercredi 21 février 2018 par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) sur le thème « la Tunisie sur la liste de l’Union européenne des pays tiers les plus exposés au blanchiment de capitaux et au financement de terrorisme : les causes, les enjeux et les conséquences« , pour faire sortir la Tunisie de cette liste et éviter d’autres classements négatifs.

Il s’agit aussi, selon ces experts, de généraliser, moderniser et connecter les systèmes d’information entre les différentes structures et administrations, améliorer la coordination entre les régulateurs et les cercles de décision, mieux coordonner les visites des institutions de classement et de notation et sensibiliser les différents intervenants quant à l’importance des propos communiqués aux experts de ces institutions dans les entrevues organisées par ces derniers lors de leurs déplacements en Tunisie, réviser les textes législatifs bloquant la réalisation de certaines réformes (digitalisation…), faire preuve d’effectivité et d’efficacité dans l’application des décisions prises et lutter contre l’informel.
Les experts et universitaires participant au débat ont aussi été unanimes pour épingler « la portée politique du classement de la Tunisie dans cette liste noire« .

A cet égard, Karim Ben Kahla, universitaire et expert auprès de l’ITES, estime « qu’objectivement, il y a de quoi se poser des questions quant à ce classement, surtout quand on voit que 3 pays seulement sont listés, comme s’il n’y a que ces trois petites taches sombres dans un monde quasiment parfait, mais aussi quand on voit que des pays comme la Turquie ou les Etats-Unis ne figurent pas sur la liste« .
Ben Kahla reproche aussi au GAFI « le fait qu’il fait beaucoup de recommandations sans avoir vraiment les moyens de sa politique, c’est-à-dire les moyens de vérifier si ces recommandations ont été véritablement respectées« .
Pour lui « le moment doit être à la réflexion sereine sur les moyens à même de faire sortir le pays de cette liste sans tomber ni dans l’auto-flagellation ni dans le déni« .

Adhérant au même constat, Nabil Chahdoura, membre fondateur du cercle des financiers tunisiens, a considéré que « le classement de la Tunisie dans cette liste est une décision pénalisante« , n’écartant pas « la possibilité qu’elle soit influencée par certains groupes de lobbying œuvrant pour le compte de certains pays« .
Il a recommandé à cet égard recommandé de « réactiver l’effort diplomatique pour neutraliser l’influence de ces groupes« .

De son côté, l’économiste Abdejlil Bedoui, a mis l’accent sur « la complexité de la situation parce que la Tunisie a choisi de s’engager dans un processus néolibéral, contraignant et asymétrique, qui la soumet constamment aux arbitrages externes, courant ainsi le risque de se trouver dans des listes noires répétitives« .
Selon lui, il va falloir « repenser tout le système et réformer la relation de l’Etat avec la société et l’économie, mais surtout avec l’extérieur« , affirmant que l’Etat « ne doit plus se soumettre aux contraintes et diktats extérieurs, mais il doit savoir les négocier et les contourner« .
« Si on veut intégrer la mondialisation, il faut savoir négocier ses contraintes« , a-t-conclu.

Prenant part au débat, Abdelkader Boudriga, vice-président du Cercle des financiers tunisiens, estime pour sa part que la Tunisie a payé le prix de son ambition et de sa sur-confiance, rappelant que c’est elle qui a demandé d’être évaluée selon la nouvelle méthodologie du GAFI publiée en 2013 et que c’est l’unique pays de la région MENA à être évalué conformément à cette nouvelle méthodologie.
« L’ambition est louable mais elle doit être efficacement gérée. La Tunisie a fait des progrès en matière de législation liée au blanchiment d’argent et au financement de terrorisme, mais du travail reste à faire« , a-t-il fait valoir, faisant remarquer que l’alignement sur les normes internationales est « un travail continu, difficile qui nécessite du suivi« , tout en recommandant de mettre en place une structure permanente au sein de la Présidence du gouvernement destinée à gérer cette question.

Réagissant aux propos des experts, Mounir Ben Rjiba, responsable des relations avec l’Union européenne au ministère des Affaires étrangères, a fait savoir que « suite aux efforts diplomatiques déployés par les autorités tunisiennes auprès de l’Union européenne, cette dernière s’est indirectement engagée à faire sortir la Tunisie de la liste noire des pays les plus exposés au blanchiment de capitaux, dès que ses engagements avec le GAFI seront remplis« .
Il a à ce titre rappelé que « l’Union européenne, qui n’a pas un système d’évaluation de blanchiment d’argent et de financement de terrorisme et qui se base pour ses classements sur les classements du Gafi, a mis en place en 2015 une directive instaurant un système de précaution contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En vertu de cette directive, tout pays classé dans une liste noire par le GAFI est automatiquement listée par l’UE, mais sa sortie de cette liste ne s’effectue pas d’une manière automatique une fois qu’il est sorti de la liste du GAFI, à cause dudit principe de précaution« .
Il a également évoqué « le plan d’action mis en place par le gouvernement depuis le 3 novembre 2017 qui contient tous les détails de mise en œuvre des 40 recommandations du Gafi« , rappelant que 26 recommandations ont été jusque-là respectées.
« De plus, un décret concernant le gel des avoirs de terroristes a été émis en janvier 2018, et d’autres mesures imminentes seront prises ; le gouvernement s’étant engagé à tenir tous ses engagements avant fin avril 2018« , a-t-il encore précisé.

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