C’est un homme d’affaires, peu connu du grand public tunisien, dont on faisait le portrait dans notre édition du dimanche 19 mai 2024. Le franco-tunisien Samir Jaieb était plus dans la promotion immobilière que dans le tourisme. Depuis la reprise d’El Mechtel à Tunis et du Palace à Gammarth, il est en voie de devenir un des gros bonnets du secteur de l’hôtellerie. L’homme, investit et reconstruit bien, certes mieux qu’il ne reçoit ses invités bien qu’il soit homme du monde comme il aime à le paraître. Mais il sait comment reprendre et mieux faire que certains frileux du secteur.
Sûr de ce qu’il fait, mieux que ceux qu’il critique parmi ses pairs sans vouloir les heurter, il n’a pas non plus la langue dans sa poche et ne se prive pas de lancer des piques, comme de dire du secteur hôtelier que « « il n’y a pas de crise, mais des promoteurs qui ne savent pas construire et des opérateurs maladroits et qui se plaignent pour ne pas honorer leurs engagements ». Et vlan !
– La vérité, toute la vérité sur le projet de GFH
Ce sont des opérations, comme la reprise de l’hôtel El Mechtel à Tunis, et bien avant, l’opération Tunis-Baie, plus connue en Tunisie par le projet du Port financier de l’Emirati GFH, que Samir Jaieb nous parle dans ce second volet de l’interview accordée sur les lieux de son nouveau projet hôtelier à Monastir.
« Lorsqu’ils [Ndlr : la société GFH] m’ont contacté, j’ai acheté la partie Golf immobilier. J’ai démarré, et tout était en règle. Les Bahreïnis avaient les moyens de faire et l’Etat est là. Finalement, moi j’ai fait ma partie, les gens du Bahreïn n’ont pas du tout avancé sur le reste du projet, et l’Etat tunisien non plus, car il attendait que les Bahreïnis avancent et eux ils attendent que l’Etat tunisien avance, et ils n’ont pas l’intention d’avancer au rythme prévu, car ils sont dans une perspective de spéculation sur le long terme sur le foncier », dit Jaieb, dans ce qui est la 1ère vraie explication du retard du projet du « Tunis Financial Harbour », annoncé depuis 2008, et dont les autorité tunisiennes devraient tirer les conclusions !
Et le promoteur d’ajouter que « en fait, ils ont acheté une réserve financière. Ils m’en ont vendu une partie que j’ai valorisée par mon projet qui se vend déjà car j’ai fait plus vite qu’eux, et ils me créent désormais des problèmes, car je n’ai toujours, ni l’infrastructure, ni l’eau, ni l’électricité, car ils ne veulent pas dépenser, et ne font rien depuis 2008. Et j’ai dû remédier seul à tous les manquements des Bahreïnis, et mes acheteurs (Ndlr : entre 800 mille et 1,2 MDT la villa) y habitent déjà ». En définitive, Jaieb aurait réussi, seul avec les concessionnaires, la connexion de tous les réseaux.
– Un repreneur d’hôtels, qui sait développer et y réussit
Mais Samir Jaieb n’est pas facile à démonter, surtout qu’il commençait à prendre goût à l’hôtellerie.
C’est ainsi qu’il rachète El Mechtel de chez la CTKD à quelque 50 MDT, qu’il a entièrement rénové avec 30 MDT et l’a divisé en 2 brands internationaux.
2019, l’hôtel faisait un chiffre d’affaires de 21 MDT, la même somme qu’en cette année-là, suite à la grande baisse de l’activité de séminaires, 23 MDT en 2023 avec un RBE de 9 MDT, et 26 MDT avec le Lunch-Bar attendus en 2024, et une RBE entre 38 à 40 %. « Mis à la vente dès 2016, les Tunisiens n’en voulaient plus. Moi j’y ai vu un potentiel, et j’ai fait finalement une bonne affaire, sans même un plan social. Désormais, c’est une vraie machine commerciale, bien rodée, et avec une équipe de grande qualité », dit Jaieb content de lui-même sans fanfaronnade.
Les mêmes vendeurs d’El Mechtel lui ont ensuite présenté l’hôtel « Le Palace », confisqué chez Belhassen Trabelsi, avec 230 cadres surpayés, qui ne travaillaient pas et plombaient l’entreprise sous une masse salariale de 7 MDT, et l’obligation de le mettre à niveau pour le Hilton avec un investissement de 50 MDT.
Un hôtel, mais aussi la société qui le gérait, actifs et passif compris, avec une résidence bâtie sans jamais recevoir de PV de recollement, d’énormes dettes-fournisseurs et la soixantaine de procès contre la société, et tout l’hôtel qui ne fonctionnait qu’avec des blessés libyens, et était en décrépitude. « Là, j’ai fait trois plans sociaux à 7 MDT. Valorisé à 31 MDT, c’est un coût d’achat final de 167 MDT. Résoudre toutes ces difficultés relève in fine du miracle. Et j’y ai réussi », dit-il fièrement. Et il explique son intérêt pour l’aventure Le Palace dont aucun opérateur tunisien ne voulait, en indiquant que « moi, développeur et visionnaire, j’y ai vu le potentiel immobilier sur la partie foncière à vendre autour de l’hôtel, grâce à la loi de 2016 dont j’étais à l’origine bien avant, permettant le mix hôtel et immobilier sur 30 % du terrain ».
Fin 2025, promet le promoteur, il livrera 20 villas et 60 appartements, dont la marge aura permis de livrer Le Palace rénové en Hilton avec une petite dette de 20 MDT, et qui devrait faire entre 35 et 40 MDT de chiffre d’affaires, et une RBE de 15 MDT. Voilà comme Samir Jaieb fait des affaires. Et il ne compte pas s’arrêter.
– « il n’y a pas de problème d’hôtellerie, mais un problème d’hôteliers »
On retrouve en effet à Monastir ce promoteur qui pense que « il n’y a pas de problème d’hôtellerie, mais un problème d’hôteliers », ajoutant que « il y a au minimum 60 % d’hôteliers qui n’ont plus leur place en Tunisie », et que 2024, comme 2023, sera une très bonne saison touristique pour la Tunisie », mais qui n’oublie pas de préciser que le Covid lui a fait perdre 80 % de son chiffre d’affaires, ou 30 MDT pour tout le groupe.
Pour lui, qui dit croire fortement en le potentiel du tourisme tunisien, continue d’y investir et développer, gagne de l’argent et paie ses banquiers, « si tu veux sauver le tourisme, il faut fermer tous les hôtels qui ne sont pas aux normes, pour ne pas dire autre chose, qui n’ont pas les moyens de recevoir dans les normes, et qui nous font du mal ». L’homme sait manifestement de quoi il parle !
Insatiable de projets et qui se laisse à dire qu’il est à 50 % de dette entre actifs et passif, on le retrouve en tenue de sport bord de mer, où il a racheté un hôtel en carcasse à l’abandon depuis 15 ans pour la somme de 5 MDT en 2020, et lance les travaux de reconstruction. Le chantier comprend 600 lits, il est actuellement en plein développement. « On va finir ici, sur une dette de 10 MDT sur un produit qui vaut 60 MDT, un hôtel qui devrait faire un chiffre d’affaires de 15 MDT et en dégager 5.
Le nouvel hôtel 4 étoiles de Samir Jaieb à Monastir, qu’il dit déjà Booké et commercialisé pour la saison, devrait ouvrir le 1er juin.
Originalité de l’homme d’affaires, il a invité tous les employés du groupe pour une préouverture et un training en réel. Le promoteur hôtelier n’oublie pas de doubler son projet hôtelier d’un autre immobilier, juste en face de son hôtel à Monastir, et assure qu’il cible les TRE et serait presque déjà entièrement commercialisé.