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Grand oral raté de BCE, mais il n’a pas dit son dernier mot !

C’est un chef de l’Etat aigri face à ce qui se passe sur la scène politique, impuissant devant son fils et la crise de son parti, désenchanté par le chef du gouvernement qu’il a nommé. Il tentait, pendant 70 minutes, de ne rien laisser transparaître, en essayant, à plusieurs reprises, de prendre le dessus sur la journaliste en face de lui, jusqu’à parfois l’agresser après avoir essayé de la flatter par son discours sur la liberté de la femme et son rôle, qu’on redécouvrait hier soir sur Alhiwar Ettounsi.

BCE donnait l’impression de s’être trompé de plateau et pensait s’y trouver pour faire un discours et non pour répondre à des questions. «Je ne suis pas venu discuter avec vous, mais pour parler au peuple tunisien qui m’a élu. Et vous n’êtes qu’un outil pour …». Plus tard, il lui dira qu’elle ne comprend rien à la politique et la traitera même de partisane, l’obligeant à corriger avec le sourire, que «je n’ai aucun lien avec Ennahdha».

Pour lui, le processus démocratique est en danger, car il reste inachevé. Il dira plusieurs fois son inébranlable décision de le terminer. «Les élections se tiendront en temps convenu, je le confirme et j’y veillerai jusqu’à ma mort, comme je l’ai fait pour les municipales», annonce-t-il tout fier.

Questionné s’il compte candidater, BCE dit comme à son habitude la chose et son contraire. «J’ai le droit de candidater», affirme-t-il, avant de se raviser pour dire que «cela dépendra des conditions et on en parlera en temps voulu». Et le chef de l’Etat d’adresser une pique à celui dont il avait dit quelques instants auparavant que «malheureusement les préparatifs pour les présidentielles ont commencé deux années avant l’heure et on ne peut empêcher personne de candidater, car c’est un droit constitutionnel (…)», que «j’encourage tous ceux qui voudraient le faire. Mais il n’est pas sûr que tous ceux qui se porteront candidats réussissent et ce n’est pas tous ceux qui y ont droit, qui doivent postuler. C’est selon la conjoncture». Suivez, si vous y parvenez, son regard.

  • Droit dans ses bottes de père, BCE dédouane son fils et le met en garde, sans lui conseiller de partir

«Je le connais celui-là », dit-il en scrutant la photo de son fils Hafedh Caïed Essebssi. Et de répondre à la remarque de Meriem Belkadhi sur les difficultés de Nidaa Tounes qu’il a mis entre les mains de son fils, en dédouanant ce dernier. «Tous les partis sont dans le même état », citant l’exemple du parti du «Professeur» et «Docteur Moncef Marzouki», selon ses dires, et dont le mouvement a explosé en mille morceaux.

Et BCE de recentrer ensuite ses propos. «Nidaa Tounes n’est certes pas dans la meilleure de ses formes. Mais le problème n’est pas Hafedh en lui-même. C’est un citoyen comme les autres et mon fils, quand il est à la maison. Ailleurs, c’est un Tunisien comme les autres». Façon de dire qu’il n’est en aucun cas responsable de ce qu’il fait ou de ce qu’il est devenu, avant de démentir tout ce qui se dit sur l’héritage politique ou le népotisme. «Tout cela est faux et c’est injuste» en prenant le Coran à témoin, avant d’ajouter que «ce n’est pas moi qui ai nommé mon fils à Nidaa Tounes, et je ne suis pas content de son rendement, comme pour le reste des partis politiques. Je ne le défends pas pour autant. Nidaa, je l’ai quitté et depuis, je n’y ai plus remis les pieds par respect à la constitution».

  • «Attention aux Monastiriens ». Dixit BCE à HCE

Et si HCE n’était pas le fils du président, y resterait-il, l’interroge la journaliste. «Et qu’est ce qui empêche ceux qui n’en veulent plus de le lui dire et de le changer», lui répond BCE, toujours droit dans ses bottes de géniteur. Un sentiment qui le pousse instinctivement à mettre en garde son fils, contre ses ennemis. Et de lui dire, après un rappel historique de ce qu’avaient fait les Monastiriens à Bourguiba, que «les gens de Monastir sont contre toi [Ndlr : Allusion faite aux deux députés de Monastir qui s’étaient retournés contre HCE, notamment Jalel et Anis Ghédira]. Si tu veux m’écouter, faits attention à eux. Ils ont dégagé Bourguiba avant toi. Si tu veux sortir, faits-le en toute dignité, avant qu’on te dise …».

Il changera pourtant de sujet, lorsque la journaliste lui demande s’il conseillait à son fils de quitter Nidaa Tounes. Plus haut, il disait que «personne n’est irremplaçable. Même s’ils partaient tous les deux [Ndlr : Youssef Chahed et Hafedh Caïed Essebssi], la Tunisie ne s’en ressentira pas. Point à la ligne. La Tunisie regorge de compétences, nettement meilleures. Je ne pleurerais pas s’il le faisait, mais je ne lui conseillerai rien», dit-il avant de botter en touche lorsque la journaliste insiste. «Posez-moi une autre question», lui dit-il.

  • Chahed, l’épine dans le pied de BCE qui ne sait trop comment l’enlever

De Youssef Chahed, chef du gouvernement, il dira «c’est moi qui l’ai choisi et je crois avoir bien fait. Il fait son devoir autant qu’il peut. Qui lui a demandé de partir ? Personne. Moi je n’ai pas de problèmes avec lui. C’est moi qui l’ai amené. Je suis le responsable, mais je n’ai pas les outils pour l’assumer». Un discours d’une rare perplexité, digne d’un Bajbouj. Le chef de l’Etat, y encense son rival qu’il voudrait de tout cœur partir. Il endosse la responsabilité de l’avoir nommé, mais regrette à la fois de le faire, en invoquant le manque de moyens pour le renvoyer.

Suite aux questions insistantes de Meriem Belkadhi, il finira par dire ce qu’il a vraiment sur le cœur à propos de Youssef Chahed. «Le chef du gouvernement n’est pas élu. Sa légitimité vient de l’ARP. Ceux qui veulent son départ, car il n’a pas une bonne gouvernance, ne sont pas n’importe qui et ne sont pas du petit nombre. Ennahdha a dit non. Je lui ai conseillé d’aller à l’ARP requérir un vote de confiance. Lui, il ne veut pas. Je ne peux pas l’obliger à partir. Il n’a pourtant pas de légitimité. S’il va à l’ARP, il aura son vote de confiance. Je l’espère pour lui. Si l’ARP le lui accorde, tout le monde se taira. Il le peut, d’autant qu’il dispose d’un bloc parlementaire suffisant avec Ennahdha». Et s’adressant à YC, «S’il vous plait, allez à l’ARP et fermez ce dossier (…). On croirait presque que BCE serait content que l’ARP maintienne le chef de gouvernement dont il ne veut pourtant plus. Il pousse même le bouchon plus loin, en affirmant sur un ton des plus convaincus, que «si j’avais quelque chose contre lui, j’aurais invoqué l’article 99 de la Constitution. Mais on ne m’y poussera pas et je ne le ferai pas».

  • BCE, le Kasparov de la scène politique tunisienne

Apparait ensuite BCE le stratège et magnifique joueur d’échecs en politique, lorsqu’il laisse planer un doute sur sa décision de ne pas faire appel à l’article 99. «Peut-être un autre jour, mais aujourd’hui, non et il n’y a rien de définitif en politique. Tout peut changer».

BCE avoue ainsi son impuissance à renvoyer Youssef Chahed. Mais n’exclut pas de le faire, si les conditions changeaient. Ces conditions se résument dans la fin du consensus entre lui et Rached Ghannouchi de manière soudaine et surprenante. «A la demande d’Ennahdha, le consensus est fini. Ennahdha s’est lavé les mains de Béji Caïed Essebssi et les relations BCE/RG sont rompues entre nous, à la demande d’Ennahdha. On commence une nouvelle aventure et je n’y suis pour rien», dit-il plein de remords, de remontrance et de non-dits et manifestement très touché par la position du chef d’Ennahdha lors de leur rencontre et dont rien pourtant n’a filtré. Par la même occasion, BCE retourne la veste contre son ami de Paris et voudrait, ce faisant, redonner espoir aux partisans de Nidaa Tounes, mécontents de l’alliance Ennahdha-Nidaa, que leur parti a entendu leur message et rectifie ses choix en conséquence.

BCE n’a donc certes pas pu dégager son «fils indigne », mais ne désespère pas encore de le faire. Il suffirait de peu et le doute persiste, d’autant qu’Ennahdha a vite fait de réagir à la colère de BCE, par un communiqué où il réaffirme son attachement au consensus avec le chef de l’Etat. Youssef Chahed aura ainsi gagné, une bataille, mais pas la guerre avec Béji Caïed Essebssi !

  • L’UGTT. L’autre carte de BCE contre Youssef Chahed

Dans cette guerre froide entre BCE et Chahed, le chef de l’Etat tient aussi une autre carte. Il s’agit du puissant syndicat. «On ne peut pas ignorer UGTT, c’est un pilier du pays. Je soutiens l’UGTT pour ses revendications légitimes», dit-il avec une assurance qui laisserait presque croire que la centrale syndicale est en parfaite harmonie avec une partie de l’Exécutif et à la fois contre la seconde partie du même Exécutif.

Le conflit est actuellement à son apogée entre gouvernement et UGTT, sur les questions des salaires des fonctionnaires et de la restructuration de l’ensemble des entreprises publiques, lourdement déficitaires. Et c’est à ce sujet que l’UGTT a annoncé une grève générale. BCE montre même qu’il a tout sous contrôle à ce sujet. «Attendons voir si elle va avoir lieu. La menace de grève ne vaut pas grève. La grève générale est un casus belli. Ils [Ndlr : les syndicats] doivent tenir compte des intérêts des gens».

Cela ayant été dit, BCE montre à Chahed et ceux qui le soutiennent qu’il n’a pas tout perdu de ses pouvoirs et qu’il pourrait, s’il le voulait, lui éviter l’affrontement avec l’UGTT. Il n’en fait pas moins une carte dans son jeu politique.

«Je ne sortirai que pas la grande porte. J’assume mes responsabilités. 1,737 millions de voix m’ont choisi et je continuerai à exercer mes prérogatives». Dixit Béji Caïed Essebssi que tout oppose encore à Youssef Chahed. Pour beaucoup d’observateurs, BCE a raté son oral et aurait mieux fait de se taire. Il n’en reste pas moins vrai que le vieux briscard de la politique n’a pas encore dit son dernier mot. Pour le pays, «Business as usual». Pour les politiciens «The war-show is going on» !

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