La loi de finance complémentaire pour l’année 2020 est passée. Et « c’était une naissance douloureuse », a commenté le chef du gouvernement qui répondait hier après minuit en onze minutes (encore plus court que ses 2 interventions précédentes) aux interventions de … 101 députés. Presqu’une césarienne d’un bébé indéfendable, tant les indicateurs présentés par le gouvernement, font peur quant aux perspectives qu’ils dessinaient pour l’exercice 2021.
Ce matin, toujours à l’ARP qui a entamé la discussion de la LF 2021, le député Fayçal Derbel que ne méritait franchement pas Ennahdha dans ses rangs, était encore plus sceptique. « Pour 2021, on espère simplement qu’il y aura naissance tout court ».
Puis, dans une intervention, magistrale de perspicacité et de pertinence économiques et financières, le rapporteur de la commission des finances, détaille ses réserves sur la LF 2021 en discussion. D’abord, « l’achat de la paix sociale à crédit. Et ce fut une démarche erronée, car nous n’avons pas fait de ce crédit un investissement capable de générer un retour d’investissement. Au contraire, il n’a généré que des mouvements de protestation, une productivité nulle et des empêchements au travail. Et en face, les crédits seront toujours là, et devront être remboursés ». Le député parlait alors des crédits qui avaient été nécessaires pour boucler le budget 2020, et qui seront encore plus importants pour 2021, et qui n’iront que trop peu à l’investissement, et beaucoup plus pour le fonctionnement et les salaires.
– 530 nouvelles nominations, mises à fin de mission, et 46 décisions de primes, en 9 mois
Et le député, commissaire aux comptes de profession et un temps président de l’Ordre, plusieurs années membre du conseil national de la fiscalité, et qui publiait chaque année un manuel critique et d’explication de chaque loi de finance, de démontrer au chef du gouvernement le coût de ses non-réformes.
Il prend, pour cela, l’exemple d’une entreprise publique qu’il évite de citer [Ndlr : On sait pourtant qu’il s’agit de la CNRPS], « dont les seuls fonds propres seront négatifs à la fin 2020, de presque 2,5 % du PIB de tout le pays. En 2018, elle signait une perte de 660 MDT, en 2019 800 MDT, et quelques autres 450 MDT de pertes attendues en 2020, ce qui totalise une perte de 2 Milliards DT au bout de 3 ans. Des pertes qui auraient pu être évitées si le réformes nécessaires y avaient été faites ».
Il évoque même, comme un doigt accusateur aux derniers gouvernements, le coût de la non-application des réformes faites. Il cite ainsi l’exemple de la loi sur l’économie solidaire qui attend toujours ses six décrets d’application, la loi du financement participatif où 7 décrets d’application attendent toujours de voir le jour, le décret-loi de l’autoentrepreneur aussi, et même les lois de finance 2017, 2018, 2019 et 2020, dont certains décrets d’application n’ont jamais été publiés.
Et Derbel de clouer ensuite au pilori les gouvernements sur la question de l’instabilité managériale. « Au cours des 9 derniers mois, il y a eu publication de 770 décrets, dont 530 pour des nominations et de mises à fin de missions. Au cours de la même période, on enregistre 46 décisions de primes pour des catégories spéciales de cadres. La croissance était pourtant négative et le Corona sévissait » et donc arrêtait le travail. Une instabilité structurelle, donc, qui empêche toute réforme, et des chiffres ahurissants pour un pays qui croule sous la dette.
– Le gouvernement a accepté de revoir sa copie, pour 21 aussi, et l’ARP attendront pour voter
A tout cela, il faudra ajouter un besoin en dette pour 2021, que la commission des finances de l’ARP demande à réduire et le faire passer sous la barre des 10 Milliards DT au moins, en lieu et place des 16,6 Milliards inscrits dans l’actuel budget en discussion. Trouver aussi des solutions aux 53 % des entreprises qui pourraient fermer, 75 % qui ont des difficultés, et s’approvisionner en matières premières, 45 % qui ont déjà totalement perdu leurs clients à l’étranger. Des solutions, qui doivent désormais figurer dans le budget économique de 2021.
Il faudra donc au chef du gouvernement réviser certaines dépenses, faire l’amnistie de change et de cash, penser à lancer un emprunt obligataire à taux très réduit et des garanties de non-harcèlement fiscal, un emprunt obligataire en devises auprès des TRE, ou encore inscrire une des grandes entreprises publiques ou plus, à la privatisation, du moins à l’ouverture du capital. Certains députés auraient proposé une contribution budgétaire de 2 journées de travail, entre public et privé (400 MDT), pour les revenus de plus de 30 mille DT par an en brut. Ou encore, comme le propose le député Mustapha Ben Ahmed, une contribution de 3 mois de salaires en brut aussi, pour les députés, tous les membres du gouvernement et les instances constitutionnelles (216 MDT selon certaines estimations) et mêle la présidence de la République.
Les idées existent et sont nombreuses pour sortir l’économie du goulot d’étranglement financier où elle se trouve. Il suffirait simplement de plus de courage politique.
De tout cela et à l’amélioration des différents ratios économiques de la Tunisie pour lui assurer le répondant nécessaire en matière de dette, domestique et étrangère, le chef du gouvernement n’aurait rien promis de particulier, sauf de revoir sa copie pour certaines rubriques du budget 2021, sans donner plus de détails à des députés, manifestement déterminés, dans le cas contraire, à refuser le budget 2021.
Et c’est pour tout cela qu’il a été entendu que l’ARP commence la discussion des différentes « missions » ou budgets des différents ministères. Une discussion, qui ne sera pas chaque fois sanctionnée par le vote. Ce dernier ne se fera qu’une fois les changements introduits dans le budget au niveau de chaque ministère et à la lumière des corrections demandées. Cette entente, sur le nouveau modus operandi du vote du budget par report du vote, aurait été trouvée ce matin, après que certains partis ont essayé de le faire passer au forceps, en passant directement au vote, ministère par ministère, rendant ainsi impossible tout changement, notamment sur le volet dépenses.
C’est la catastrophe si on y regarde bien et le plf 2021 à moins d’une intervention des États-Unis est un aveu de faillite étant donné l’état et du pays et de nos voisins.
Nos valeureux députés devraient prendre de longues vacances et laisser le gouvernement remettre de l’ordre avec l’aide des américains