AccueilLa UNELe pain, objet de tous les dérapages et de toutes les «guerres»

Le pain, objet de tous les dérapages et de toutes les «guerres»

Selon l’INC (Institut National de la Consommation), la consommation annuelle de pain en Tunisie est de 42 kilos par famille et de 74 kilos par personne en moyenne annuelle (chiffres 2022). Le pain en Tunisie est mangé à toutes les sauces. En casse-croûtes divers et variés, en baguettes et gros pains, ordinaires et spéciaux, en pains traditionnels et autres variétés orientales, avec tout ce qui est mijoté, en Fast-Food et même avec les macaronis.

Le pain est aussi l’objet de tous les gaspillages. On recensait en Tunisie 900 mille pains gaspillés par jour, représentant 680 tonnes de farine subventionnée par l’Etat, selon des chiffres de l’INC. Un gaspillage, autour duquel s’est greffé un « commerce » de transformation des baguettes en aliment pour bétail, donc tout aussi subventionné par les deniers publics. Un commerce, qui se perpétue, et qui avait été à l’origine de l’augmentation des prix, sous Bourguiba, laquelle avait abouti aux émeutes du pain ayant  embrasé la Tunisie pendant une semaine en 1984, et dont Kais Saïed craint la réédition. Une compensation, celle du pain, qui n’est pas si facile à lever, tant elle impacterait plus d’un autre secteur, comme celui du commerce du Fast-Food à l’ancienne, ou même le tourisme dont les coûts exploseraient et les rendrait moins concurrentiels.

  • Pays fortement endetté, la Tunisie compense presque tout, même le tabac

Le pain est, en Tunisie, un produit compensé par l’Etat, à l’instar du sucre, du café, du lait, de l’essence et même du tabac. Le pain est vendu, par les boulangeries, et par les pâtissiers qui en font un produit d’appel pour toutes autres sortes de gâteaux (Kais Saïed a pu le constater depuis des années, lorsqu’il achetait encore ses baguettes dans un quartier cossu de la capitale où boulangerie rime encore avec pâtisserie) même par des Brands étrangers installés en Tunisie, dont l’une avait même été inaugurée par une ancienne ministre.

Les boulangeries dites non-classées car combinant pâtisserie et boulangerie, ont d’abord vendu leur pain plus cher sous l’appellation de « pains spéciaux ». Ils ont ensuite étendu la palette de leurs pains à la baguette, et en ont expliqué le prix élève par le fait qu’il serait fait avec de la farine non subventionnée. Et tout est ensuite parti en vrille, lorsque la crise du pain a éclaté, d’abord à cause de la pénurie de céréales, puis la pénurie de pain.

  • Guerre entre boulangers

Guerre entre boulangeries classées et non classées. Dans une précédente déclaration accordée à  radio Shems fm, le président de la Chambre syndicale nationale des boulangers, relevant de l’Utica, Mohamed Bouanane, affirmait il y a quelques jours que le lock-out des boulangeries modernes ne va rien changer à la situation, martelant que la suspension d’activités des boulangeries modernes ne va pas influencer l’approvisionnement en pain.

Réagissant ensuite au lock-out des boulangeries modernes, Bouanane a aussi indiqué que les boulangeries modernes, dites non classées, n’ont aucun statut et les citoyens les boudent désormais, à cause des prix pratiqués. Selon lui, le gouvernement a fait son travail, il a même soutenu que depuis deux jours, il n’y a plus de problème et l’approvisionnement est normal.

Le 10 août 2023, la Chambre syndicale des patrons de boulangeries relevant de l’Utica publiait un communiqué dénonçant une campagne de diffamation la visant, et condamnait ce qu’elle appelait « les atteintes aux syndicalistes » notant également que les propos de son président ont été déformés. 

Précisant qu’elle n’est intervenue que sur les questions qui sont liées à ses activités, notamment le pain subventionné, la Chambre syndicale des boulangers a assuré que le dialogue avec les autorités de tutelle se poursuivait pour garantir l’approvisionnement en pain. 

Elle a exprimé, également, sa satisfaction de la disponibilité des matières premières, la farine notamment, expliquant que les professionnels du secteur devraient percevoir leurs redevances bientôt. 

Une journée auparavant, Mohamed Bouanane, fustigeait son homologue Mohamed Jamali, des boulangeries modernes relevant de la Conect, au sujet du prix de vente de la baguette et son éventuelle fixation à 0,15 dinar à condition que l’État fournisse les boulangeries modernes en farine subventionnée.  Le responsable a expliqué que si les boulangeries modernes étaient capables de vendre la baguette à ce prix, c’est parce qu’elles compensaient leurs pertes avec la vente d’autres produits. Ce qui n’est pas le cas des boulangeries classées, relevant de l’Utica. 

  • Guerre entre non-classées et ministère du Commerce

Il y a quelques jours, les boulangers « Conect » faisaient manifestation devant le ministère tunisien du Commerce, pour protester contre l’interdiction qui leur avait été faite sur ordre du chef de tout l’Etat, d’acheter de la farine subventionnée. Le 8 août courant, ils annonçaient la suspension de leur sit-in. Et ce n’est donc que partie remise !

Au regard de l’urgence politique du sujet, le nouveau chef du gouvernement, Ahmed Hachani, rencontre la ministre du Commerce et du Développement des exportations Kalthoum Ben Rjeb, lui demandant l’accélération de « la mise en place de mesures permettant de rétablir un approvisionnement normal et régulier en pain ». Et depuis, visiblement peu de choses ont changé. Les queues se font toujours aussi longues devant toutes les boulangeries classées, alors que les non classées ne vendent plus que lesdits pains spéciaux, à des prix spéciaux.

Et aux dernières nouvelles, données par le DG de la concurrence sur une radio locale, « le ministère du Commerce travaille à une restructuration globale du système de panification et recherche des solutions efficaces en vérifiant les besoins selon les régions et la répartition géographique des boulangeries classées ».

Autant dire que ce sera demain la veille (إستنه يا دجاجة حتى إجيك القمح من باجة), car le problème est essentiellement structurel, et relatif aux capacités financières du pays d’importer les quantités de farine meunière nécessaires pour absorber les pénuries et rendre ainsi caduque toute velléité de stockage et de surenchère. Et ce n’est pas le renvoi du DG de l’office des céréales qui résoudra la crise !

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