AccueilMondeLe spectre "des pires crimes de l’histoire humaine" refait surface

Le spectre « des pires crimes de l’histoire humaine » refait surface

« Les mots sont puissants.  Les mots peuvent tuer.  “Vous êtes des sous-hommes.”  “Vous êtes des rats.”  “Vous êtes des cafards qui doivent être exterminés.”  Ces mots renvoient à certains des pires crimes de l’histoire humaine: esclavage, décimation des peuples autochtones, Holocauste, apartheid. »

C’est en ces termes que la Présidente de l’Assemblée générale, Mme María Fernanda Espinosa Garcés, a ouvert, ce matin, la séance de l’Assemblée, réunie à l’occasion de la célébration de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, et qui aura vu les orateurs dénoncer, le Secrétaire général en tête, ces « étranges fruits qui bourgeonnent de nouveau aux arbres du populisme », selon l’expression employée par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme en référence à la célèbre chanson de Billie Holiday.

Dans un contexte tragique, marqué notamment par les attaques contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, il y a deux semaines, et contre une synagogue, à Pittsburgh, aux États-Unis, l’an dernier, Mme Garcés a dénoncé le fait que des « populistes » exploitent les doléances légitimes de ceux qui se sentent abandonnés.  « Nous ne devons pas légitimer les mensonges populistes, il nous faut repousser ceux qui blâment les migrants pour nos problèmes, tout en veillant à ce que le nationalisme à courte vue ne fasse pas dérailler les solutions à mettre en œuvre au niveau mondial », a martelé la Présidente.

« Les discours de haine ont pénétré le débat public, se propageant comme un feu de forêt par le biais des médias sociaux et de la radio, nous les voyons se répandre tant dans les démocraties libérales que dans les États autoritaires », a renchéri le Secrétaire général, M. António Guterres, en dénonçant la montée actuelle de l’intolérance, alimentée par les idéologies nationalistes et populistes.

  1. Guterres a souligné la nécessité de remédier aux fractures et à la polarisation et de rejeter les figures politiques qui exploitent les différences pour des gains électoraux.  « Mais, a-t-il ajouté, nous devons aussi nous demander pourquoi tellement de personnes se sentent exclues et pourquoi elles sont tentées de se tourner vers des messages d’intolérance. »  Comme antidote, M. Guterres a lui aussi évoqué la solidarité qui s’est exprimée à Pittsburgh, « théâtre de la plus grave attaque antisémite de l’histoire des États-Unis », et à Christchurch.  « Nous partageons une humanité commune.  Nous sommes tous égaux.  Nous devons veiller sur le bien-être de chacun », a-t-il exhorté.

La Haut-Commissaire adjointe, Mme Kate Gilmore, s’est, elle, lancée dans un vibrant plaidoyer des droits de l’homme pour faire pièce au racisme.  « Dans la nécessaire quête des droits humains pour tous, il n’y a ni Nord ni Sud, ni Ouest ni Est, il y a uniquement l’humain et l’inhumain.  Les droits humains sont pour les meilleurs et les pires d’entre nous, pour chacun d’entre nous à l’exception d’aucun d’entre nous. »

De son côté, pointant le nombre accru d’organisations prônant ouvertement la supériorité des races, le Président du Comité sur l’élimination de la discrimination raciale, M. Nourredine Amir, a appelé les États à se doter de législations adéquates pour les combattre efficacement.  Le populisme et les idéologies suprémacistes fondées sur la supériorité raciale ne sont pas un simple exercice de la liberté d’expression mais des vecteurs de la division, a-t-il martelé, tout en avertissant que la haine raciale et la propagation du discours nationaliste et populiste ne prospèrent que sur le laxisme explicite ou implicite des États ou leur absence de vigilance.

Allant encore plus loin, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, Mme E. Tendayi Achiume, a affirmé que de nombreux États nient l’existence même des discriminations raciales.  Elle a néanmoins souligné « l’exemplarité » de la réaction de la Première Ministre de Nouvelle-Zélande, Mme Jacinda Arden, après le massacre de Christchurch.  Cette attaque a été au cœur de nombreuses interventions, dont celle de la Malaisie, qui l’a imputée à la montée des « sentiments nationalistes et des idéologies extrémistes », qui s’enracinent dans le « un choc des ignorances », selon l’expression d’Edward Saïd.  Cette attaque nous rappelle combien est dangereuse l’absence de compréhension de l’islam comme religion de paix, a renchéri son homologue de l’Indonésie.

L’Assemblée générale a également tenu une séance l’après-midi, empreinte de la même gravité, pour marquer la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, l’occasion également pour la Présidente de l’Assemblée générale d’alerter qu’à l’heure actuelle, quelque 40 millions de personnes sont soumises à l’esclavage moderne, dont 71% de femmes et d’enfants.  M. Guterres a aussi souligné la nécessité de porter, « haut et fort », la voix de celles et ceux qui se sont levés contre leurs oppresseurs, « de Zumbi dos Palmares au Brésil; de Nanny, la reine des Marrons de Jamaïque; de la reine Nzinga des royaumes du Ndongo et de Matamba de ce qui est aujourd’hui l’Angola; de Harriet Tubman aux Etats-Unis et de tellement d’autres ».

Alors que cette Journée était placée, cette année, sous le signe des arts, l’Assemblée générale a entendu M. Christopher Cozier, artiste et lauréat du prix Prince Claus, indiquer que les artistes dans la région des Caraïbes sont toujours influencés par un passé marqué par l’esclavage.  Dès lors, « comment pouvons-nous devenir des sanctuaires, des lieux sûrs, pour l’imagination humaine, après avoir été de simples corps pour l’esclavage »?

Convaincu que les arts ont la capacité de faire sentir les « cicatrices » de cette tragédie, San Marin, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, a aussi souligné le rôle très important qu’ils jouent pour révéler les traces latentes de l’histoire et appeler à réaliser un monde plus juste.  « Après la fin de la traite, de nombreux artistes nous ont aidé à faire face à notre passé », a d’ailleurs expliqué la déléguée des États-Unis, en mentionnant l’écrivain Maya Angelou parmi les artistes ayant parlé de l’espoir des esclaves et des blessures morales laissées par ce fléau.  L’art est un droit universel et un outil précieux pour la justice, a-t-elle conclu.

De son côté, le Nigéria, au nom du Groupe des États d’Afrique, a parlé de l’initiative « Door of Return », lancée dans le but de faire de 2019 « l’année du renouveau culturel, philosophique, historique et spirituel qui aidera les populations d’ascendance africaine à renouer avec l’Afrique ».

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