« Enfidha reste un projet prioritaire pour le ministère, ses travaux avancent et le ministère y consacre une réunion hebdomadaire pour le suivi. Le délai de dépôt des offres pour la construction a certes été retardé pour 21 avril 2021 à la demande des entreprises ayant fait retrait du cahier des charges, mais on a tout récemment ouvert les plis des quatre offres pour le choix du Cabinet auquel sera confiée la promotion du projet auprès des concessionnaires qui s’y intéresseraient », nous a indiquait en novembre 2020, le ministre Moez Chakchouk qui venait alors de débarquer au ministère du Transport et de la logistique.
Mais depuis, le fameux port en eau profonde n’a toujours pas dépassé l’étape de la constitution d’une société de gestion du projet. La société s’était donnée un DG et paie des salaires, mais le projet du port en lui-même semble prendre de l’eau, et dernièrement du côté du super-ministre des Finances, de l’économie et beaucoup d’autres choses qui, faute de moyens financiers, se laisserait convaincre par les groupes de pression.
Initié par l’ancien régime de Ben Ali, sur un grand ensemble d’études de tous genres pour le choix du site final du port, le projet d’Enfidha qui devait impacter économiquement toute la profondeur Est et Ouest de la Tunisie, deviendra l’objet de tiraillements entre plusieurs régions, encouragées par l’article de la Constitution sur la discrimination positive à l’encontre de la zone du Sahel tunisien. Et certains chefs de gouvernement de ladite révolution laisseront même planer le doute sur sa concrétisation. Il aura fallu l’insistance et le lobbying de certains députés, notamment Hafedh Zouari, pour décider le gouvernement de Youssef Chahed à relancer le projet. Sous le gouvernement d’Elyes Fakhfakh, le projet allait même disparaître par le fait d’un ancien ministre qui coupa les vivres à la société de gestion du port. Le projet résiste, mais connaît toujours des difficultés de démarrage. «
Les études faites par l’Etat étaient pour un projet en Landlord, non en BOT comme pour l’aéroport d’Enfidha, où l’Etat prend en charge un certain nombre d’investissements, et la construction est partagée entre l’Etat propriétaire à travers la société de gestion qui devra assurer 70% du coût de construction, et le partenaire étranger qui est chargé de mobiliser le financement. Il faut donc à l’Etat tunisien trouver les crédits nécessaires à cet investissement. Or, c’est actuellement un Etat qui n’a pas les moyens de prendre crédit », explique Moez Chakchouk à Africanmanager, cinq mois après sa déclaration enthousiaste de novembre dernier.
Et c’est ce qui pousse désormais certaines forces de lobbying à essayer de faire pression sur l’Etat pour qu’il donne sa garantie à la société de gestion afin qu’elle prenne crédit auprès du ou des financiers que le partenaire étranger pourrait trouver et amener avec lui. D’autres, notamment ceux qui représenteraient d’autres régions tunisiennes désireuses de délocaliser ce projet vers d’autres régions qu’Enfidha, feraient désormais pression sur le ministre des Finances, et au moins refaire les études pour démontrer l’inutilité du projet. Ces pressions régionalistes voudraient pousser les uns vers La Skhira et les autres vers Bizerte.
« Plus on introduit le doute dans ce genre de projet structurant, et plus on en retarde la réalisation, plus le pays perdra et enregistrera un énorme manque à gagner par rapport aux pays concurrents dans la région. Nous ne sommes contre ni l’un ni l’autre. Nous estimons cependant que le potentiel du projet du port en eaux profondes à Enfidha est capital pour tout le pays », estime pourtant Moez Chakchouk qui déplore en même temps un manque flagrant de conscience de l’importance de l’investissement pour la relance économique.
Pour le financement, le ministre du Transports et de la logistique propose de transférer les montants bloqués pour des investissements de l’Etat, non encore réalisés et dont la concrétisation piétine depuis des années, vers les projets qui peuvent l’être dans de brefs délais.