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Tunisie : Le bateau de Jomaa tangue, déjà ! Les raisons de la tempête

Quand il y a des remous dans le parti de celui qui est présenté par Jeune Afrique comme le très probable prochain Emmanuel Macron (en référence à l’ascension fulgurante et qu’on n’a pas vu venir de l’actuel président français), ça interroge forcément. Ce d’autant plus que l’ancien chef de gouvernement Mehdi Jomaa nous avait « vendu » une autre façon de faire de la politique et surtout une autre manière de manager ses troupes, non sans avoir tiré, au préalable, sur tous les partis et parties. Alors qu’est-ce qui se passe chez lui ? Qu’est-ce qui explique que trois cadres d’Al Badil Ettounsi, Sana Ghenima, Lotfi Saïbi et Souheïl Nabli, dont deux membres fondateurs, aient claqué subitement la porte ? Les intéressés se sont exprimés, très laconiquement, sur les motifs de ce départ. «Notre ambition étant d’ancrer un changement profond pour une Tunisie qui gagne, d’instaurer le projet transformateur dont rêvent les Tunisiens et de faire la politique autrement pour un avenir radieux, nous continuerons à porter ce rêve et cette ambition pour notre patrie», dit leur communiqué. Là il faut souligner l’élégance du geste, des mots, la hauteur de vue de ceux qui les ont prononcés. Les autres formations politiques, qui nous ont habitué à des crêpages de chignon, à des querelles de bas étage et des déballages nauséabonds sur la place publique, seraient bien inspirées d’en prendre de la graine. Mais tous ces voeux, pieux en l’état, ne nous édifient en rien sur les dessous de l’agitation chez Jomaa. Et il faut qu’on sache, ne serait-ce que pour éclairer, à minima, les citoyens-électeurs que tous ces partis draguent, très maladroitement d’ailleurs. Alors Africanmanager est allé à la pêche aux confidences…

Un proche collaborateur de Jomaa et membre fondateur nous a donné la position du parti sur cette affaire, ou plutôt les explications de ce coup de sang de Ghenima, Saïbi et Nabli. Il a affirmé qu’ils ont quitté la formation en réaction à l’ouverture à des figures de l’ancien régime. Exactement le même débat qui a agité à un moment Nidaa Tounes, et que son fondateur, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, est parvenu à contenir et a pu orienter toutes les forces du parti vers les mêmes objectifs : Déloger la Troïka du pouvoir, en premier. Son fils, Hafedh, l’actuel directeur exécutif, jusqu’au prochain congrès qu’il a enfin promis, réussit beaucoup moins bien dans cet exercice. Et bien Jomaa serait en train, d’après son collaborateur, de traverser la même mer agitée. Pourtant, nous a-t-on dit, il s’était entouré de toutes les précautions en signifiant clairement à ses compagnons que le parti, du reste comme la Tunisie, a besoin de tous ses enfants et qu’il n’était pas question de faire le distinguo entre eux, de quelque bord, appartenance ou obédience politique qu’ils aient été dans le passé. Il avait par ailleurs demandé aux membres fondateurs, quels que soient leurs mérites, de s’engager à se retirer de la mission qu’on leur a confiée si quelqu’un de « meilleur » qu’eux se présentait. Il semble que les engagements n’aient pas tenu car c’est exactement, d’après notre interlocuteur, ce qui a motivé le départ de ces responsables…

Démons du passé, schizophrénie…

Ce qui secoue actuellement Al Badil Ettounsi est de la même nature que les convulsions qui ont pris le pays après le départ brusque de Ben Ali. Personne n’a préparé les citoyens à la bourrasque de la Révolution qui a balayé, en quelques semaines, le puissant régime du dictateur qui terrorisait les Tunisiens jusque dans leur sommeil. Cette liberté si soudainement acquise, il a bien fallu en faire quelque chose. Et comme chacun la met à sa sauce, puisqu’on n’a pas eu le temps depuis – 6 ans c’est trop peu pour cela ! – de s’accorder sur l’essentiel, on verse dans le pire le plus souvent. Comme cette chasse aux sorcières que les anciens persécutés, les islamistes, se sont fait un devoir de faire dès qu’ils ont pris les rênes du pays. Bon, ils en sont revenus depuis et ont mis beaucoup d’eau dans leur jus après leurs errements et tâtonnements qui ont mené le pays au bord du précipice, après les tragédies que l’on sait (les assassinats politiques surtout). Mais la Tunisie est loin d’être guérie de ses contradictions et tourments post-révolutionnaires…

6 ans, on le répète, c’est trop peu pour bâtir une nouvelle génération de dirigeants, d’homme d’Etat, de businessmen. Alors de fait, là aussi on le répète : La Tunisie a besoin de tous ses enfants, d’où qu’ils viennent, pour se sortir de l’ornière et se bâtir un avenir. L’Afrique du Sud, sous la présidence de l’icône planétaire Nelson Mandela, après des décennies d’atrocités commises par un Etat ségrégationniste et raciste, s’est tout de suite lancée dans cette entreprise, avec brio. La Tunisie elle rechigne à y aller, se contorsionne, lambine, hésite, accuse, livre à la vindicte populaire, etc. C’est ce qui explique le sort qui a été réservé à la loi sur la réconciliation économique, que son initiateur, le chef de l’Etat, a voulu grande, ambitieuse, pour propulser le pays en engageant toutes ses énergies dans la bataille économique. Mais face à la bronca, accompagnée de manière opportuniste par des parties et partis politiques, dont Ennahdha, BCE a battu en retraite. Pour finalement nous servir un document incompréhensible, vidé de sa substance et dont l’impact en termes de dynamisation des forces de la Tunisie tend vers zéro.

Si la Tunisie s’était réconciliée avec son passé, on ne verrait pas Sana Ghenima, la principale artisane du « village électoral » de Ben Ali, un mixte de manifestations politico-économico-cuturelo-sportives, se renier au point de voir rouge et de quitter son parti parce que des personnalités de l’ancien régime veulent s’y greffer. Ce dont souffre Ghenima, cette schizophrénie dévastatrice, c’est ce dont souffrent beaucoup de Tunisiens. C’est peut-être aussi, quelque part, ce que renvoie le miroir qui explique cette gêne et ce réflexe de rejet, feint ou pas, des vestiges de l’ancien régime. On l’a vu quand il s’est agi de désigner des ministres qui avaient collaboré avec Ben Ali. Les mêmes qui étaient vilipendés dans les salons de thé et les cafés quelques jours et heures avant ont été plébiscités par les députés lors du vote de confiance à l’ARP pour le gouvernement Chahed 2. Finalement c’est peut-être, Youssef Chahed, qui comprend le mieux les citoyens, lui qui a pris le risque, très calculé, de passer en force en cooptant des barons de l’ancien régime. Et il vient de récidiver en faisant passer, là aussi en force, sa très controversée loi de finances 2018. C’est peut-être comme ça qu’il faut faire, pour in fine faire le bonheur des Tunisiens, grognards, pour tout, et déboussolés par une flopée de droits auxquels ils n’étaient pas préparés…

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1 COMMENTAIRE

  1. Vraiment je ne vous comprends pas, Monsieur MAHDI , pourquoi quand vous étiez aux commandes des affaires du pays vous n’avez rien fait

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