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Tunisie : Le pire est à venir, car notre modèle de société est en jeu

Dans cette Tunisie post révolutionnaire où les cartes sont redistribuées après le départ du dictateur auquel personne n’était préparé, tout est politique par excellence, tout est politisé à outrance. Les enjeux de pouvoir sont partout. A chaque fois qu’il s’agit de mettre en place une instance publique, les protagonistes de la scène politique s’agitent, jouent des coudes pour placer leurs pions, de manière à noyauter tous les cerces de pouvoir, pour ne pas perdre la main sur le pouvoir suprême. Pour le moment c’est ce qu’on a compris de la démocratie, et il y a des chances que cela dure. Bâtir une classe de dirigeants qui a le niveau des standards internationaux, ça prend au moins une génération. Et comme il faut bien que l’élite de demain soit cuisinée par l’actuelle, reconnaissons que celle que nous avons sous la main ne vole pas haut, pour prétendre former la relève. Mais c’est tout ce qu’on a, alors faisons avec, en attendant. En attendant le miracle, nous continuerons à trinquer avec des psychodrames du genre de celui que nous vivons actuellement, autour du Document de Carthage 2, menant le pays au bord du précipice, par la seule volonté du fils du président de la République. Avant cela on a eu ces remous affligeants au Parlement autour de la désignation des membres de l’ISIE, après l’abandon en rase campagne de Chafik Sarsar. La prochaine tragicomédie des députés, et elle a déjà commencé, se jouera autour de l’installation de la Cour constitutionnelle. Les enjeux de cette affaire sont infiniment plus importants que toutes les affaires qui avaient mis le feu à l’Assemblée des représentants du peuple.

Le 21 mars 2018, les élus s’étaient revus pour la troisième fois pour élire les membres de la Cour constitutionnelle. Et pour la troisième fois les mêmes causes ont produit les mêmes effets : Après les croche-pattes et batailles de tranchée d’usage dans cette vénérable Assemblée, les élus se séparèrent sans aucun accord. Sauf pour la personne de Raoudha Ouercighni qui, ô miracle, recueillit 150 voix. C’est celle qui leur semblait la plus incolore, dans le sens neutre du terme et donc la moins susceptible de gêner les petites affaires des belligérants. Pour les autres candidats, ce sera «Niet». Pourquoi ? Parce plus que la nécessité de mettre en place rapidement cette instance qui aura le dernier mot sur la constitutionnalité des lois, et qui donne sens à la Constitution, une affaire qui n’a que trop tardé, pour ces Messieurs/Dames nos chers élus l’urgence est ailleurs : Placer des hommes ou femmes acquis à la cause de la partie. Et la patrie dans tout cela ? Et l’intérêt général ? Ils passent bien après. S’ils passent…

Les «borgnes», les « aveugles »…, tout le monde s’active

Samedi 26 mai 2018, l’Association tunisienne de Droit constitutionnel a pondu un communiqué pour faire part de sa préoccupation par le projet d’amendement de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle. La structure invite à rester vigilant quant au processus de mise en place de cette juridiction eu égard à son impact sur le processus démocratique.
Le texte ajoute que le changement du processus d’élection des membres de la Cour constitutionnelle risque de nuire à son homogénéité et de porter atteinte, dès le début, à sa crédibilité. Signalons que le communiqué a été signé par le président de l’association, Slim Laghmani, un des postulants à la Cour constitutionnelle.
La mise e place d’une institution d’un tel poids ne doit pas se faire sur la base d’une manipulation des lois pour servir des intérêts conjoncturels, lit-on dans le communiqué.
D’après l’association, le projet d’amendement de la loi organique n° 2015-50 du 3 décembre 2015, relative à la Cour constitutionnelle, adoptée le 9 mai dernier en Conseil des ministres, est venue remplacer la majorité requise par la majorité des députés présents pour l’élection des membres de la juridiction.
Il s’agit en d’autres termes de se rabattre sur la majorité relative en cas d’absence du quorum lors des deux tours de vote (les deux tiers pour le premier et la majorité absolue pour le deuxième).
Le communiqué indique ceci : la Cour constitutionnelle ne peut garantir les droits et les libertés ni défendre la suprématie de la Constitution que lorsque ses membres sont au-dessus de tout soupçon.

Au-dessus de tout soupçon, c’est certainement l’une des vertus les plus rares dans ce magma politique qu’on appelle transition démocratique. Les gros de la place, ‘borgnes au royaume des aveugles’, Nidaa Tounes et Ennahdha, sont certes ceux qu’on voit et entend le plus, ceux qui finissent par arracher les morceaux les plus importants, mais il y a les autres, et ils existent au Parlement, pèsent, empêchent de tourner en rond et parfois même font pencher la balance, par la magie de ce système parlementaire avec  scrutin à la proportionnelle qui permet aux petites formations d’avoir voix au chapitre. La Tunisie s’est payée, dès le début, le nec plus ultra des régimes politiques, une merveille d’une telle complexité et d’une telle dangerosité que très peu de nations, même les plus avancées, ont le courage d’adopter. Mais notre Constitution est ce qu’elle est, pour le moment, alors il va falloir essayer d’être à son niveau. Et justement en parlant de Constitution, ce texte fondamental dont certains se plaisent à dire qu’il est «l’un des meilleurs du monde» est par moments un véritable fourre-tout, où on s’est échiné à insérer les droits de tous, jusqu’à arriver à des contradictions insolubles. Dans cette configuration, une Cour constitutionnelle où 4 membres sont élus par le Parlement, un deuxième tiers par le chef de l’Etat et le troisième par le Conseil supérieur de la magistrature ne peut que cristalliser les passions.

La Constitution contenant des pans entiers dont l’interprétation dans un sens ou un autre peut changer notre modèle de société, les lois qui en découlent sont forcément l’objet de toutes les disputes. Certes pour le moment la violence des joutes à l’ARP n’est pas encore montée aux oreilles des citoyens – il y a d’autre sujets d’inquiétude, beaucoup trop -, mais ça va venir. Après ce sera autour du Conseil National du Dialogue Social…

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