AccueilLa UNETunisie : Chahed devra arbitrer le conflit entre la BCT et l'INPDP

Tunisie : Chahed devra arbitrer le conflit entre la BCT et l’INPDP

Le nouveau projet de loi sur la protection des données personnelles, qui devrait prochainement passer au Conseil ministériel pour approbation, puis au Parlement, ne plait pas à tout le monde. Il semble que cette loi, dans la droite ligne des pratiques en la matière en Europe, n’a pas plu à la majorité des ministères et des structures ayant un rapport direct ou indirect avec l’instance qui en a la charge. À la Banque centrale par exemple, ce projet de loi a provoqué une forte réaction, contrairement  au ministère de l’Intérieur qui se veut coopératif et plus solidaire.
Le professeur de droit constitutionnel et président de l’Instance nationale de protection des données personnelles (INPDP), Chawki Gaddes, confirme le constat. Dans une interview exclusive accordée à Africanmanager, il a tenu à préciser que la BCT pense qu’elle a l’exclusivité du contrôle du monde des Finances, alors qu’il faut qu’elle admette que sa compétence est générale mais la protection des données personnelles est une question spéciale. « La règle juridique à ce propos est que le spécial déroge au général« , a dit Gaddes.

Gaddes a en outre indiqué que si la Banque centrale est chargée de jouer le rôle de contrôleur des institutions financières à travers ces agréments et l’édiction des circulaires, elle se limite aux opérations financières. Mais le contrôleur du traitement des donnes personnelles est la compétence de l’INPDP. « La Banque centrale elle-même est soumise au contrôle de l’instance dans son traitement des données personnelles des clients du système financier et bancaire.
La Banque centrale n’a jamais édicté aucune circulaire concernant la protection des données personnelles. Elle n’a pas entrepris les procédures obligatoires concernant la protection des données personnelles, pourtant elle y est soumise. Le Gouverneur de la Banque centrale a même refusé en 2016 de prendre une circulaire pour rappeler aux banques les normes de protection des données. La réponse était la suivante :  » Cela ne fait pas partie des prérogatives de la BCT » !!! », s’est-il exclamé.

Il a par ailleurs indiqué que la Banque centrale est en train de travailler avec l’association des professionnels des banques sur un projet de circulaire qui traite des données personnelles, alors que l’instance n’a pas été consultée ou même informée. « Cette manière de voir explique les commentaires issus de la Banque centrale, et ils sont d’autant plus étonnants que le ministère de l’intérieur chargé de la sécurité nationale se retrouve plus réceptif et collaboratif. Mais l’instance sur ce plan prendra pour témoin des députés de la nation et avant demandera l’arbitrage du président du gouvernement« , a expliqué Gaddes.

S’agissant de la coopération entre l’Instance et le ministère de la Santé dans ce domaine, le président de ladite instance a affirmé qu’ils sont en train de relancer la coopération avec le département de la Santé, notamment avec la nomination d’un nouveau ministre à sa tête et avec qui on a eu à coopérer quand il était à la tête des Finances. Les données personnelles dans le domaine de la santé sont très sensibles et ont des répercussions même sur la souveraineté de l’État tunisien, sachant que plusieurs données sont transférées à l’étranger.
« Toutes les actions dans le domaine de la santé posent des problèmes de protection des données. L’activité médicale, les analyses, les explorations, la recherche… doivent se soumettre aux normes de protection. A ce propos il est temps de penser sérieusement à rédiger et adopter en Tunisie un code de la santé. Aujourd’hui le corpus juridique dans ce domaine est lacunaire et dispersé à cause de la manière avec laquelle on a toujours agi au cas par cas et de manière isolée pour trouver des solutions aux problèmes ponctuels qui se posent« , a-t-il déclaré.

Interrogé sur la réaction du ministère de l’Intérieur, Chawki Gaddes a assuré que le département est parmi les rares structures consultées qui ne se sont pas opposées aux nouveautés du projet de loi. « On a même apprécié les demandes formulées par ce département concernant par exemple le prolongement de la durée de stockage des vidéos pour atteindre 60 jours au lieu de 30 jours pour des raisons sécuritaires, que je comprend bien.
Pour ce qui est de la proposition de faire de l’instance une juridiction de premier niveau statuant sur les violations des normes de protection, les oppositions nous ont paru très discutables. Premièrement parce que dans les expériences comparées, toutes les instances de contrôle agissent de cette façon car la violation des normes dans ce domaine ne peut s’adapter à la lenteur des processus juridictionnels, mais surtout parce que cette question est très pointue et seules les instances sont outillées pour statuer à leur propos. D’un autre côté, ces réserves sont d’autant plus inexplicables que la Tunisie a depuis des décennies institué des structures dotées de ce pouvoir juridictionnel. Pourtant personne n’est dérangé par cet état de chose. Il suffit de voir les pouvoirs dévolus par exemple à l’instance nationale des télécommunications ou le conseil du marché financier. Ces instances rendent des décisions de nature juridictionnelle qui sont susceptibles d’appel devant les tribunaux. Pourquoi alors s’étonner de voir l’INPDP en profiter ?« , s’est interrogé Gaddes.

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