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Béji Caïed Essebssi en a le statut. A-t-il la stature d’un chef d’Etat ?

Pendant une cinquantaine d’années, la Tunisie a vécu sous un régime où le chef de l’Etat était l’Homme qui pouvait tout faire et qui faisait tout ce qu’il disait, aussi bien pour le simple citoyen qui l’arrêterait en pleine rue pour lui filer une plainte dans une enveloppe, que face aux Etats devant lesquels il représente le sien. Porté et protégé par son charisme de «Combattant suprême» et son aura de libérateur de la Tunisie du joug du colonialisme, Bourguiba aura été la meilleure incarnation du métier de chef de l’Etat. Après lui, Ben Ali a fini par transformer la démocratie en «Démocrature», mais aura quand même réussi à rester fidèle à l’image que se fait le Tunisien d’un chef d’Etat.

Pour l’actuel président, Béji Caïed Essebsi (BCE), il suffit juste de rappeler cette citation, écrite en 1829 dans «Le Bréviaire». «Qui ne sait gouverner sa famille, n’est pas propre à se mêler des affaires publiques». Sa famille étant le parti Nidaa Tounes qui aura été le «cheval de Troie» qui l’a amené à Carthage, il n’y a plus besoin de plus de détails pour faire l’accablant constat de l’amer échec de BCE. On rappellera juste qu’il a été élu sur la base d’un programme dont l’essence et presque le seul point était d’écarter Ennahdha de la gouvernance de la Tunisie de la 2ème République. Un programme qu’il  finira par jeter  à la poubelle, dès son entrée au palais de Carthage. Depuis, selon plus d’un observateur de la scène politique tunisienne, c’est un homme au statut de chef d’Etat, mais sans la stature. La dernière sortie médiatique du «vieux loup » de la politique, ce mercredi 30 mars 2016 sur les ondes de 9 radios publiques et de 2 radios privées, n’aura finalement été qu’une nouvelle démonstration de l’échec de BCE à être le chef de l’Etat, le PRESIDENT que la Tunisie de l’après Ben Ali attendait !

Pendant presque 80 minutes, c’est un habile homme politique qui palabrait et qui devisait, avec la manière  «Bajboujienne» qui est la sienne, avec trois journalistes. Eludant le vrai sens des questions qui lui étaient posées, esquivant, blaguant à sa manière et lançant des anecdotes du temps ancien, louvoyant, «noyant le poisson» comme le lui dira un des journalistes et tournant presqu’en rond autour des vrais réponses, il parviendra à faire de cette intervention, hyper-médiatisée, une vraie perte de temps, sans aucune décision ni mesures, claires et précises, qui annonceraient la fameuse «sortie de l’ornière».

On l’entendra, ainsi par exemple, répondre à la question, cruciale et primordiale pour un chef d’Etat, de l’autorité délabrée d’un Etat qui n’arrive même pas à faire respecter ses propres lois. Pour lui, en effet, «la question est un problème d’application. En ce qui me concerne et en vertu des prérogatives qui sont les miennes, j’ai parlé au peuple pour lui dire que l’autorité de l’Etat ne va pas. Le gouvernement, et il en est remercié, a affirmé qu’on doit aller dans ce sens». Il n’ira pas plus loin et ne donnera pas son avis, alors qu’il sait, comme tout le pays, que le gouvernement n’est pas allé dans le sens qu’il disait. Il aura tout de même avoué que ses prérogatives ne vont pas plus loin et c’est là tout le nœud gordien de la grande majorité de cette interview fleuve.

Il éludera par la suite le rappel du journaliste que «ce que vous appelez l’autorité de l’Etat, n’est pour d’autres que la déconfiture de l’Etat». Il dira que «nommer l’autorité déconfiture de l’Etat est une position politique» et se mettra, comme pour se déresponsabiliser, à rappeler le lourd héritage politique et financier et les réussites en matière de lutte contre le terrorisme !

En bon politicien, BCE oubliera que l’autorité de l’Etat s’impose, d’abord à l’intérieur, par la rigueur des décisions et l’application des lois. Il commettra même l’impair politique d’avouer, avec fierté, être intervenu auprès du chef du gouvernement pour permettre au Front Populaire de faire manifestation. C’était, pourtant, une décision en complète violation de  la loi sur l’état d’urgence. La question se pose donc, encore comme le rappelleront à juste titre les journalistes devant lui autour de la table du traité de l’occupation française avec le Bey et du traité de l’Indépendance, où est l’autorité de l’Etat, devant ce laxisme, du chef de l’Etat lui-même ?

Le journaliste reviendra à la charge, en disant à BCE que «vous êtes responsable de l’état dans lequel se trouve le pays» et qu’il a été élu pour faire appliquer les lois et restaurer l’autorité de l’Etat qui est à la base de toute action ou programme pour sortir le pays du «courant», ou «Corrinti» comme l’appelle le «Bajbouj» chef d’Etat. Il ne niera pas. Pourtant, lorsqu’il lui rappelle que c’est le gouvernement, proposé par le parti Nidaa dont il était le président, qui a échoué, il se rétracte et se remet à l’abri derrière le cocon de ses prérogatives de chef d’Etat qui ne lui permettent presque rien, faut-il le noter. «Je suis responsable dans les limites de mes prérogatives», rappelant encore une fois l’opposition à son initiative de réconciliation économique.

A quoi cela sert  au chef de l’Etat, sinon juste à palabrer, d’affirmer qu’il soutient Habib Essid et qu’il fait convenablement son travail, s’il affirme en même temps que ce n’est pas lui qui l’a désigné et qu’il est incapable de le destituer car il n’en a pas l’autorité constitutionnelle ?

A quoi cela sert-il au chef d’un Etat, sinon à parler juste pour parler, d’affirmer qu’il tient à Habib Essid, alors qu’il affirme à ses contradicteurs journalistes que «seul le résultat compte» et que, lorsqu’on lui demande quand viendra le temps des comptes, il sourit narquois pour dire «jusqu’à preuve du contraire». Il ajoute, avec le même malin sourire, au journaliste qui le tannait pour savoir quand, que «lorsque la lune sera au ciel» !

La Tunisie a-t-elle besoin d’un tel président ? Un président qui dit être responsable de tout, mais pas de la crise dans laquelle se noie le pays. Un président qui affirme être le chef d’un Etat et se dérobe derrière la Constitution pour ne rien faire pour changer les choses. Un chef de l’Etat qui dit n’avoir aucun poids sur la destinée de son chef de gouvernement et qui le soutient mordicus ?

Quelle est in fine la différence entre lui et ses prédécesseurs, sinon qu’il reste moins intempestif et un peu plus politiquement correct que Moncef Marzouki et beaucoup plus bavard que Foued Mbazaa ? A notre sens, BCE aura beau être élu, ce n’est plus le chef de l’Etat que mériterait son peuple !

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