Officiellement, sur le site de l’ARP, la liste des députés en mission à l’étranger s’était arrêtée au 31 octobre 2016. Notre propre liste, pour tout l’exercice 2017, fait état de 243 missions ou députés partis en mission pour l’étranger aux frais du contribuable, dont 10 cadres ou directeurs de l’ARP. Coût total de ces missions, dont on ne trouve nulle part trace pour en estimer l’apport en matière de diplomatie parlementaire, 131.03, 9 DT. C’est certainement peu de chose pour certains, mais cela représente l’équivalent de plus de 367 Smig, dans un pays où le chômage est, officiellement, la cause de tous les mouvements sociaux qui perturbent la production de certains secteurs, comme le phosphate, et met à mal la capacité de tout un pays à produire. Mais aussi, dans un système politique où les députés disent faire de la diplomatie parlementaire, sans en donner la preuve.

  • Tunisie-ARP Des voyages pris en charge et payés par l’ARP

Avant d’aller plus loin, notons qu’en 2017, un certain nombre de députés ont participé à deux voyages promotionnels, organisés par la compagnie aérienne tunisienne, Tunisair, à l’occasion de l’inauguration de deux nouvelles dessertes, en mars 2017 à Conakry (Guinée) et en décembre dernier au Benin. Nous y étions aussi avec nombre d’autres journalistes. Les deux missions étaient en totale prise en charge, sauf pour le timbre de voyage, payé par le transporteur officiel.

On comprend donc mal que des frais de voyage, de 360 DT pour chacun des 3 députés ayant voyagé à Conakry et 421 DT de frais pour chacun des 4 députés ayant été pris en charge par Tunisair pour le Benin, aient été accordés. C’est encore peu de chose (l’équivalent de 173,5 USD), mais guère pour des députés qui connaissent mieux que quiconque la situation financière d’un pays qui s’endette pour payer, aussi, les salaires !

La moyenne des frais de déplacement accordés aux députés tunisiens, a été de 539,2 DT. Les frais les plus bas ont été de 60 DT et les plus hauts d’un peu plus de 3.000 DT pour chacun des 4 députés qui sont allés à Midrand en Afrique du Sud. Il y avait alors un député tunisien candidat à un poste parlementaire africain qu’il n’aura pas, faute encore une fois de lobbying. Mais que faisaient les 3 autres députés qui l’accompagnaient ?

  • 63 voyages sur Bruxelles et 19 sur Strasbourg et la Tunisie sur listes noires

Notons aussi que l’essentiel des 243 voyages à l’étranger, a été fait à Bruxelles, siège de la plupart des institutions de l’Union Européenne. 63 députés s’y étaient déplacés, dont 38 le même jour du 24 avril 2017, un autre groupe de 12 députés trois jours plus tard et 13 autres entre le 12 mai et 16 novembre de la même année. On y reviendra plus loin dans l’article. La même année, 8 députés de l’ARP s’étaient déplacés à Paris en France, 40 autres à Rome en Italie et 14 en Belgique.

Bruxelles où les députés étaient invités, puisqu’ils n’avaient reçu que le prix du timbre de voyage (60 DT chacun), est le siège de l’une Union Européenne. Une institution, qui avait terminé l’année en mettant la Tunisie sur la liste des pays considérés comme des paradis fiscaux, puis sur celle des pays exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Dans la très forte délégation d’avril 2017, il y avait aussi le président et un certain nombre de députés de la commission économique et financière qui entendra, début 2018, la CTAF et critiquera de manière acerbe la gestion des deux crises des paradis fiscaux et du blanchiment. Etaient-ils au courant des crises des paradis fiscaux et de la CTAF ? Avaient-ils réellement cherché à faire du lobbying avec les membres de l’UE pour désamorcer ces crises ? Sinon, pourquoi le pouvoir législatif n’était-il pas au courant de tout cela ?

C’est pourtant dès le 25 janvier 2017, que le groupe Code de conduite demandait à 92 juridictions, dont la Tunisie, de s’engager au sujet de leur politique fiscale. Il y avait pourtant, parmi la délégation du 24 avril 2017, un député réputé proche de l’ancienne ministre des Finances. Qu’avaient alors fait les députés de la seconde vague de missions à Bruxelles, en novembre 2017, alors que la crise de la liste des paradis fiscaux battait son plein ?

19 autres missions parlementaires ont été menées sur Strasbourg, fréquemment qualifiée de capitale européenne ou encore de capitale parlementaire de l’Europe, car elle abrite de multiples institutions européennes et internationales, notamment le Conseil de l’Europe dont dépendent la Cour européenne des droits de l’homme, la Pharmacopée européenne, le Parlement européen ou encore le Médiateur européen. Dix parlementaires tunisiens y avaient séjourné en décembre 2017. Qu’y ont-ils alors fait, dès lors qu’ils s’étaient, comme le commun des mortels tunisiens, étonnés de la mise de leur pays sur la liste des paradis fiscaux ?

Pourquoi l’ARP ne publierait-elle pas les rapports de mission de ces 243 députés, pour qu’on puisse s’instruire sur une prétendue diplomatie parlementaire dont on ne voit aucun résultat ?

Khaled Boumiza

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