Jour de gloire chez les concessionnaires automobiles tunisiens, mais aussi pour toute l’économie nationale. Depuis cinq années, fervents dénonciateurs d’un marché parallèle qui rogne leurs parts et leurs marges, ainsi que celles de l’Etat en fiscalités diverses et qui met en danger aussi le consommateur tunisien, les concessionnaires automobiles viennent de remporter une bataille. Le 13 mars 2018, une date certainement à marquer d’une pierre blanche pour le secteur, le gouvernement mettait en exécution la promesse qui leur avait été faite de lutter efficacement contre le marché parallèle des véhicules légers. Un véritable coup de massue dans la fourmilière d’un marché parallèle, devenu synonyme d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Une décision, disons-le, courageuse, dans une conjoncture où le lobby, commercial et notamment parlementaire, du FCR est puissant.
Rappelons d’abord que «FCR», ou Franchise pour Changement de Résidence, est un régime fiscal spécial accordé aux TRE leur permettant d’importer deux véhicules en cas de retour définitif de l’étranger. Avant le 13 mars 2018, le véhicule, bénéficiant d’une exemption partielle, pouvait s’acquitter de 25 ou 35 % des taxes et droits de douane selon la cylindrée de la voiture importée, et pouvait être immédiatement vendu. Il est immatriculé RS (Régime suspensif) en cas de non-paiement des droits et taxes et reste donc incessible. S’il paie soit 25 ou 35 de 35 % seulement des droits et taxes dus, il est immatriculée en TU. Si la seconde voiture est achetée en devises auprès d’un concessionnaire local, elle est cessible après paiement uniquement des droits et taxes en dinars. (Télécharger ici le décret gouvernemental)
Contrairement à tout ce qui pouvait être dit sur les réseaux sociaux, le régime dit de FCR n’a pas été abandonné. Les TRE garderont leurs privilège, mais avec quelques changements. Des changements, dont le but essentiel est de mettre fin au trafic, à l’achat comme à la vente, du privilège du FCR. Lutte aussi contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent à travers les circuits parallèles du commerce de voitures.
Il y a cinq jours, en effet, un décret gouvernemental est publié au Jort (Journal officiel), qui abroge l‘alinéa «B» de l’article 3 de l’arrêté N° 197 de l’année 1995 fixant les privilèges fiscaux accordés aux Tunisiens Résidant à l’étranger (TRE) et les conditions de leur bénéfice, modifié par l’arrêté N° 1343 de l’année 2016. Désormais ainsi, le privilège fiscal (exemption partielle des droits et taxes) aux TRE est accordé, à la condition que le véhicule ( voiture ou moto), ne soit pas vendu ou cédé avant l’extinction d’un délai d’un an à partir de la date d’enregistrement. Lors de l’enregistrement sous matricule RS, doit figurer sur la carte grise la mention «incessible à partir de la date d’immatriculation tunisienne. Les nouvelles dispositions s’appliqueront aussi, si les voitures sont achetées auprès des concessionnaires locaux.
Le même décret gouvernemental permet, par ailleurs, aux propriétaires de véhicules bénéficiant du régime d’exemption partielle et importés sous le régime du FCR, de régulariser leur situation jusqu’au 31 décembre 2018.
- Un marché morose, impacté par la loi de finances 2018
Autrement, les dernières statistiques de l’ATTT (Agence Tunisienne du Transport Terrestre) relatives aux immatriculations de nouvelles voitures, ainsi que l’état des ré-immatriculations durant les 2 premiers mois 2018, laissaient voir une baisse importante de 14 % sur tout le marché des véhicules légers (VL). Seuls 7.880 nouveaux véhicules (VP + VU) ont été immatriculés, contre 9.178 à pareille période de l’exercice 2017. Une baisse généralisée derrière laquelle on retrouve les dernières augmentations fiscales introduites par la loi de finances 2018. Une baisse due à l’augmentation des prix des voitures. Une baisse des ventes de voitures, qui si elle se confirmait pour toute l’année 2018, devrait aussi impacter le montant des taxes (impôt et DD) perçues par le trésor de l’Etat tunisien.
La baisse a été plus importante pour les véhicules particuliers (VP), avec 21 % de moins en voitures immatriculées, avec 5.023 nouvelles voitures particulières, contre 6.366 en pareille période 2017. En VP, Toyota a été la voiture la plus vendue et ses immatriculations ont même bondi de 177 %, contre une baisse de Renault, 2ème VP la mieux vendue, de 34 % de ses immatriculations. En 3ème place des meilleures ventes, en 2 mois 2018, c’est la Sud-coréenne Kia, qui a immatriculé 500 VP, en hausse de 11 %. Avec 426 nouvelles immatriculations, Citroën se classe 4ème dans les plus grosses ventes, Hyundai 7ème et Fiat 9ème sur le podium des 10 meilleures ventes.
En face, le nombre de véhicules utilitaires (VU) immatriculés en 2 mois 2018 a augmenté de 2 %, avec notamment la Mahindra qui booste ses ventes de 18 % et la Ssangyong dont les ventes bondissaient de 54 % en 2 mois 2018. Il ressort de la lecture, par concessionnaire, des meilleures ventes en 2 mois 2018 que c’est Afrique Auto qui tient le haut du podium avec 1.278 nouvelles immatriculations, devant Ennakl qui ne fait que 717 nouvelles immatriculations malgré un portefeuille de 5 marques, suivi par Artes, Aures, BSB et Stafim.
Khaled Boumiza