«Malgré des progrès notables dans la démocratisation et les efforts de réforme en cours, la transformation de la Tunisie vers une économie plus libre et axée sur le marché a été progressive». C’est ainsi que débute l’appréciation de «Heritage Foundation» du degré de liberté de l’économie en Tunisie, dans «2018 Index of Economic Freedom». Le score de liberté économique de la Tunisie est de 58,9, faisant de son économie le 99ème plus libre de l’indice 2018. Son score global a augmenté de 3,2 points, avec des améliorations significatives de la liberté commerciale, de la liberté d’investissement et de la solidité budgétaire dépassant un score inférieur pour l’indicateur de liberté de travail. La Tunisie se classe au 10ème rang parmi les 14 pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, et son score global est inférieur aux moyennes régionale et mondiale. Pour la comparaison avec le Maroc, principal concurrent de la Tunisie en Afrique du Nord, le Royaume chérifien reste mieux classé, avec un score de 61,9 sur 100.
Pour Heritage, «la protection des droits de propriété continue d’être un sujet de préoccupation, étroitement liée à des niveaux élevés de corruption, ainsi qu’à un important arriéré de litiges en matière de propriété. Bien que le pouvoir judiciaire soit généralement indépendant, la faiblesse du gouvernement a encouragé la corruption aux niveaux inférieurs de la bureaucratie et de l’application de la loi. En 2017, la Tunisie a déclaré une guerre contre la corruption». Concernant le taux d’imposition, l’Index 2018 d’Heritage, un autre livre de chevet des investisseurs étrangers voulant opérer en Tunisie, indique que «le taux d’imposition le plus élevé sur le revenu des particuliers est de 35% et le taux d’imposition des sociétés le plus élevé est de 30%. Les autres taxes comprennent les taxes sur la valeur ajoutée et les transferts de propriété. La charge fiscale globale est égale à 24,0% du revenu national total. Au cours des trois dernières années, les dépenses publiques ont représenté 28,6% de la production totale (PIB) et les déficits budgétaires ont représenté en moyenne 4,4% du PIB. La dette publique équivaut à 60,6% du PIB». On remarque à ce sujet qu’Heritage estime que la Tunisie dispose d’un «système d’entreprise relativement efficace» mais qui «souffre d’un manque de transparence et d’une mise en œuvre incohérente. La Tunisie a développé son secteur industriel et créé des emplois peu qualifiés, mais le taux de chômage des diplômés universitaires est estimé à plus de 30%. Le gouvernement continue d’éliminer les subventions aux carburants et a éliminé les subventions au sucre». Toujours selon la même source, concernant le commerce extérieur tunisien, «les obstacles non tarifaires entravent certains échanges. L’ouverture du gouvernement à l’investissement étranger est inférieure à la moyenne. Malgré les efforts de réforme en cours, le secteur financier faible est fragmenté et dominé par l’État. L’accès au crédit reste limité et les marchés de capitaux sont sous-développés».
Pour un Benchmarking avec le Maroc, en ce qui concerne la charge fiscale, la Tunisie est dite principalement libre avec un score de 73 % contre 70,5 % pour le Maroc qualifié de modérément libre, mais perdant 0,7 points entre 2017 et 2018. La Tunisie est aussi classée meilleure que le Maroc en «Business Freedom», avec un score de 81,4 % contre 69,6 pour le Maroc, avec une légère amélioration du score de la Tunisie entre 2017 et 2018. Ce dernier prend totalement le dessus pour le «Financial Freedom» avec un score de 70 % contre seulement 30 % pour la Tunisie où elle n’a pas bougé d’un iota depuis 2011. Même chose pour la liberté d’investissement, «Investment Freedom», où la Tunisie, avec un score de 45 %, est juste au-dessous du statut de «Repressed» ou répressif pour l’investissement. La Tunisie vient pourtant de se doter d’un nouveau code. C’est, peut-être, ce nouveau texte qui a permis à la Tunisie d’améliorer son score de 10 points en une seule année. La Tunisie reste cependant toujours loin de son principal concurrent maghrébin, le Maroc, qui s’adjuge un score de 65 %, même s’il a baissé de 5 points pour revenir au niveau de 2012. Derrière le très mauvais score tunisien en liberté d’investissement il y a certainement la lourdeur administrative et la multitude d’autorisations et de paperasse administrative. L’actuel gouvernement tente de faire jouer la guillotine administrative, pour en abaisser le poids sur l’investissement. Il a dévoilé un certain nombre de mesures, lors du dernier congrès du patronat. On attend le passage à l’acte et les résultats.
En liberté commerciale, les scores des deux pays se toucheraient presque, même si la Tunisie prend un petit peu le dessus en 2018, avec un score de 82,1 % contre 79,4 % pour le Maroc. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir la taille du marché parallèle en Tunisie pour le comprendre. Mais il est bon, pour éviter l’autoflagellation, de noter les efforts faits par la Tunisie, pour remonter de plus de 18 points en 2018, passant d’un score de 63,8 en 2017 à un score de 82,1 % une année plus tard. La Tunisie est aussi, selon l’Index 2018 d’Heritage Foundation, mieux classée que le Maroc sur le critère du «Labor Freedom» ou liberté de l’emploi. Avec un score de 52,9 % elle est certes plutôt non libre, mais reste mieux que le Maroc qui n’a qu’un score de 36 %. Force est cependant de noter, dans ce critère du «Labor Freedom», que la courbe de la Tunisie est descendante, alors que celle du Maroc est montante et a gagné 9 points depuis 2011 ; la Tunisie en a perdu plus de 21 depuis 2012, selon la fondation Heritage. Un effort est donc à faire en coopération entre le gouvernement et ses partenaires sociaux, pour que le Maroc ne prenne pas le pas sur la Tunisie dans ce critère, fortement recherché par les investisseurs étrangers ! En attendant, les observateurs étrangers du développement du climat des affaires et de l’économie en général semblent changer d’opinion sur la Tunisie. Le dernier rapport de «Renaissance Capital» en témoigne et la donne même plus performante à l’horizon 2020. La balance commerciale tunisienne commence aussi à donner des signes d’amélioration, avec un taux de couverture qui s’améliore de plus de 7 points au premier mois de 2018.