De graves violations des droits de l’homme, dont certaines sont constitutives de crimes contre l’humanité, ont continué d’être commises au Burundi en 2017 et 2018, a affirmé mercredi la Commission d’enquête des Nations Unies sur le pays lors de la présentation de son dernier rapport à Genève.
« Les violations que la Commission avait documentées dans son premier rapport ont perduré tout au long de l’année écoulée. Certaines pratiques, comme celles consistant à faire disparaître les corps ou à opérer de nuit, tendent à les rendre moins visibles, mais elles n’en sont pas moins réelles », a déploré Doudou Diène, le Président de la Commission d’enquête, dans un communiqué de presse.
« Le référendum constitutionnel organisé en mai 2018 et la campagne pour les élections à venir en 2020 ont en particulier donné lieu à des persécutions, menaces et intimidations à l’encontre des personnes soupçonnées de s’opposer au gouvernement ou de ne pas partager la ligne du parti au pouvoir, que cela soit avéré ou non », a déploré M. Diène.
La Commission fonde ses conclusions sur quelque 900 témoignages de victimes de violations des droits de l’homme, de témoins et d’auteurs présumés de tels actes, dont plus de 400 recueillis au cours de l’année écoulée. A défaut d’avoir obtenu accès au territoire burundais, la Commission a notamment basé son enquête sur la base d’informations recueillies auprès de réfugiés burundais dans les pays voisins ainsi qu’en Europe. Toutefois, un pourcentage important d’entretiens ont été menés par la Commission avec des personnes à l’intérieur du pays par téléphone, a précisé Doudou Diène lors d’une conférence de presse mercredi à Genève.
Le gouvernement du Burundi a, cette année encore, refusé tout dialogue et toute coopération avec la Commission d’enquête, en dépit des requêtes et initiatives répétées de cette dernière.
Les Imbonerakure, acteurs de la répression « dans une impunité quasi-totale »
La Commission souligne par ailleurs que les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, ont pris une importance croissante dans la répression, « hors de tout cadre légal et dans une impunité quasi-totale ».
« La Commission a pu établir qu’ils agissent avec l’aval et sous le contrôle effectif de l’Etat burundais », a affirmé Françoise Hampson, membre de la Commission d’enquête. « Les Imbonerakure harcèlent, contrôlent et intimident la population et de nombreuses violations des droits de l’homme leur sont imputables. Ils opèrent souvent aux côtés ou en collaboration avec la police et le Service national de renseignement (SNR), qui restent les organes étatiques les plus impliqués dans les violations graves des droits de l’homme commises au Burundi », a-t-elle ajouté.
Une liste d’auteurs présumés de crimes contre l’humanité a été établie par la Commission. Cette liste pourra être mise à la disposition de tout organe ou juridiction qui mènera des enquêtes indépendantes et crédibles sur les violations et atteintes aux droits de l’homme commises au Burundi et qui garantira la protection des témoins.
La Commission en appelle à toutes les parties burundaises concernées pour que cessent immédiatement les violations et atteintes aux droits de l’homme. Elle demande au gouvernement burundais de poursuivre les agents de l’Etat et les Imbonerakure impliqués dans ces actes.
La Commission d’enquête demande à poursuivre son travail
La Commission d’enquête sur le Burundi a demandé au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies de prolonger son mandat pour une année supplémentaire. « Notre Commission est aujourd’hui le seul mécanisme international à enquêter de manière indépendante et impartiale sur les violations et atteintes aux droits de l’homme commises au Burundi et à en identifier les auteurs présumés », a noté Doudou Diène.
Le Président souligne qu’il est d’autant plus important que la Commission poursuive son travail alors que le Burundi se prépare à de nouvelles élections en 2020, « une période qui nécessite une plus grande vigilance de la communauté internationale » et « qui donne d’ores et déjà lieu à des abus et violations des droits de l’homme ».
La Commission d’enquête sur le Burundi a été créée, le 30 septembre 2016, par la résolution 33/24 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Elle a pour mandat de mener une enquête approfondie sur les violations et atteintes aux droits de l’homme commises au Burundi depuis avril 2015, d’en identifier les auteurs présumés et de formuler des recommandations. La Commission d’enquête présentera son rapport final au Conseil des droits de l’homme, lors d’un dialogue interactif qui se déroulera le 17 septembre prochain à Genève.