Les députés de la République de Kais Saïed n’auront finalement fait qu’entendre la voix du chef, restant sourds à tout autre son de cloche sur les risques de leur vote du crédit de 7 Mds de la BCT au Trésor, puisque « les financements issus des ressources propres de l’État ne couvrent pas ses engagements financiers », disait la ministre des Finances Sihem Nemsia en farfouillant dans la pile de 4 dossiers de notes devant elle. Elle ne se rendait certainement pas compte que c’est elle, toute seule avec les cadres de son ministère, qui avait fait un budget, expansif pour les capacités de l’Etat, et chargeant le dos du contribuable toujours plus.
- Une plénière lassante, qui lui fait dire n’importe quoi
Brandissant le risque de souveraineté de l’Etat, et noyant les députés dans une pléthore de chiffres et de taux jusqu’à s’emmêler les pinceaux et commettre des lapsus linguae (Ndlr : Lapsus révélateur ? Elle se trompe sur le mot « عملة » ou Devise pour dire « عمرة », ou petit Hajj, et récidive en prononçant 700 MDT au lieu de 7.000 MDT à propos du crédit de la BCT), pendant une longue plénière (6 heures dont plus de 2 h pour la ministre) qui en a fait bâiller quelques-uns de ses accompagnateurs et se frotter les yeux de fatigue ; la ministre tunisienne des Finances s’est expliquée devant les Députés sur le recours de son gouvernement à la BCT pour financer son budget.
Avec la conviction de ministre d’un gouvernement qui prêche par défaut de communication, elle prend à témoin des déclarations qu’auraient faites la DG du FMI et la présidente de la CE, qui se seraient exclamées d’admiration sur la résilience de la Tunisie, pour répondre à tous les critiques du processus de juillet 2021 !
Selon la ministre Nemsia, dans sa diarrhée de chiffres pour convaincre les députés de la justesse de ses choix, les besoins de financement sont de 10,3 Mds DT, dont les sources ne sont pas identifiées. « Pour le seul 1er trimestre 2024, et avec des dépenses de plus de 15,6 Mds en seulement trois mois 2024, qu’il faudra trouver d’ici fin mars » a-t-elle précisé.
On y trouve selon elle « 2,750 Mds pour les trois mois de salaires, 1,380 Mds DT en rémunérations, 711 MDT en service de la dette (Ndlr : par fatigue sans doute, elle a oublié le zéro avant le ,7) 147 MDT pour la compensation du transport, 1.044 MDT pour les produits de base, 1076 MDT pour les carburants, 820 MDT pour les entreprises publiques, 1 Md DT pour l’investissement public ».
Toujours selon la ministre qui retrouvait là ses esprits, 7.011 MDT en dette, locale et extérieure (5.040 MDT), sont aussi exigibles pour les 3 premiers mois de 2024, dont un peu plus de 3 Mds DT pour le 16 février courant à débourser en un seul jour ». « D’ici fin mars, il sera impossible de recevoir nul autre crédit international, et on devait trouver une solution. Nos problèmes ne seront pas pour autant résolus en mars prochain. Ça je ne peux pas le dire », prévient-elle, en ajoutant une autre « bonne » nouvelle, qu’ « une très importante somme à rembourser sera exigible pour janvier 2025 ». On nage alors en plein très court terme, et on se demande ce que fera la banquière du gouvernement après mars et si la Tunisie passera le Ramadan dans la sérénité financière !
- L’art de faire avaler les couleuvres
Sihem Nemsia, la ministre par laquelle passe le plan de Kais Saïed pour gérer la crise financière, a aussi évoqué les craintes que les 7 Mds ne soient dépensés en consommation courante et qu’il n’impacte l’inflation. Maîtrisant la rhétorique devant des députés qui n’en demandaient pas autant, elle esquive avec maestria, met en doute ces craintes sans y mettre officielle fin. « C’est vrai ; que peut-on faire, surtout s’il n’y a pas de création de richesse. On aura alors des problèmes et l’inflation explosera », en parlant des doutes formulés par des députés. Et celle qui a refusé de mettre dans la loi autorisant la BCT à donner crédit à l’Etat un article définissant son issue et précisant qu’il n’ira pas en consommation, de dire que « moi je vous dis et vous rassure que cet argent n’ira pas aux dépenses de consommation. Tout le crédit ira donc dans le Trésor, mais les investissements et les projets seront inscrits dans le budget de l’Etat, et on dépensera au prorata des ressources disponibles ». Autant dire que le gouvernement Hachani fera ce qu’il voudra, et au moins, ce qu’il estimera, lui, nécessaire !
Pour l’inflation, Sihem Nemsia prend un air professoral pour donner au député une leçon sur l’inflation. « Ses raisons sont connues, comme les politiques fiscales et financières » professe la ministre, ajoutant même que, « par exemple, la baisse des impôts et la hausse des dépenses publiques, sont sources d’inflation ». Il ne manquait alors, pour mieux faire avaler la couleuvre, qu’elle ne dise que baisser les impôts n’est pas bien pour le couffin de la ménagère.
- Persister dans le déni
La ministre a cru donc avoir convaincu que le prêt n’aura pas d’impact sur l’inflation, car selon elle, « les causes de l’inflation sont nombreuses et variées, notamment la forte demande, la perturbation des circuits de distribution, les coûts de production élevés, les pressions monétaires, la spéculation, les politiques fiscales et d’autres facteurs, indiquant que la méthode de retrait du prêt et les domaines de son décaissement réduiraient les répercussions négatives sur la politique monétaire ».
Toutes ces causes sont pourtant présentes dans la Tunisie en état de stagflation, et s’il y avait eu en janvier dernier légère détente, elle n’avait rien à voir avec une quelconque baisse des prix ! Quant à la politique monétaire conduite en toute indépendance de la politique tout court, c’est du « Capri, c’est fini », et la BCT, qui menait la lutte contre l’inflation, se retrouve désormais entre les mains du politique qui n’y attache que peu d’importance, la considérant comme dommage collatéral du programme présidentiel qui avait déjà arrêté les réformes signées avec le FMI. On passera sur l’impact de cette injection, brusque de 7 Mds DT et sans contrepartie de création de richesse, dans l’économie tunisienne, sur la valeur de sa monnaie et son change, que l’artiste en rhétorique Sihem Nemsia a balayé d’un revers de main.
Manifestement entrée en phase de déni complet du real-économique, la ministre des Finances ne prêtait manifestement aucune attention au contenu du dernier communiqué du CA de la BCT, dont 3 représentants du gouvernement Hachani, qui affirmait malgré l’optimisme béat de la grande majorité de son communiqué du 2 février 2024, que « la trajectoire future de l’inflation demeure entourée de risques haussiers qui pourraient dériver d’une hausse plus importante des prix internationaux, fortement tributaires de l’évolution du contexte géopolitique, de l’aggravation du stress hydrique ou d’une accentuation des pressions sur les finances publiques ». Et tous ces risques existent déjà !
Il est vrai que la ministre Nemsia avait exclu le gouverneur de la BCT de la discussion en plénière d’une loi qui le concerne directement, et déforme même ses objectifs inscrits dans les statuts. Stone depuis Davos, Marouane El Abassi était resté dans ses bureaux de la rue Hédi Nouira où il avait déjà été recadré par le chef de tout l’Etat à propos de l’indépendance !
- Une goutte dans l’océan pour des entreprises zombies
Devant des députés qui ont joué le jeu de la consultation en bloc avant de voter, la ministre tunisienne des Finances a affirmé, par ailleurs sans preuves car ce n’était que suppositions, que l’Etat « ne fera pas concurrence au financement de l’économie » en parlant de l’effet d’éviction, et ajouté en refrain politicien qu’« une partie de la valeur du prêt sera consacrée au remboursement de la dette, tandis que le reste sera affecté aux dépenses de développement et aux investissements publics ». Et elle cite des investissements d’une valeur totale d’un Milliard DT qui seront consacrés au sauvetage de l’usine de cellulose de Kasserine, de l’usine sidérurgique de Bizerte, et de la CPG (Phosphate de Gafsa). Or, l’état des pertes et des dettes de ces 3 entreprises publiques, véritables zombies économiques et gouffres financiers, démontre que les 1 Md DT ne feront pas plus effet que celui d’une goutte dans l’océan.
- Les 3 promesses qu’elle traîne depuis des lustres
La ministre a également souligné que le gouvernement travaille depuis un certain temps à l’adoption de nouvelles lois, telles que le projet de loi sur la lutte contre l’exclusion financière et le projet de loi sur le change, qui seront présentés au cours de la période à venir à l’attention de l’Assemblée des représentants du peuple, en plus du projet de relance économique, considérant dans le même contexte que la révision du code des changes sera un projet révolutionnaire.
La ministre a souligné que l’année 2024 sera celle de l’intégration de l’économie parallèle (ndlr : par la création d’un comité de pilotage !!) dans l’économie formelle, du renforcement de la capacité à créer de la richesse et du développement et des investissements dans tous les secteurs, en plus d’établir la tendance à l’autonomie. Toutes des promesses répétées par tous les gouvernements, y compris celui d’avant Ahmed Hachani. « Parole, parole, parole » disait la chanson de feue Dalida !