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Tunisie : Les malheurs de Rajhi, la bouffée d’air portugaise et mexicaine

Réformer le pays. Une entreprise devant laquelle 6 chefs de gouvernement de l’après-Révolution se sont arrêtés net, préférant le confort des accointances avec les forces d’inertie, cédant aux revendications sociales les plus farfelues et couteuses pour les caisses publiques et repoussant toujours au lendemain les inéluctables réformes. Jusqu’en 2018. Le 7ème chef de gouvernement, Youssef Chahed, affiche bien son volontarisme pour faire bouger, enfin, la Tunisie, il a un plan dans ce sens et a même fait des annonces fortes. Mais voilà, les forces qui lestent toute velléité d’avancer (c’est le fait de millions de citoyens, et pas que l’UGTT seulement, il faut le reconnaitre) sont là, plus actives que jamais car plus accoutumées aux avantages qu’offre le statu-quo. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi, s’est montré beaucoup plus offensif quand la musique de la privatisation des canards boiteux du secteur public a commencé à monter du côté du gouvernement, tout de suite après la décision du FMI de décaisser la 3ème tranche du crédit. Une décision qui a été assortie, comme on pouvait et devait s’y attendre, de recommandations pour l’accélération des réformes, dont la privatisation de certaines entreprises publiques est un point central, même si l’institution financière se garde bien de le souligner publiquement pour ne pas en rajouter aux tensions. Le ministre chargé des réformes majeures, Taoufik Rajhi, est revenu sur la difficulté d’impulser des changements.

Le ministre a évoqué, à l’occasion du séminaire du partenariat de Deauville organisé jeudi 30 mars 2018 à Tunis, les obstacles qui ont entravé la mise en œuvre des réformes majeures, dont a besoin le pays pour pouvoir changer de modèle économique, citant l’instabilité politique et les changements de gouvernements ainsi que la conceptualisation et la priorisation des réformes, tâche qui prend beaucoup de temps compte tenu des capacités limitées de l’administration publique. « L’administration tunisienne n’a pas la capacité de travailler sur autant de lois (à réformer ) en un laps de temps court« , a-t-il précisé.
Afin de parer à ces difficultés, il y a eu recours à l’assistance technique apportée par plusieurs organisations internationales et la création d’un ministère chargé des réformes dont il assure lui -même la charge, a souligné Rajhi.

Une montagne d’obstacles

Parmi les difficultés auxquelles est confronté le processus de réformes en Tunisie, le ministre a cité le consensus ou plutôt l’absence de consensus, à titre d’exemple la réforme de la retraite et la résolution des problèmes des caisses sociales.
Cette grande réforme est bloquée depuis 2015 et afin de dépasser ce blocage une commission à présidence tournante et comprenant des représentants de toutes les parties concernées dont l’UTICA et l’UGTT a été créée en 2016, au niveau de la présidence du gouvernement. Et après 10 mois consacrés au travail de diagnostic, la commission a abouti aux mêmes résultats, obtenus auparavant, par le gouvernement tout seul (nécessité d’augmenter l’âge du départ à la retraite et les cotisations sociales), d’après le responsable gouvernemental. En dépit de ce travail collectif, la proposition relative à l’augmentation de la contribution des employeurs de deux points a été refusée par leurs représentants, a rappelé Rajhi. L’ancien PDG de la CNSS Rchid Barouni y est allé de ses propositions, mais, comme toutes voix de la raison en ce moment, il y a très peu de chances que son appel soit entendu.

Rajhi a également parlé d’un autre grossier : La subvention des hydrocarbures. Il a fait savoir qu’elle coûtera à la Tunisie, cette année, 3000 millions de dinars, contre 1500 MD prévus (pour ces produits et l’électricité) dans le budget de 2018, en raison de la hausse des prix du baril, (actuellement à 64 dollars) et la non application de la réforme relative à l’ajustement automatique des prix de ces produits. Dès que les experts ont eu vent des hypothèses du gouvernement dans le projet de la Loi de finances 2018, notamment le prix du baril de pétrole indexé à 54 dollars, ils ont alerté sur les ennuis qui nous pendaient au nez avec un baril qui allait largement dépasser le seuil fixé par le gouvernement, comme l’avait d’ailleurs prévu la Banque mondiale. Même le ministre le ministre de l’Energie, Khaled Kaddour, avait reconnu dès décembre 2017 les difficultés à l’horizon. Et bien on est en plein dedans !

Rajhi a déclaré que la réforme du système de subvention des hydrocarbures prévoyait des ajustements automatiques des prix chaque trimestre, mais jusqu’à présent seuls deux ajustements ont été effectués. Comprenez par là que l’Etat va encore prendre sur lui, et compenser davantage pour ne pas faire plus des citoyens qui râlent déjà pour l’inflation. Comprenez aussi par là que le déficit budgétaire, déjà très haut et qui préoccupe le FMI, sera encore plus important que ce qui avait été prévu…

Le Portugal et le Mexique indiquent la voie

Le ministre a souligné la particularité de l’expérience tunisienne dont les réformes sont menées parallèlement, au processus de transition démocratique.
Le séminaire organisé conjointement par la présidence du gouvernement et l’OCDE a été dédié aux expériences de certains pays qui ont réussi de grandes réformes, à l’instar du Portugal, le Mexique et l’Italie.
Ainsi pour Alvaro S. Pereira, ancien ministre portugais de l’Economie et de l’Emploi, il vaut mieux s’approprier les réformes que de les réaliser parce qu’elles sont dictées par les autres, en ayant entre autres l’adhésion de l’administration publique.
La priorité doit être donnée aux réformes qui ont un impact important sur le PIB et il ne faut pas hésiter à s’attaquer aux oligopoles et à la corruption, selon ses propos.

Pour l’ambassadrice du Mexique auprès de l’OCDE et ancienne vice-ministre des communications Monica Aspe, le consensus doit être requis pour toutes les réformes auprès des partenaires politiques et sociaux qui n’ont pas le droit d’accepter quelques unes et de refuser les autres.
Elle a ajouté que pour son pays, les réformes ont été détaillées dans un document global signé par toutes les parties, soulignant l’importance de la transparence, de la lutte contre la corruption et de la compétence dans la gestion de ces réformes.
Prenant l’exemple de l’enseignement, l’ancienne ministre mexicaine a affirmé que la réforme dans ce domaine a permis d’évaluer et d’agréer la compétence d’un million d’enseignants sur deux millions concernés.

Reste à savoir si ces propos, qui semblent venir d’une autre planète tant les pratiques en Tunisie sont décalées, tomberont dans les bonnes oreilles. Rien n’est moins sûr…

S.L.

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