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Tunisie : Y a pire que la Révolte qu’ils craignent, et on y est déjà !

Pour ceux qui la craignaient ou l’espéraient, il n’y aura pas de seconde Révolution. Non pas que ce ne démange pas une bonne partie des citoyens, mais c’est un fait : L’Histoire repasse très rarement par le même chemin. D’abord les nations qui ont connu ce soulèvement populaire, massif et très particulier qui débouche sur un renversement de toute la table – les institutions – ne sont pas nombreuses à l’échelle du globe. Ensuite partout où cela s’est produit, le bouleversement est tellement profond, les esprits tellement chamboulés et le traumatisme tellement fort que les citoyens préfèrent nettement les imperfections d’un système plus ou moins démocratique aux aléas et incertitudes d’une deuxième révolte, avec ses promesses de refondation. Ce fut le cas en Angleterre, après une longue fièvre révolutionnaire, de 1642 à 1649 ; aux Etats-Unis, là aussi après une longue gestation, de 1765 à 1783 ; en France en 1789 ; en Roumanie en 1989, etc.  Les Tunisiens aussi préféreront les tourments que leur inflige une classe politique très en-dessous des standards à une deuxième Révolution, à peine 6 ans après la première. Mais les politiques auraient tort de se congratuler derrière les murs, avec des sourires satisfaits, en se disant qu’ils ont échappé à la vague populaire qui allait les emporter. Car ce qui se profile est bien pire que ça, pour eux et pour l’avenir du pays.

Depuis le fameux 14 janvier 2011, les citoyens n’ont jamais eu autant l’impression d’être frappés par des décisions injustes, à tort ou à raison. La Loi de Finances 2018, la principale raison de la discorde, avec sa cohorte de ponctions fiscales, très maladroitement vendues à la population, a laissé de côté une grosse part de l’économie, le secteur informel, pour taper sur les mêmes contribuables, plus facilement prenables. Par ailleurs les députés ont bloqué Youssef Chahed dans son élan pour aller plus loin dans la taxation des cafés, restaurants, grossistes, etc., et l’idée des caisses enregistreuses a été abandonnée en rase campagne. Tous ces rendez-vous manqués, ajoutés aux autres dysfonctionnements dans le pays, alimentent le sentiment chez les citoyens, encore une fois à tort ou à raison, que les dirigeants ne sont pas là pour les défendre et faire prévaloir le principe d’équité. Et tout cela nourrit une démotivation et une démobilisation générales qui font de sacrés dégâts, à tous les niveaux, lesquels vont de la désobéissance civile à l’abstention aux élections (que les sondeurs prédisent forte aux prochaines municipales), en passant par le non respect des lois, la corruption, le manque de productivité au travail (qui est déjà un fléau dans la pléthorique administration tunisienne), les incivilités diverses et variées, la montée de la violence, la dissolution du patriotisme, un climat insurrectionnel permanent dans les gouvernorats, etc., etc.

Chronique d’un crash annoncé

Cette musique du « tous pourris » – en parlant de la classe politique – qui monte dangereusement chez les citoyens nous mène tout droit vers un divorce entre la population et leurs dirigeants. Et ce sont les institutions et l’unité nationale qui vont trinquer. Et puis il y a l’économie, le talon d’Achille de la Tunisie en ce moment. Sans une convergence des énergies vers le même idéal, à tous les niveaux, les précieux point de croissance que lorgne le chef du gouvernement resteront une chimère. Et c’est justement cette dynamique que cette loi de finances et la montée affolante des prix, devant laquelle le ministre de l’Industrie a déclaré son impuissance, sont en train de casser, en brisant d’abord le moral des citoyens, qui l’a déjà dans les chaussettes à cause de moult anomalies qui sont nous yeux et qui discréditent complètement nos élites. On a un président de la République dont les saillies sortent régulièrement du cadre que lui a fixé la Constitution, sans que personne ne s’en offusque ; on a un chef de gouvernement qui a été installé par un Pacte, lequel parasite son pouvoir et de ce fait l’empêche d’être pleinement efficace dans son action ; on a des organisations nationales qui ont leur mot à dire – un peu trop fort – dans la direction des affaires du pays, alors qu’ils n’ont reçu aucun mandat du peuple pour cela ; on a un parti majoritaire au Parlement, Ennahdha, qui est dans la coalition gouvernementale et l’opposition en même temps, et retourne avec dextérité sa veste au gré du vent, etc., etc.

Et quand on regarde vers le parti sorti vainqueur des législatives de 2014, qui a perdu bien des plumes depuis, Nidaa Tounes, que voit-on ? Une formation qui depuis sa naissance fuit comme la peste un Congrès électif, malgré les promesses et qui est sous la coupe du fils du chef de l’Etat, un directeur exécutif qui ne doit son ascension fulgurante qu’à son patronyme et au silence coupable du papa, qui ne pipe pas mot devant le naufrage de la machine qu’il a pourtant fabriquée. Et que vient de nous servir Nidaa dernièrement ? Une flopée de ministres pour piloter des délégations régionales en vue des municipales qui terrorisent la direction du parti. Des activités partisanes alors que les collaborateurs de Chahed sont censés s’occuper, dans toute la mesure du possible, de questions d’intérêt national, lesquelles ont encore plus de prégnance avec les difficultés actuelles. Emploi de temps de ministre, a-t-on l’habitude de dire, pour signifier des journées bien remplies. Alors comment y glisser du temps pour des élections locales ?! Mais Nidaa Tounes, plus que les autres, se moque éperdument de l’image qu’il renvoie aux citoyens, à ses électeurs et fait de la politique à la hache, sans vergogne, sans se soucier de la bienséance, des convenances. Tout cela va couter très cher au parti prochainement… et aussi au pays, hélas.

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