Dans un rapport de synthèse sur la rencontre, organisée par ses soins sur le thème de «La Crise du Dinar Tunisien, Etat des lieux et Perspectives», le département «Stratégie et Prospective» de l’ITES (Institut des études stratégiques) a estimé que «en quatre ans, le dinar tunisien a perdu 49% de sa valeur pour s’échanger au début de l’année 2018 contre 2.40 dollars US, soit l’un des plus bas niveaux historiques face à cette devise. Depuis une année, le dinar tunisien était à 2,30 dollars, accusant une chute qui se poursuit depuis 2011. Concernant l’euro, le cours moyen sur le marché interbancaire est de 2,72 dinars en 2017, contre 2,15 en 2013 et 1,95 en 2011 (près de 39% depuis).  Il est clair ainsi que les cours de change du TND par rapport à l’euro et au dollar ont décroché au-dessus des barres symboliques à plus de 2,4 vis-à-vis de l’euro et à plus de 2,1 vis-à-vis du dollar». Jusque-là de simple constations, d’une évidence affligeante. Petit baume au cœur : «le dinar tunisien n’est pas la seule monnaie en baisse, à l’heure actuelle. A l’instar du dinar tunisien, le dinar algérien a accusé une perte de 6% en 2017 par rapport au dollar et une baisse de 18% par rapport a l’euro. Le dinar Marocain 17% par rapport à l’euro. Celle–ci s’est envolée de 4% par rapport à toutes les monnaies».

  •  La BCT n’y est pour rien et ne peut rien faire

Les experts de l’ITES l’avouent : «la Banque Centrale de Tunisie (BCT) n’ayant pas d’impact sur l’ajustement des facteurs macro-économiques, elle ne peut que recommander de limiter les importations non essentielles et de redresser les secteurs exportateurs». Et de préciser que «depuis 2010, la BCT n’a d’autre objectif que de maintenir la stabilité du taux pour ne pas amputer le pouvoir d’achat. La baisse maitrisée du taux entre 2 et 4% par an a permis de donner la main Market Makers qui ont eu à gérer des positions de compte négatives». Et l’ITES de se demander, comme pour dire que la BCT n’a «ni chameau, ni chamelle dans l’affaire لا ناقة لها ولا جمل», «avec un déficit commercial qui a doublé, un déficit courant qui ne couvre plus le déficit commercial, et un déficit des investissements étrangers qui ne couvre plus le service de la dette, quelle marge reste-t-il à la BCT pour limiter le glissement ?».

⦁ Les 14 recommandations de l’ITES, pour relever le Dinar

Tout cela, n’a pas empêché les experts de l’ITES de faire quelques recommandations.

  1. Limiter les importations et les franchises (surtout pour les produits agroalimentaires et textiles fabriqués en Turquie ou en Chine, qui ont un impact immédiat sur la compétitivité des produits tunisiens à l’export et même sur le marché local). Signer des accords de lignes de financement pour l’importation et réduire le gap par des investissements directs. La meilleure façon de limiter l’importation, à part les mesures fiscales, c’est une certification tunisienne. C’est diplomatiquement correct en plus.
  2.  Augmenter la liquidité disponible et l’épargne (accélérer l’inclusion du Mobile Banking et rationaliser les crédits de consommation via des limites prudentielles imposées par la BCT, communiquer davantage sur les comptes CEA, Assurances vie, FCPR, etc., comme conduits légaux de défiscalisation pour récupérer la liquidité dormante des professions libérales, accélérer la mise en place du cadre réglementaire de la titrisation pour monétiser les actifs dans les bilans de banques et leurs permettre de s’autofinancer).
  3. Puiser sur les niches de liquidité en devises :Cela veut dire encourager les banques à placer dans les entreprises publiques, leur enlever la taxe sur le revenu des opérations de syndication de financement des sociétés pour que ce soit économiquement faisable, procéder aux opérations de Repurchase agreement des avoirs de titres étrangers de la banque centrale pour monétiser son portefeuille obligataire, accélérer la vente des participations non stratégiques de l’Etat (les positions minoritaires dans les banques privées et autres sociétés). Mais aussi négocier avec des banques de détail étrangères, l’émission ciblée de certificats de dépôt ou bons de trésor dédiés aux Tunisiens résidents (comme un produit d’investissement), mettre en place le cadre règlementaire du «crowd funding», travailler sur un programme de MTN (Medium Term Notes) qui est plus léger à mettre en place qu’une émission obligataire et donc offre plus de garantie à l’investisseur.
  4. Il faut activer les mesures de gouvernance et d’austérité sur les dépenses de fonctionnement de l’Etat et des entreprises publiques : Parc auto, consommation d’essence, approvisionnement, abus de biens, etc. Remplacer les avantages en nature octroyés aux fonctionnaires et dirigeants d’entreprises publiques par des allocations fixes.
  5. Activer le texte d’application de la création des fonds off-shore pour pouvoir créer des fonds dédiés aux sociétés totalement exportatrices et la création des fonds de capital retournement ou restructuration (distressed funds) pour nettoyer les bilans de banques ;
  6.  Mise en place d’accords de netting entre les entreprises publiques (entre elles et avec les banques) pour alléger le risque de défaut systémique.
  7. Négocier une stand-by facility avec les institutions internationales et élargir la fourchette de volatilité, sous le contrôle d’un currency board, (proposer une amnistie où on imposera 20% de taxe au lieu de 35% et 15% iront à un fonds dédié chez la CDC en tant qu’investissement au nom du détenteur, bien sûr accompagnée de mesures correctives, même pénales, après un certain délai en cas de désobéissance).
  8. Accélérer la mise en place de l’IFRS (les investisseurs étrangers voudraient lire des états financiers aux normes internationales pour plus de transparence), simplifier en urgence la fiscalité et les autorisations.
  9.  Prendre des mesures de sauvegarde qui ne sont pas en contradiction avec le statut de convertibilité courante du dinar (la taxation de certains produits à l’importation, le recours aux avoirs logés dans des comptes professionnels en devises).
  10.  Réviser le régime de change en changeant le fixing qui n’est autre que le reflet des cours de change de l’interbancaire, par un régime de flottement libre mais encadré par un corridor, à l’instar du serpent monétaire avant l’euro.
  11. négocier des opérations de swaps devises/dinars à moyen terme avec les pays partenaires et amis.
  12.  Accorder une attention particulière à la problématique du marché parallèle pour le ramener dans le circuit officiel.
  13.  Préserver les sites de production de matières premières qui constituent des sources de revenus en devises très importantes.
  14.  Rééquilibrer les comptes extérieurs, maîtriser l’inflation, la relance du rythme de croissance de l’investissement et de l’épargne pour une meilleure tenue de la monnaie nationale.

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