Pas moins de 8 ministres et 6 secrétaires d’Etat ont fait les frais du 3ème remaniement du gouvernement de Youssef Chahed. Il s’agit de Ghazi Jribi, Imed Hammami, Riadh Mouakhar, Mabrouk Korchid, Faouzi Abderrahmane, Salma Elloumi Rekik, Med Salah Arfaoui et Mejdouline Cherni. Il s’agit aussi, pour les SE, de Hachem Hmidi, en affaire pénale, Sarra Rjeb, qui a retrouvé sa liberté après avoir été longtemps ligotée par le ministre Ayara qui l’avait mise sur la touche dès son entrée au Transport et d’Imed Jabri pourtant Docteur en génie électrique.
Trois autres SE ont été repêchés et même surclassés, Chokri ben Hassine, Sonia Ben Cheikh et Hichem Ben Ahmed qui montent dans la hiérarchie et deviennent ministres. Pour certains, c’était attendu, comme H. Ben Ahmed réputé très proche de Chahed dont il aurait aussi l’oreille. Pour d’autres c’était une surprise.
- Ceux dont on ne comprenait pas le départ
Il en est par exemple ainsi de Ghazi Jribi, juge de métier et le seul ministre en qui le chef du gouvernement avait assez confiance pour lui confier l’intérim du ministère de l’Intérieur et avant cela celui du ministère des Affaires religieuses.
Ministre de la Défense du gouvernement Habib Essid, il avait su mener à bien et sans incidents des élections de 2014 dont il avait en charge toute la sécurité. Mal dans sa peau au département de la Justice, où le Parquet pouvait se payer le luxe de raccrocher au nez du ministre, ses relations avec Youssef Chahed auraient été toujours assez tendues, bien qu’empruntes de respect et de considérations mutuels.
Même sentiment d’incompréhension pour le cas de Mabrouk Korchid, l’avocat dont le bilan reste plus que flatteur, notamment en matière de récupération de terres de l’Etat, de restructuration du ministère des domaines de l’Etat où il aurait réussi 60 % des réformes inscrites dans sa feuille de route. Incompréhension aussi pour Faouzi Abderrahmane, qui avait pourtant choisi le camp Youssef Chahed lorsque d’autres ministres d’Afek avaient choisi celui de Yassine Brahim, quand ce dernier avait décidé de retirer tous ses ministres du gouvernement d’union nationale. Abderrahmane aurait, selon nos sources, refusé la mutation au fauteuil du Transport, ce qui l’aurait mis hors course.
- Ceux dont on attendait le départ
Des départs attendus, comme pour Salma Elloumi Rekik, rappelée par son mentor Béji Caïed Essebssi pour tenir son Cabinet, ou encore pour Riadh Mouakhar, autre ancien membre d’Afek qui aurait eu trop de cadavres dans le placard pour pouvoir résister à ceux qui demandaient son départ, bien avant celui d’un autre ministre de Youssef Chahed qui avait préféré démissionner pour ne pas être démissionné, Mahdi Ben Gharbia en l’occurrence.
Tout aussi attendu, le départ de Mejdouline Cherni qui pourrait avoir fait les frais des mauvaises performances du secteur des sports, tant collectifs qu’individuels, ou encore Mohamed Salah Arfaoui qui pourrait avoir été un autre dommage collatéral des dernières inondations de Nabeul et les défaillances de l’infrastructure dévoilées par les pluies torrentielles.
Pourtant attendu, du simple fait de son appartenance partisane à un Nidaa Tounes que Youssef Chahed avait décidé de confiner dans l’opposition, Radhouane Ayara est maintenu. Ce n’est pourtant pas son bilan au transport qui plaiderait pour lui. Aurait-il renié son ancien patron, HCE, pour que Youssef Chahed en fasse un ministre?
Plus attendu encre, le départ d’Imed Hammami dont le président de la Choura de son parti disait qu’il le meilleur des ministres. Le ministre d’Ennahdha s’était pourtant illustré par une très mauvaise gestion de la crise des médicaments et avait fait le Buzz avec son chauffeur qui avait un flair inégalable pour les endroits où les médicaments se trouvaient, en dépit de la pénurie.
- Chahed sauve les meubles, face aux bailleurs de fonds …
Force est de constater que ce que Chahed a fait n’est autre qu’un remaniement politicien, mais qui consacre le choix évident de poursuivre dans la même voie de politique, économique notamment, qu’il suivait depuis 2016. Le chef du gouvernement tunisien n’a ainsi quasiment pas touché à l’ossature de son gouvernement, que sont les ministères des Finances, du Développement et des Grandes réformes. Zied Laadhari, Ridha Chalghoum et Taoufik Rajhi.
Ce faisant, il assure un minimum de stabilité politique et tranquillise ses bailleurs de fonds qui avaient un temps presque menacé de rompre toute assistance en cas de grand chamboulement dans le gouvernement. Il donne ainsi un signal clair qu’il persiste et signe en matière d’économie, même s’il n’en a guère fait dans le nombre des membres de son gouvernement.
En maintenant ces trois ministres clés, Youssef Chahed évite de se faire massacrer, si le budget de l’Etat et la loi de finance passaient devant l’ARP avec de nouveaux ministres qui n’en connaitraient pas les arcanes et qui n’auraient nullement contribué à leur élaboration.
- … mais gaffe tout de même
Force est pourtant de constater que le grand oublié de ce 3ème remaniement, si on tient compte du changement du ministre de l’Intérieur, reste le secteur de l‘Energie. Il semble en effet incompréhensible que l’Energie, où les investissements futurs se compteront en milliards DT, et qui est supposée peser lourd dans la politique économique, au vu du poids de la compensation des prix de l’essence et de l’électricité, au vu aussi du poids que devrait être celui du phosphate dans les recettes de l’Etat, ne soit pas mis entre les mains d’un ministère propre ou au moins entre les mains dédiées d’un Secrétariat d’Etat.
In fine, ce sera un remaniement pour les besoins duquel Youssef Chahed a dû faire 4 mariages et 8 enterrements. Des mariages avec Ennahdha de Ghannouchi, le Machroua de Mohsen Marzouk, Al Moubadara de Morjane et Al Massar de Samir Bettaïeb. Tous ont eu des sièges. Et pour cela, Youssef Chahed a dû enterrer (politiquement s’entend) 8 ministres, sans parler des secrétaires d’Etat.