«Borderline» entre l’action gouvernementale et l’action partisane, alors que le parti qui devrait être son soutien est sur le point d’obtenir sa licence, le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, se mûre toujours dans le silence. Et lorsqu’un journaliste lui pose la question, à Paris, sur son positionnement par rapport à «Tahia Tounes», il botte en touche, se fend d’un large sourire complice et répond «vous le savez mieux que moi». Et même lorsque son activité officielle prend fin à Paris, il fait attention à ne pas se montrer en compagnie de Slim Azzabi, venu à la capitale française draguer les compétences tunisiennes et les TRE installés dans la ville des lumières.
- Ennahdha se rebiffe et sonne le tocsin de Chahed
Pour l’instant, il vit, politiquement, de la seule image du frondeur qui a osé «tuer le père», celui qui a osé défier l’autorité de son mentor et remettre en cause le statut du fils du président, celui que le chef de l’Etat voulait désigner comme le successeur et seul héritier du parti qui lui avait rapporté le siège de Carthage.
Son image de combattant contre la corruption s’était vite effritée, depuis l’arrestation de Chafik Jarraya. Mais il vient, récemment et pour quelques mois, d’endosser l’habit du responsable qui n’a pas peur des grèves et qui sait négocier avec le syndicat et gagner.
Il remonte les indicateurs économiques, mais pas assez et pas de quoi fortement impacter l’image d’un prochain candidat, direct ou indirect, et le positionner en Robin des bois qui prendrait chez les riches pour donner aux pauvres.
Faute de mieux, sur une scène politique qui joue depuis quelque temps la politique de la terre brûlée, il vient même de consolider sa place de leader pour les prochaines présidentielles. Il ne dit pourtant pas que c’est ce siège qu’il lorgne. Et lorsqu’il sort sur les télés, il parle de tout, sauf de son avenir politique sur une place où même son partenaire Ennahdha sonne désormais le tocsin d’un changement de gouvernement.
- Leader ou dealer ?
Il remonte la côte de sa popularité, mais pas assez pour donner la nette impression d’être l’homme qu’il faut pour un peuple qui ne fait que ce qu’il veut et n’obéit que trop peu à l’autorité d’un Etat dont il ne reste d’ailleurs que très peu.
Il n’a pas su se faire l’image du porteur d’un autre projet de vie, un projet sociétal qui lutterait contre celui de son partenaire au pouvoir, haï par une grande frange de la population. Et son parti, «Under Construction», ne l’a pas aidé en précisant son orientation politique, et en donnant des précisions sur ses choix de politique économique et financière.
Il lui manque l’image du bâtisseur, faute de grands projets inaugurés en 2 ans de gouvernement ou de grands investissements à concrétiser à cause de la frilosité qu’il a installée chez les investisseurs locaux, l’instabilité sociale qui n’a pas pu imposer pour séduire les IDE et un manque de maitrise de la masse salariale et des coûts de la production en général.
A quelques mois des prochaines élections, les indécis des sondages d’opinions ne savent toujours pas si Youssef Chahed sera le leader qui entraînera tout le pays derrière lui, vers de nouveaux horizons, politiques, économiques et financiers. Ou s’il n’est qu’un simple dealer, qui ne fera qu’attendre que les changements de conjoncture le portent vers le pouvoir où qu’il soit, à Carthage ou à La Kasbah, pour dealer, encore une fois et comme son mentor, avec l’inamovible Ennahdha.
- Black Horse ou simple cheval de trait ?
Il est comme une ombre derrière la création de ce qui pourrait être le «black horse» qui se distinguerait du troupeau et en prendrait la tête, ou du joueur de dernière minute capable de faire la différence pour son équipe, que devrait être le parti dont BCE disait être le parti du gouvernement, qui pourrait changer la donne.
Il refuse pourtant encore d’en endosser officiellement la création et d’en devenir l’image de marque qui pourrait lui servir de faire-valoir politique pour les prochaines élections et qui permettrait à son parti de se présenter un champion clés en main.
D’aucuns disent qu’il le fait par stratégie. Cette dernière consisterait à attendre un possible revirement qui donnerait la capacité au chef de l’État de réussir à rassembler les différents débris de la famille politique centriste. Ce n’est qu’alors que YC s’y présentera, mais en chef de parti, capable d’en prendre les commandes qui le mèneraient au vrai poste de pouvoir qu’il brigue et qui serait La Kasbah.