AccueilLa UNEL’économie tunisienne est au plus mal à cause du coronavirus mais les...

L’économie tunisienne est au plus mal à cause du coronavirus mais les bailleurs du fonds viendront à son secours, selon Fitch

L’agence de notation Fitch Ratings a abaissé la note de défaut émetteur de devises à long terme de la Tunisie de « B+ » à « B ». La perspective est stable.

Elle  a expliqué que cette dégradation de la note reflète l’aggravation des déséquilibres macroéconomiques persistants de la Tunisie et la détérioration des trajectoires de la dette extérieure et de la dette publique en raison des perturbations économiques dues au choc de la pandémie de coronavirus. L’économie tunisienne connaîtra sa plus forte récession  jamais enregistrée en 2020, tandis que le déficit des comptes courants ne parviendra pas à se résorber dans le contexte d’un arrêt temporaire de l’assainissement budgétaire, ce qui entraînera une nouvelle hausse significative des ratios de la dette extérieure nette  et de la dette des administrations publiques, déjà élevés. Les  perspectives stables décernées permettent au pays de bénéficier du soutien solide des créanciers officiels face à la vulnérabilité extérieure permanente due à d’importants besoins de financement et aux risques que font peser sur les réformes budgétaires des tensions sociales bien ancrées.

Le choc lié à la pandémie qui a frappé le commerce extérieur, les industries manufacturières et le tourisme affectera gravement la petite économie ouverte de la Tunisie. Le tourisme est un moteur de croissance majeur et a généré 4 % du PIB en recettes brutes en devises étrangères  au cours des trois dernières années. Le choc va  donner un coup d’arrêt à la plupart des activités du secteur, mettant en péril environ 10 % des emplois existants, selon les estimations officielles. La contraction de l’économie mondiale en 2020, et notamment la baisse de 7 % du PIB de la zone euro pèsera sur les envois de fonds des travailleurs émigrés, qui ont représenté 4,8 % du PIB au cours des trois dernières années, et sur les exportations manufacturières, principalement des secteurs de l’automobile et du textile.

Le déficit courant à 9% du PIB

Le déficit courant continuera de se situer au-delà  médianes actuelles de la catégorie « B » au cours des deux prochaines années, malgré un certain soulagement face à l’effondrement des prix de référence du pétrole, qui devraient s’établir en moyenne à 35 dollars le baril en 2020, contre 64 dollars le baril en 2019. Fitch prévoit que le déficit courant se stabilisera à 9 % du PIB en 2020, bien au-dessus de la médiane de la catégorie « B » prévue de 5,2 %, car la baisse des recettes extérieures est compensée par une diminution des importations d’énergie, parallèlement à une contraction de l’investissement intérieur et à une compression de la demande. Le déficit ne  diminuera que modérément pour atteindre 7,8 % du PIB en 2021 (prévision « B » médiane : 4,5 %) avec la reprise des exportations. Les importants déficits  persistants depuis 2011 ont été principalement financés par l’emprunt, propulsant la dette extérieure de la Tunisie à 77 % du PIB en 2019, l’un des niveaux les plus élevés parmi tous les souverains des marchés émergents notés par Fitch. La dette extérieure augmentera encore pour atteindre 90 % du PIB en 2021, bien au-dessus de la médiane « B » de 32 %, selon les prévisions de Fitch qui note que les  besoins bruts de financement extérieur de la Tunisie sont importants, avec 16 % du PIB par an en 2020-2021, ce qui reflète l’importance des déficits courants et des échéances de la dette extérieure. C’est le double de la médiane de la catégorie « B » prévue de 8 % du PIB. Les prévisions excluent la dette à court terme de 24,7 % du PIB, principalement constituée de crédits commerciaux et de dépôts bancaires, qui devraient être reconduits, estime l’agence qui souligne que la Tunisie doit faire face à des échéances d’euro-obligations de 2 milliards de dollars (5,3 % du PIB prévu pour 2020) venant à échéance en 2020-2021.

Les risques de liquidité externe sont atténués par un fort soutien des créanciers multilatéraux et bilatéraux, ce qui permettra à la Tunisie de répondre à ses besoins de financement au cours des deux prochaines années, assure Fitch. Le gouvernement a déjà obtenu des prêts officiels d’environ 6,4 % du PIB couvrant environ 40 % des besoins bruts de financement extérieur et 56 % des besoins de financement budgétaire bruts en 2020. Cela inclut un prêt d’urgence de 745 millions de dollars américains dans le cadre de l’instrument de financement rapide du FMI en avril. Des prêts officiels supplémentaires d’environ 3 % du PIB pourraient être accordés dans les mois à venir, et la Tunisie pourrait émettre de nouvelles obligations avec la garantie d’un partenaire extérieur mieux noté. Fitch prévoit également que le  gouvernement contractera un nouveau programme du FMI dans les mois à venir, ce qui renforcerait la flexibilité financière extérieure du souverain.

Toutefois, les résultats mitigés de la Tunisie dans le cadre des deux précédents accords avec le FMI font craindre un affaiblissement du soutien des créanciers officiels. La Tunisie n’a reçu que 1,6 milliard d’USD sur une allocation totale de 2,9 milliards d’USD dans le cadre de son accord 2016-2020 avec le Fonds, désormais annulé, ce qui illustre la difficulté à atteindre les objectifs convenus malgré les dérogations récurrentes aux critères de performance, principalement pour des considérations sociales et  politiques. Les retards dans le décaissement des prêts officiels, les dérapages budgétaires ou les chocs exogènes pourraient mettre à rude épreuve les liquidités extérieures.

Le Dinar toujours surévalué

Malgré le soutien important des créanciers officiels, la balance des paiements enregistrera un déficit en 2020, entraînant une baisse de 20 % des réserves en devises  qui couvriront encore environ quatre mois de paiements courants , soit un peu mieux que la médiane actuelle de 3,6 mois. Les réserves se sont redressées par rapport à leur chute de  4,6 milliards de dollars en août 2018, pour atteindre 7,65 milliards de dollars en mars 2020, grâce à une politique monétaire plus stricte, à des restrictions réglementaires sur le ratio prêts/dépôts, à l’émission d’euro-obligations et au décaissement de prêts extérieurs.
L’énorme déficit de la balance des paiements suggère que le dinar reste surévalué, ce qui accentue  les risques de nouvelles pressions sur la liquidité externe, et le FMI estime une surévaluation de 10 à 15 %. Toutefois, les autorités estiment que la monnaie est correctement évaluée, soulignant sa remarquable stabilité depuis le premier trimestre de 2009 et la dépréciation de 33 % du taux de change effectif nominal au cours des trois années précédentes. La persistance d’importants besoins de financement extérieur mettra à l’épreuve l’engagement de la Banque centrale de Tunisie en faveur d’une plus grande flexibilité du taux de change. Les risques d’un ajustement désordonné du taux de change sont atténués par les restrictions actuelles de la BCT sur les investissements des résidents à l’étranger.

Les pressions sur les taux de change font peser des risques sur la viabilité de la dette de l’État tunisien au regard de la part élevée des engagements de la Banque centrale de Tunisie, qui s’élève à 73 % de la dette de l’État tunisien à la fin de l’année 2019. La dette publique atteindra un niveau record de 86 % du PIB en 2021, contre 72,5 % en 2019 selon le scénario de base de Fitch , qui prévoit une dépréciation modérée du dinar, parallèlement à la contraction du PIB et à l’aggravation du déficit public. Une dépréciation supplémentaire de 10 % du dinar au-delà de l’hypothèse de Fitch entraînerait une augmentation de 8 % du PIB de la dette publique. La dette publique a connu une forte hausse au cours de la dernière décennie, avec une baisse temporaire en 2019, malgré des progrès significatifs en matière de consolidation budgétaire.

Le choc lié à la pandémie entraînera la première détérioration du solde budgétaire en quatre ans, le déficit de la dette publique passant de 3,9 % du PIB en 2019 à 4,7 % en 2020, alors que l’objectif initial était de 3 %.  Les mesures de lutte contre l’épidémie et d’aide économique coûteront environ 2 % du PIB, et le ralentissement économique aura des répercussions sur les recettes fiscales. Cette baisse sera en partie compensée par les économies réalisées sur la facture des subventions à l’énergie, compte tenu de la chute des prix des hydrocarbures, de l’augmentation des prix réglementés du tabac et de la réaffectation des dépenses. Nous attendons du gouvernement qu’il adapte les dépenses d’investissement aux recettes réelles afin de contenir le déficit,  indique FItch.

Les autorités se sont engagées à réaliser des réformes fiscales de grande envergure au cours des prochains mois, mais le bilan de la forte opposition sociale et la fragilité et l’hétérogénéité de la base de soutien du gouvernement de coalition au Parlement pourraient contrecarrer leurs plans. Le gouvernement a mis en place un mécanisme d’ajustement des prix des carburants et envisage une suppression progressive des coûteuses subventions à l’énergie. Un redressement des prix des hydrocarbures mettrait à l’épreuve la capacité du gouvernement à poursuivre ces plans. Les autorités visent également à réaliser des économies sur les dépenses salariales, mais l’opposition de syndicats influents a fait obstacle à ces mesures ces dernières années. Une réforme des retraites en 2019 soutiendra les efforts de consolidation, mais peu de progrès ont été réalisés dans la révision des entreprises publiques en difficulté, qui nécessitent un soutien budgétaire continu.

La croissance remontera à 4,7% en 2021

Les engagements conditionnels importants des entreprises publiques et du secteur bancaire font peser des risques à la hausse sur la trajectoire de la dette dans le contexte d’un choc économique grave. La dette garantie des entreprises d’État est élevée, à 15 % du PIB, dont la moitié à la STEG, la compagnie d’électricité en difficulté. La compagnie aérienne nationale Tunisair était déjà confrontée à de graves difficultés financières avant le choc de la pandémie. Les banques publiques représentent un tiers des actifs du secteur bancaire et présentent des indicateurs de santé financière plus faibles, bien qu’en amélioration, que leurs homologues du secteur privé. Les indicateurs de santé du secteur bancaire au sens large sont plus faibles que les médianes « B », avec une forte proportion de prêts non performants, soit 13,9 % du total des prêts à la fin septembre 2019. Les mesures proactives de politique monétaire prises par la BCT réduiront les pressions sur les liquidités à court terme, mais une éventuelle détérioration de la qualité des actifs pourrait accroître la nécessité d’un soutien budgétaire aux banques.

La croissance économique de la Tunisie a constamment été inférieure à la médiane de la catégorie « B » depuis 2011, reflétant une combinaison de détérioration de la compétitivité, de perturbations de l’activité économique dues à des troubles sociaux et de chocs exogènes. L’aggravation du contexte extérieur et les mesures de verrouillage prises pour endiguer la propagation du coronavirus entraîneront une forte contraction du PIB de 4,3 % en 2020. La croissance reprendra pour atteindre 4,7 % en 2021 selon les  prévisions de Fitch, soutenue par l’économie diversifiée de la Tunisie, une forte production agricole et de riches ressources touristiques, même si l’assainissement budgétaire pèsera sur l’activité. Fitch prévoit une inflation moyenne proche de 6 % en 2020-2021, supérieure à sa moyenne à long terme de 4,5 %.

Traduction : AM

- Publicité-

2 Commentaires

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -