AccueilLa UNEJusque-là, que du populisme pour une peuplecratie !

Jusque-là, que du populisme pour une peuplecratie !

Il y a plus d’un mois, l’ancien président de la République devenait le chef de tout l’Etat tunisien. Il avait pour cela gelé la chambre des représentants, démis le chef du gouvernement et renvoyé sans ménagement un certain nombre de ministres, en les crucifiant sur l’autel de sa colère présidentielle. Les nouveaux ministres en charge ont à leur tour renvoyé un certain nombre de cadres des administrations, sécuritaire et financière. Le chef de l’Etat a aussi mis quelques petites fripouilles en résidence surveillée, fait quelques visites surprises à quelques lieux, mettant à chaque fois son déplacement  à profit pour expliquer certaines de ses mesures incomprises qu’il prend, et proférer  des menaces contre des personnes indéterminées.

–       La plus belle banque ne peut donner que ce qu’elle doit !

Il avait demandé une baisse des prix, il n’aura que des miettes, la plupart des produits étant homologués par l’Etat lui- même, ou dépendant d’intrants externes que les industriels et les commerçants ne maîtrisent pas.

Il avait demandé une baisse pour tous, des taux appliqués aux crédits bancaires, des taux déjà balisés par la BCT, il n’aura que ce que les banques pouvaient faire, c’est-à-dire financer la création d’emplois (Des crédits à TMM+2 pour les nouveaux petits créateurs de projets), et financer directement l’Etat qui est en détresse d’argent (Une nouvelle enveloppe de 160 MDT, après les 114 MDT semblable du début de l’année d’avant et donc un total de 260 MDT en dons), et non pour financer la consommation.

C’est aussi que les banques, par exemple les 12 cotées en bourse, qui ont fait un PNB de 2,6 Milliards DT au 1er semestre 2021, ont des charges et paient des impôts, donc ne peuvent pas vendre à perte l’argent acheté chez la BCT. Pour le reste, leurs ressources sont des crédits, l’épargne des autres, et les revenus tant décriés, ne produiraient que 15 à 20 % en résultat net, un bénéfice qui fait le pouvoir d’investissement de l’économie des banques, sans lequel point d’investissement. Le chef de l’Etat qui s’en était contenté, le savait heureusement aussi.

–       La plus belle des entreprises ne peut donner que ce qu’elle peut

Il avait rendu visite à des « chambres froides » où s’entassaient déjà 2,5 mille tonnes de produits frais. Ces chambres sont pourtant des institutions commerciales, bien connues des services du ministère du Commerce, et leur création donne même droit à des encouragements financiers. A-t-il cherché à savoir qui contrôle ces circuits cachés de la distribution, où comme il les appelle les « circuits de la faim » ? En a-t-il fermé ceux qui enfreindraient  les règlements ? A-t-il fait le suivi de la plateforme technologique où ils devaient s’inscrire, et découvrir les autres chambres froides non déclarées ? A-t-il cherché à savoir pourquoi il fallait que ce soit le chef de l’Etat qui en découvre l’existence, et non les services du ministère du commerce ? A-t-il cherché à savoir ce qui pousse l’agriculteur à vendre sur pied sa production directement à ces « circuits de la faim », et non de les vendre dans les marchés de gros réguliers ? Il aurait pu décider unilatéralement de baisser les marges, tant pour les produits homologués que pour le reste des intermédiaires, et impacter ainsi directement un tant soit peu le prix final. On n’a encore rien vu de tel !

Le chef de l’Etat avait aussi touché, du bout des doigts, la question du commerce du rond de béton, avait grondé en public le fils d’un des grands marchands en circuit régulier de ce produit, et avait rendu une visite nocturne chez un industriel connu dans la région de Bir Mchergua, dont les caméras de la présidence avaient sciemment montré le nom, lui collant ainsi déjà l’image de malfrat économique.

Mais a-t-il essayé de savoir pourquoi les prix ont tellement augmenté jusqu’à créer un marché parallèle ? S’était-il posé la question de l’impact du coût de l’importation des intrants en matières premières et énergie sur ces prix et si le prix de vente couvrait au moins le coût de production ? Lui avait-on parlé de cette grosse usine à Kairouan qui avait essayé, il y a quelques années, de casser les prix et qui s’était plutôt cassée  la gueule, avec son véhicule de financement qu’était une Sicar de la place ? Il est vrai, cependant, que pour le cas du dernier industriel du rond de béton visité par Saïed de nuit, il aurait pu éviter de créer la pénurie, en attendant la révision demandée des prix déjà programmée avec le ministère du Commerce. Il n’en reste pas moins que Kais Saïed n’avait fait là qu’effleurer des questions-clés de l’économie tunisienne, et n’avait pu faire que des gestes populistes.

–       Le meilleur des chefs d’Etat ne peut donner que ce qu’il peut !

Autrement, force est de noter, après plus d’un mois d’attente, que le chef de tout l’Etat tunisien baigne en plein dans le populisme, peut-être pour construire sa « peuplecratie », comme la définit à juste titre Marc Lazar de Sciences-Po, comme il en rêve.

Jusque-là, force est aussi de constater que Kais Saïed ne trouve toujours pas le chemin soft, entre pression populaire et pressions internationales, pour chasser Ennahdha de la scène politique. Il n’a toujours pas ouvert les dossiers, où le parti islamiste tunisien est soupçonné d’être partie prenante, comme l’appareil secret, les assassinats de Belaïd et de Brahmi, la traite des blanches dans les zones de combat de Daech, les compensations indues et les milliers de recrutements dans la fonction publique et qui alourdissent sa charge salariale. C’étaient pourtant celles-là les demandes de tous ceux qui avaient investi la rue le 25 juillet 2021.  

L’homme vit assez bien l’état de vacuité politique, et semble y prendre plaisir. Celui qui se plaignait, il y a quelques semaines, de ne pas faire la une de la Wataniya, est ainsi devenu celui au mouvement des lèvres duquel  tout un pays est désormais attaché et  attend, chaque jour avec plus d’anxiété, ses déclarations qu’il réserve aux seules caméras du Palais.

Les Tunisiens lambda, dont nous sommes, fatigués de 10 années d’errance politique, de crise économique et de disette financière, qui voyons se former et grossir de nouveaux riches, et dépérir ce qui était la classe moyenne, pensons qu’il a bien fait. « Ceux qui le connaissent y voient un idéologue intransigeant qui ne veut pas écouter les autres, mais qui vit modestement, fait preuve de compassion pour les pauvres et insiste sur le fait que son objectif est simplement d’arracher le pouvoir aux élites corrompues. Ses partisans voient en lui le dernier et le meilleur espoir d’atteindre les objectifs de la révolution qui n’ont jamais été réalisés, a déclaré Monica Marks, professeure de politique du Moyen-Orient à l’Université de New York à Abu Dhabi. Mais nous savons que les personnes propres, qui veulent vraiment atteindre de bons objectifs, peuvent parfois se transformer en personnes dictatoriales », écrivait le 26 août le New York Times

Kais Saïed a bien sûr dit devant la presse américaine qu’il ne comptait pas le devenir. Mais il a, depuis sa prise de Carthage, dit beaucoup de choses, plus de menaces que de promesses, et les deux dans l’imprécis et le vague !

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