Pour la première fois depuis sa révolution de 2011, la Tunisie n’est pas sur la défensive dans sa lutte contre Daech et Al-Qaïda. Les données de 2019, associées à une approche plus holistique de la lutte contre les djihadistes, confirment cette affirmation. Plus précisément, la Tunisie élargit sa panoplie d’outils au-delà d’une approche purement militaire ou répressive.
Grâce à ces avancées, qui se sont développées au cours des dernières années, estime le think tank « Washington Institute », la Tunisie et les Etats-unis s’offriront des possibilités élargies de s’engager sur des aspects plus complexes de la réforme qui pourraient faire de la Tunisie un modèle régional et mondial. Des défis internes et externes subsistent, tels que les combattants étrangers résidant à l’étranger, un système carcéral surpeuplé et la menace d’une résurgence du jihadisme en Libye voisine, mais ces défis ne doivent pas minimiser les acquis réalisés, précise encore le Washigton Institute sous la plume Aaron Zelin, auteur du livre « Vos fils son à votre service : Les missionnaires tunisiens di Djihad ».
A l’actif de la Tunisie, il cite le fait qu’en 2019, selon les Nations unies, il ne restait plus que quatre-vingt djihadistes dans la région montagneuse le long de la frontière tunisienne avec l’Algérie – cinquante de Katibat Uqba ibn Nafi, la branche tunisienne d’Al-Qaïda, et trente de l’État islamique. Pendant le reste de l’année 2019, l’armée tunisienne a encore raboté les effectifs des deux groupes en tuant un certain nombre de leurs chefs :
L’année 2019 a également vu une diminution des attaques, même si les chiffres globaux semblent les mettre au même niveau que ceux de 2018. Avant l’opération avec un engin explosif improvisé en janvier 2020, aucun attentat n’avait eu lieu depuis fin octobre, ce qui constitue la plus longue accalmie depuis 2012-2013. Les chiffres des arrestations, qui ont également diminué, reflètent une police plus intelligente et axée sur le renseignement que le gouvernement tunisien a commencé à mettre en œuvre plus directement en octobre 2018.
Plus significative encore est la forte augmentation des poursuites judiciaires pour terrorisme l’année dernière, par opposition aux personnes inculpées qui restent en prison sans être traduites en justice. Cela suggère une coordination plus efficace entre les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire, ce qui pourrait conférer une plus grande légitimité à l’ensemble du système grâce à un processus plus transparent.
Les défis à relever
Bien que le climat de menace en Tunisie se soit considérablement amélioré au cours des cinq dernières années, certaines questions restent sans réponse. L’une d’entre elle concerne les combattants tunisiens qui restent à l’étranger. Pour pallier les pires résultats possibles, les États-Unis devraient continuer à pousser la Tunisie à rapatrier les enfants qui vivent actuellement dans des camps en Syrie et en Libye, insiste The Washington Institute. En Tunisie, la volonté de rapatrier les hommes et les femmes est assez faible, enracinée dans une grande hostilité, et il est donc peu probable que la question soit résolue à court terme. À moyen et long terme, cependant, cette situation, si elle n’est pas résolue, pourrait créer des problèmes, surtout si l’État islamique fait sortir ces personnes des prisons et des camps en Syrie.
Washington devrait continuer à engager la Tunisie à relever l’ensemble des défis djihadistes auxquels elle est confrontée. En particulier, le ministère américain de la Justice et le FBI pourraient faire beaucoup en s’appuyant sur les efforts existants pour rationaliser la coopération entre les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire tunisiens. Un objectif final dans ce domaine serait de publier les actes d’accusation et autres jugements juridiques en ligne, le tout dans le but d’obtenir une plus grande légitimité grâce à la transparence. Une autre nécessité est de réformer le système pénitentiaire pour réduire la surpopulation, offrant ainsi un plus grand espace pour que les initiatives de réhabilitation et de réinsertion puissent fonctionner correctement, sans que les individus soient soumis à la pression des réseaux djihadistes de détenus.
Pour contrecarrer la réémergence de Daech, les États-Unis devraient continuer à coordonner les frappes aériennes et à partager les renseignements avec leurs partenaires en Libye. Cela permettra de démanteler les camps de Daech et d’empêcher une résurgence de type irakien ou syrien, qui pourrait réduire les progrès réalisés par la Tunisie. Au-delà de ces défis, les États-Unis devraient reconnaître et applaudir publiquement les succès de la Tunisie, encourageant ainsi la stabilité régionale et le renforcement des relations dans des domaines d’intérêt mutuel, conclut le Washington Institute.
Traduction & synthèse : AM