Aussitôt publié au Journal officiel, le projet de la Constitution soumis à référendum par le président de la République, Kais Saied, s’est attiré les foudres des uns , mais aussi de tièdes réactions de la part de bien d’autres, en Tunisie comme ailleurs.
Le Draft présidentiel ouvre la voie à un retour à la dictature dans le pays, a ainsi commenté le directeur du Centre arabe de recherche et d’études politiques, Azmi Bishara qui y voit une attaque en règle contre la démocratie.
Saied, qui a dissous le Parlement en mars après ce que les critiques ont qualifié de coup d’État, a défendu mardi son projet et a exhorté les Tunisiens à soutenir son Draft lors du vote dans le cadre du référendum du 25 juillet.
Bishara a déclaré que le projet de constitution ne reflète pas un système démocratique et ne garantit pas non plus l’équilibre des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif.
Une référence aux pouvoirs de l’État dans le projet comme étant « des fonctions purement bureaucratiques » indique « la préparation d’un système dictatorial et le passage à un régime présidentiel autoritaire », a-t-il dit.
« Saied ne croit pas en la démocratie libérale ni au rôle du Parlement », a-t-il déclaré à la chaîne Al-Araby.
Jusqu’à présent, son libellé semble « très maigre », selon Bishara, et le président a adopté une approche unilatérale lors de sa rédaction. L’absence d’un débat public sur sa formation est un autre dangereux précédent, a-t-il ajouté.
Bishara a déclaré que la préoccupation des partis politiques pour leurs propres luttes de pouvoir plutôt que de s’attaquer aux principaux défis économiques et politiques a été « désastreuse » pour la Tunisie.
Il estime également que l’UGTT n’a pas réussi à jouer un rôle constructif sur les questions de croissance économique dans le pays.
Un processus obscur et hâtif
Le nouveau projet de constitution publié par les autorités tunisiennes le 30 juin, à l’issue d’un processus de rédaction obscur et accéléré, porte atteinte aux garanties institutionnelles en matière de droits humains, notamment en réduisant encore l’indépendance du pouvoir judiciaire, a estimé, pour sa part, Amnesty International, ce mercredi.
Le projet de constitution n’offre pas à l’appareil judiciaire tunisien les garanties nécessaires pour fonctionner en toute indépendance et impartialité et supprime les mécanismes de contrôle utilisés pour demander des comptes aux autorités. Il contient des dispositions inquiétantes qui donneraient aux autorités la possibilité d’interpréter les droits de manière restrictive au nom de l’islam. Si, sur le papier, le projet maintient plusieurs droits fondamentaux, il accorde au président des pouvoirs d’urgence largement incontrôlés qui pourraient être utilisés pour restreindre les droits humains.
« Le projet proposé démantèle de nombreux garde-fous prévus par la Constitution tunisienne post-révolution et ne fournit pas de garanties institutionnelles pour les droits humains. La suppression de ces garde-fous envoie un message effrayant et fait reculer des années d’efforts pour renforcer la protection des droits humains en Tunisie « , a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
« Il est choquant que le peuple tunisien se soit vu refuser une explication transparente de la manière dont la nouvelle constitution proposée pour son pays a été rédigée. Les autorités ont l’obligation de veiller à ce que les informations d’intérêt public soient accessibles à tous, et que, comme pour toute nouvelle législation, le projet de constitution fasse l’objet d’un examen public et politique véritable et significatif », a-telle ajouté.