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Taux Directeur : La BCT a-t-elle tout dit des vraies raisons de la hausse ?

Lors de sa réunion tenue le 30 décembre 2022, le Conseil d’Administration de la BCT a décidé de relever le taux directeur de la Banque Centrale de Tunisie de 75 points de base le portant à 8 %. Elle pourrait ainsi porter l’estocade finale à la croissance qu’elle prévoit pourtant à 2,2 %, plus haut que les prévisions du ministère des Finances et de celui de la Planification. La BCT assure que cette hausse est nécessaire pour endiguer l’inflation que le ministre Samir Saïed estime déjà à deux chiffres (10,5 %) pour l’année prochaine. Mais est-ce uniquement cela ?

« Par cette action, la Banque centrale vise à contribuer à freiner la tendance haussière de l’inflation, ramenant celle-ci à des niveaux soutenables à moyen terme, afin de protéger le pouvoir d’achat des citoyens, de préserver le stock des avoirs en devises et de favoriser les conditions pour une reprise économique saine et durable », explique le communiqué de fin d’année de la BCT. Des exemples, tels qu’en France où le TD de la BCE est de 1,5 % et qui pourrait arriver à seulement 2 %, pour une inflation de plus de 6 % et de 10,1 % dans la zone Euro (84,3 % en Turquie et 92,4 % en Argentine), contredisent cependant la démarche tunisienne d’une stratégie de combattre l’inflation par la hausse du taux directeur (TD).

–          La décision d’El Abassi jugée par des pairs

« Je me suis toujours opposé à l’augmentation du taux directeur. Et là nous sommes en train de suivre aveuglement les consignes du FMI », dit à Africanmanager cet ancien Gouverneur de la BCT qui requiert l’anonymat, qui est aussi rejoint dans cette position par un autre, tout aussi ancien. Et le premier de poursuivre que c’est parce que « d’abord, une bonne partie de l’inflation est importée (prix de l’énergie et des céréales). Pour le reste, Les seules raisons qui les expliquent, l’insuffisance de la production et la spéculation. Or, l’offre risque encore de baisser à cause de cette augmentation du taux directeur. Quant à la spéculation, c’est le rôle de la brigade économique. Pour diverses raisons (politiques et sociales), l’économie est déjà déprimée, cette augmentation risque de lui porter un coup de grâce ».

Ancien membre du CA de la BCT, Fethi Zouhair Nouri, estime, par contre, que c’est une « décision correcte vu le niveau de l’inflation. Le retour à la croissance se fera après avoir é l’inflation d’abord. Partout dans le monde les banques centrales ont sacrifié la croissance pour freiner l’inflation. Dans certains , le bouclier tarifaire, c’est à dire l’aide aux ménages touchés par la crise, bat son plein etc. ».

Nouri qui s’attendait déjà à ce que le Gouverneur de la BCT fasse l’objet d’un flot de critiques dès ce lundi, conseille aux journalistes, « lorsque vos invités les experts économistes, viendront blâmer la BCT et la récente hausse du taux d’intérêt, posez-leur la question de savoir qu’est-ce qu’ils feraient s’ils étaient [à la place du]Gouverneur, quelle est la politique qu’ils mèneraient, sachant que toutes les banques centrales du monde utilisent constamment l’arme des taux d’intérêt, et exigent une réponse immédiate » à l’inflation.

Et lorsqu’on demande à cet ancien Gouverneur de la BCT qu’elle aurait été la meilleure solution possible, il conseille de « ne pas toucher au TD et de renforcer le contrôle économique afin de stabiliser l’approvisionnement du marché. L’augmentation du TD ne va pas faire baisser le prix du pétrole et des céréales. Il faut par contre sensibiliser les Tunisiens à une consommation plus rationnelle de ces produits. Ceci, en dehors de la nécessité d’améliorer l’environnement en donnant une meilleure visibilité et un plus grand espoir aux hommes d’affaires en les incitant à investir plus et à produire plus. Dans les médias on ne fait que les diaboliser et surtout de la part des hautes autorités ». Et tout cela, n’est pas complètement faux.

–          Eviter d’alimenter les anticipations, qui pourraient nuire au Dinar

En fait, par cette nouvelle hausse de son TD, qui pourrait certes mener le TMM à plus de 10 % (soit dit en passant, au même niveau que l’inflation), La BCT donnait un nouveau tour de vis à sa politique monétaire, mais envoyait surtout des messages d’alerte à toute la sphère économique et financière tunisienne, et même étrangère. Sans le dire directement, en effet, la BCT résume tous les maux de l’économie tunisienne dans l’inflation, qui n’est en fait qu’une manifestation de la fièvre qui est un symptôme d’évolution vers le pire des maladies qui rongent l’économie.

« Le Conseil exprime des inquiétudes profondes en relation avec les risques qui entourent les équilibres monétaires et financiers de la Tunisie, et souligne la nécessité de garantir les financements extérieurs nécessaires aux équilibres des finances publiques et renforcer la coordination des politiques économiques (policy-mix). Le Conseil continue à suivre attentivement les développements économiques et monétaires afin d’empêcher qu’une inflation persistante s’installe dans la durée », disait à ce propos le communiqué de la BCT, dont la mission est de veiller à ce que les proportions de la sphère monétaire restent dans les mêmes proportions que la sphère réelle pour éviter toute distorsion et la formation de bulles et des implosions économiques.

Selon un expert financier qui requiert l’anonymat aussi, « économiquement, le taux d’intérêt exprime une prime de risque sur l’économie tunisienne qui recèle d’énormes risques. Par la hausse de son TD, la BCT dit à la sphère économique qu’il faut faire les réformes nécessaires pour améliorer son rendement, et qu’elle ne peut plus désormais lui continuer donner crédit, pour en quelque sorte alimenter les maux qui la rongent ».

La hausse du TD se présente alors comme un signal, fort et opportun, disant qu’il y a des périls en la demeure. Et il s’agit pour la BCT d’éviter qu’elle vende de l’argent aux banques à un coût moindre que l’inflation. D’éviter, aussi, l’implosion du système bancaire qui se retrouve lui-même à revendre l’argent moins cher que son coût réel à des opérateurs économiques dont la rentabilité baisse, ce qui pourrait pousser les opérateurs à acheter leurs besoins en anticipation, pour éviter les hausses de prix internationaux, éviter la pénurie et la hausse du coût du risque. Des anticipations, qui peuvent avoir un effet direct sur le taux de change du Dinar, et affecter aussi les réserves en devises et, partant, toute la bulle du commerce extérieur tunisien. C’est tout cela que voulait éviter de dire la BCT, en expliquant la hausse de son TD uniquement par l’inflation.

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