AccueilLa UNELa Tunisie dévore tout : COMESA, CEDEAO... Attention à l'indigestion !

La Tunisie dévore tout : COMESA, CEDEAO… Attention à l’indigestion !

C’est un fait : La Tunisie est très en retard en Afrique par rapport à une concurrence qui fait feu de tout bois, depuis des décennies. Cette situation, très préjudiciable à bien des égards, les Tunisiens la doivent à un premier président, Habib Bourguiba, certes visionnaire, là aussi à bien des égards, qui aimait sans nul doute l’Afrique, ses dirigeants, mais avait une relation presque virtuelle avec son continent. Puis est venu Ben Ali, qui avait peur de s’y aventurer. Il avait peur de tout d’ailleurs. La Tunisie paie aussi le prix de son entêtement à entretenir la chimère d’une Union euro-méditerranéenne, boudant ostensiblement l’Afrique et ses opportunités, sa croissance solide – la 2ème la plus forte du monde après l’Asie -, ses chantiers à l’infini, etc. L’Union euro-méditerranéenne n’est jamais venue, surtout à cause de la frilosité et des atermoiements des Européens. Le péril terroriste qui a pris racine au Maghreb a sonné le glas d’un projet mort-né. Et c’est seulement maintenant que la Tunisie regarde vers son prolongement naturel : l’Afrique. Un peu tard !

Entre temps les concurrents, de plus en plus nombreux, ont pris du galon sur le continent. Tunis fait ce qu’elle peut pour se rattraper. On nous annonce une adhésion au COMESA (« Common Market for Eastern and Southern Africa« , composé de 19 pays) pour début 2018. La Tunisie a également frappé à la porte de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, une organisation de 15 nations parmi les lesquelles la première économie du continent, le Nigeria). La volonté est là, indéniablement, mais le pays a-t-il les moyens de ses ambitions ? Çà, c’est beaucoup moins sûr. Le gouvernement tunisien a eu la mauvaise idée de ne pas muscler davantage le budget de sa diplomatie pour 2018, une situation d’ailleurs dont s’est plaint le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui. Une décision lourde de conséquences, quand on sait que la diplomatie s’est imposée comme le bras armé de l’économie.

Condamnée au rôle du figurant ?

La Tunisie, dont les représentations en Afrique et en Asie sont faméliques, pourrait être contrainte de continuer à faire de la figuration, se réduisant à profiter des rencontres internationales pour glaner quelques contrats, contacts ou de vagues promesses. Comme le fait le président de la République, Béji Caïd Essebsi, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en marge du Sommet Union africaine-Union européenne, les 29 et 30 novembre 2017. Son offensive de charme a été bien reçue par le président ivoirien, Alassane Ouattara, dit-on. C’est toujours bon à prendre dans un pays dont le taux de croissance frôle souvent les deux chiffres ces dernières années, la locomotive de la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, regroupant 8 Etats) et qui a des coffres bien remplis (avec les recettes du cacao et du café et la confiance quasiment illimitée des bailleurs de fonds). Mais voilà, il y a la concurrence tout près, et qui ne lâche rien : La Chine, la Turquie, la France, le Maroc… D’ailleurs le roi Mohammed VI a débarqué à Abidjan trois jours avant le Sommet UA-UE, et ce n’est certainement pas pour une simple visite de courtoisie ou pour amener des fleurs à Mme Ouattara ! Le roi est sans doute très sympathique, affable et aime sincèrement ce continent, ses cultures, et l’Afrique le lui rend bien. Mais on connait surtout sa redoutable efficacité quand il s’agit de décrocher des contrats. La Tunisie est loin de pouvoir en dire autant.

Le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, a fait un voyage (au Soudan en mars 2017) et une tournée en Afrique (Niger, Burkina Faso et Mali, en avril de la même année). Le souci c’est que ce sont ses premières et uniques visites. Les observateurs, aussi bien à Tunis que de l’autre côté du continent, avaient salué chaudement cette virée, escomptant d’autres déplacements. Mais depuis rien. Pas même une bribe d’annonce ou de programme en direction du continent. Faire la tournée des patelins de la Tunisie, comme il l’a fait à Kairouan, c’est bien, personne ne le contestera, mais s’activer sur le continent, qui fait courir l’Italie, l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud, etc., c’est encore mieux ! C’est en Afrique que les choses se passent désormais. La Tunisie l’a bien compris, mais elle peine à embrayer avec les décisions et actes qui s’imposent. Pourtant c’est simplissime : Il suffit de regarder la concurrence et de faire exactement pareil. Certes la Tunisie accuse un gros retard, mais en Afrique il y a à boire et à manger pour tous les convives…

Les businessmen n’attendent pas la diplomatie

Les opérateurs économiques tunisiens s’activent et, heureusement, n’attendent pas la diplomatie. TABC (Tunisia-Africa Business Council) est contraint de mener sa barque en solo et même d’amener dans son sillage les autorités tunisiennes, un faire-valoir qui a son pesant d’or auprès des gouvernements africains, très sensibles, parfois un peu trop, au décorum officiel. L’UTICA (Union Tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat) était au Sommet d’Abidjan pour accorder son violon avec les patronats français et africain. Et la CONECT (Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie) y est allée de son initiative en mettant le cap sur le Sénégal, un pays dans une belle dynamique de croissance et dont le FMI et la Banque Mondiale disent le plus grand bien. Et pour cause : C’est une nation stable, à tous les niveaux, dont l’économie est portée par le PSE (Plan Sénégal Emergent), un ambitieux programme, sans précédent, axé sur 8 grands chantiers financés jusqu’en 2035. A ajouter à la manne du gaz et du pétrole qui va changer le visage du pays dès 2020. Pour la Tunisie, qui a une solide expertise et des offres dans moult segments industriels, et même meilleures que le rival marocain, le Sénégal est un excellent point de chute. Aux dernières nouvelles, le débarquement des hommes d’affaires tunisiens a été très bien accueilli par les organisations patronales sénégalaises.

C’est ainsi que l’économie tunisienne va, un tant soit peu, briller sur le continent, et pas en attendant une diplomatie amorphe et qui manifestement sera hors du coup pour un bon bout de temps, faute de moyens surtout. Et même une fois dans le COMESA et la CEDEAO, l’élimination des barrières douanières et la libre circulation des biens et personnes ne feront pas tomber du ciel les contrats et partenariats, il va falloir aller les chercher. Et c’est justement le rôle, entre autres, des diplomates des temps modernes. Pour la Tunisie une densification des ambassades et consulats sur le continent urge. Sinon le COMESA et la CEDEAO, même avec ses marchés de centaines de millions de consommateurs et ses innombrables niches, resteront des coquilles vides.

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