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Tunisie : Et si Youssef Chahed, recadré par BCE, avait un peu trop vite accusé le FP ?

Le 10 janvier 2018 dans la ville d’El Battan, le chef du gouvernement tunisien qui prenait connaissance des dégâts des manifestations pacifiques contre la loi de finances avec moult saccages des biens publics et privés, mettait un peu trop vite les pieds dans le plat et déclarait, en public et en pleine rue, que «ces manifestations rendaient service à certains politiciens irresponsables». Et de préciser en réponse à une question que «il s’agit du Front Populaire». Il avait, certes parlé des contrebandiers et autres parties qui tirent parti de ces manifestations dévastatrices pour les institutions de l’Etat. Mais c’est l’accusation, directe et bien ciblée, portée au parti de Gauche le Front Populaire, que tous les médias retiendront.

  • Le vieux leader recadre le jeune chef de gouvernement

L’accusation était directe, presque politiquement incorrecte pour un chef de gouvernement et que le chef de l’Etat tunisien Béji Caïed Essebssi critiquera indirectement trois jours plus tard. «Il y a effectivement de l’incitation et des appels à la mobilisation en faveur des manifestations qu’il faut juger de manière rationnelle. Il y a d’autres conjectures, mais je ne crois pas qu’elles relèvent des partis politiques (…). Les médias étrangers ont fait du tort à la Tunisie. Et je le dis, s’ils l’ont fait c’est qu’il y avait en Tunisie des parties qui les encouragent». Et BCE de s’emporter ensuite en tapant du poignet sur le pupitre, en disant que «je les connais, mais je ne le dirais pas en public dans la rue». La réponse, en allusion à la rue, à la déclaration du chef du gouvernement le 10 janvier, jumelée au recadrage de Youssef Chahed par BCE est on ne peut plus claire !

Il est vrai qu’il logeait dans l’attitude du parti de Hamma Hammami et de Mongi Rahoui, avant et après l’adoption des mesures contestées par la loi de finances 2018, de quoi accréditer le fait que ce parti politique tunisien était, pour le moins, soupçonné d’être, au moins en partie, derrière cette explosion des protestations. Mais aussi sa programmation pour la 1ère semaine du mois de janvier, fortement chargée des relents de la révolution contre le régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali.

  • Les importantes Lapalissades des observateurs étrangers, qu’il faut pourtant retenir

La jonction entre manifestants politiques et casseurs et même l’alternance entre ces deux forces ne sont pas nouvelles. Elles ont émaillé le mois de janvier 2011 et en ont même été sa caractéristique. Elles ne sont certes pas l’apanage de la Tunisie. Mais c’est peut-être la programmation des manifestations pacifiques pendant cette période, critique de chaque mois de janvier en Tunisie, qui ont expliqué la réaction, un peu trop directement accusatrice au FP, de Youssef Chahed. Une réaction qui a fait oublier qu’il avait aussi pointé du doigt «des casseurs manipulés par des réseaux de corruption que nous avions mis aux arrêts et qu’ils essaient de sortir de prison en semant la zizanie dans le pays». Suivez son regard !

C’est pourtant cette théorie, loin d’être farfelue, qu’on retrouve dans certains médias français, autres que ceux dénoncés par BCE, le 13 janvier devant les signataires du pacte de Carthage. Le 11 janvier 2018 sur franceinfo, la chercheuse associée à l’IRIS Sophie Bessis, versait en effet dans la même explication. «Il y a évidemment une désespérance de la population (…). Cependant, les émeutes auxquelles on assiste aujourd’hui ont un « côté manipulé » dont il faut tenir compte. Incontestablement, certains aspects de cette loi de finances dérangent les intérêts de certains lobbies qui importent beaucoup. En Tunisie, une grande partie de l’économie est une économie parallèle. Dans un certain nombre de régions, les directeurs de cette économie parallèle ont tout intérêt que l’on proteste contre des taxes qui leurs portent préjudice». C’est peut-être de ceux-là que le ministre Mabrouk Korchid parlait le 8 janvier à Kasserine, lorsqu’il s’étonnait que «les augmentations de taxes touchent les riches et que ce sont les pauvres qui protestent». Plus tard, Taoufik Rajhi en apportera la démonstration chiffrée.

Une journée après, le 12 janvier 2018 sur la radio française Europe1, Vincent Hervouet, journaliste et chef du service «Étranger» de LCI, la chaîne d’information du groupe TF1, traitait de la situation en Tunisie. «En fait, la réforme frappe l’économie informelle, la contrebande, les trabendistes. Ils mettent de l’huile sur le feu. Les autorités accusent des élus d’extrême gauche d’avoir distribué de l’argent aux émeutiers. Mais on peut servir les intérêts des corrompus et les manigances des partis tunisiens qui préparent les premières élections locales depuis la révolution, qui auront lieu au printemps».

Cette analyse de certains journalistes français relève certes de la Lapalissade. Mais c’est aussi une évidence que les Tunisiens ont un peu tendance à oublier et qu’il nous semble bon de rappeler.

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