L’ARP a enfin élu, après un psychodrame politicien de plusieurs mois, un président pour l’ISIE, seule institution chargée d’organiser les prochaines élections. Et dores déjà, certains disent de Nabil Bafoun qu’il est proche d’Ennahdha et d’autres qu’il serait proche de Youssef Chahed. C’est dire la polarisation qui caractérise déjà les secondes élections de la deuxième République en Tunisie.
Les prochaines élections n’ont pas encore de date fixe et pourraient se dérouler, pour la seconde fois, en dehors de la supervision d’une Cour Constitutionnelle qui n’a pas été encore élue. Autre anomalie d’une République toujours malade de sa Constitution.
- Ennahdha, seul grand méchant loup et unique programme électoral
Des élections qui pourraient, encore une fois, n’avoir pour unique programme électoral être ou ne pas être avec Ennahdha. C’est en effet la seule idée qui se dégage des querelles politiciennes entre les prétendants aux deux palais, de Carthage pour les présidentielles et du Bardo pour les législatives. C’est au moins la seule ligne d’attaque du chef de l’Etat et le parti de son fils, Nidaa Tounes, qui vient dernièrement d’en faire le énième usage sur les colonnes d’un journal arabe, dans une interview partagée sur la page officielle de la présidence où la publication a été sponsorisée.
Il est vrai que Nidaa n’arrive toujours pas à avancer dans la direction de l’organisation du congrès qui est supposé le restructurer et le débarrasser de Hafedh Caïed Essebssi. Comme pour Nidaa, l’une des toutes premières déclarations de Mohsen Marzouk à propos du parti «Tahya Tounes» a été d’affirmer que son unique adversaire sera Ennahdha. Nidaa, comme Tahya Tounes, agitent pour l’instant l’épouvantail d’Ennahdha en guise de programme politique pour attirer les sympathies des prochains électeurs en Tunisie.
Sinon, toute l’attention politicienne en Tunisie se focalise sur le nouveau parti des soutiens de Youssef Chahed. Vilipendé par Nidaa et le reste de la sphère politicienne, le parti qui devrait amener vers un candidat à la présidentielle qui confirmerait Chahed à La Kasbah, Tahya Tounes, profite, dans le silence de Slim Azzabi et de Youssef Chahed, d’une publicité gratuite. Comme Nidaa, Tahya Tounes, planche pour l’instant sur son congrès qui devrait donner ainsi corps à l’entité politique qui devrait porter les ambitions de l’actuel gouvernement. Un parti, pour l’instant, le seul avec Ennahdha, à faire peur à la sphère politicienne tunisienne.
- Economie et finance, les grands absents des débats de l’avant-élection
Une sphère qui ne prête pour l’instant dans ses premières déclarations pré-électorales que peu d’attention à la situation économique et financière que traverse la Tunisie. Une situation qui devrait pourtant jouer un rôle primordial dans les choix aux prochaines élections, législatives et présidentielles.
Avec une croissance du PIB qui ne devrait dépasser les 3 % qu’en 2019 et à plusieurs conditions non encore réunies, une inflation de 7,5% et qui devrait au moins atteindre les 8 % cette année, un taux d’endettement global qui tend vers les 80 %, un déficit commercial qui dépasse les 18 Milliards DT et une masse salariale que le syndicat ouvrier voudrait hausser encore plus à force de grèves, l’économie ne semble encore pas intéresser les politiciens. En tout cas pas les quelques-uns qui se mettent déjà dans les startingblocks pour les prochaines élections.
Beaucoup ne pensent encore qu’à éloigner Chahed de La Kasbah pour y mettre un préposé aux affaires courantes. Aucun ne pense, c’est sûr, au meilleur moyen d’aider l’actuel chef du gouvernement à colmater les brèches des finances publiques, à réaliser les programmes promis aux régions intérieures et encore moins à contenir les coups de bélier de l’UGTT pour faire exploser la masse salariale qui nourrit l’inflation et grignoter, en véritable mite, le pouvoir d’achat des Tunisiens.
