Il n’y aura donc pas de nouvelle grève de la fonction et entreprises publiques. Comme c’était déjà pressenti après la «réussite» en demi-teinte des deux 1ères grèves, que les deux parties finiront par revenir à la table des négociations et trouver la solution qui ménage et la chèvre et le chou. Force est de constater en effet que la toute puissante centrale syndicale est finalement revenue à la raison.
En effet, après presqu’un mois de gesticulations syndicales et des menaces de grèves pour lesquelles l’UGTT mobilisait tambours battants, Youssef Chahed et Noureddine Taboubi s’étaient assis, pendant huit heures, autour d’une table et l’UGTT est finalement revenue à la raison.
- Le détail des augmentations et leur coût sur le budget
En effet, selon le secrétaire Général du gouvernement, Riadh Mouakhar, l’accord comprend une augmentation, pour les fonctionnaires de l’Etat, pour un volume total de quelque 1,2 Milliard DT en brut, payables et répartis sur deux ans, 2019 et 2020. Au cours de l’année 2019, le budget ne supportera que quelque 600 MDT. Pour 2020, l’augmentation salariale sera faite sous forme de crédit fiscal, c’est-à-dire que les salaires des bénéficiaires seront soumis à moins d’impôt, ce qui se traduira automatiquement par une augmentation du salaire perçu. Précision importante, la hausse des salaires touchera aussi bien les actifs que les retraités de la fonction publique, par l’effet de la péréquation. Pour la partie qui sera servie sous forme de crédit d’impôt, les retraités pourront en bénéficier via un article de loi qui devrait être introduit dans la prochaine loi de finance pour l’exercice 2020.
Dans l’ensemble, les augmentations seront servies en trois tranches. Une 1ère tranche de 90 DT en net. Elle prend effet à partir de décembre 2018, mais ne sera payée qu’en juin 2019. Une 2ème tranche de 40 DT nets, qui prendra effet en juillet 2019, mais ne sera déboursée et versée aux actifs comme aux retraités qu’en janvier 2020. Une 3ème tranche de 20 DT prendra effet en janvier 2020 sous forme de crédit fiscal.
Ainsi détaillé, l’accord qui a été officiellement entériné et accepté, ce jeudi 7 février 2019, par la commission administrative de l’UGTT semble effectivement avoir ménagé la chèvre et le chou. Il tient en effet compte des capacités des ressources de l’Etat et n’alourdirait pas la masse salariale.
En effet, avec cet accord, auquel il faudra ajouter celui des enseignants, pour lesquels la prime de la rentrée scolaire passera de 360 DT à 1200 DT servis en «One Shot» et une fois par an, mais avec suppression totale et définitive de la prime spécifique qui était mensuelle, les finances de l’Etat auront, si on ose dire, fait une «bonne affaire». Cela veut dire contenter les revendications, sans alourdir ses charges au-delà du soutenable. Le tout, selon nos sources, ne devrait représenter qu’une hausse de 3,5 % de la masse salariale globale qui devrait hausser à 17,1 Milliards DT.
- Quid de la réaction du FMI
On notera, sans vouloir dire que l’UGTT a cédé devant la position restée inchangée du gouvernement de Youssef Chahed, que Noureddine Taboubi a fini par comprendre que l‘utilisation de l’arme fatale qu’est la grève générale ne peut être répétitive sans risques, même pour les syndicats. Youssef Chahed et son gouvernement auront ainsi le mérite d’avoir résisté à deux grèves de la fonction publique, mais aussi résisté aux pressions de l’UGTT, malgré l’appel du chef de l’Etat à y céder pour «acheter» la paix sociale.
Mais nous croyons savoir aussi que la dernière manifestation des parents d’élèves devant le siège de l’UGTT (pour la petite histoire, ce siège abritait un commissariat de police du temps de la colonisation française) et aussi la tentative des parents en colère d’investir le siège du puissant syndicat et l’intervention des forces de l’ordre pour les en empêcher et assurer la protection d’un syndicat qui était franchement contre le gouvernement et appelait ouvertement à le faire tomber aurait eu un effet sur le changement de position de l’UGTT et son retour à la raison.
Restera pour le gouvernement de Youssef Chahed à savoir gérer la pression du FMI, déjà irrité par les images de sa directrice générale flanquée d’une croix rouge et brandie lors de la dernière grève des fonctionnaires.
Le Fonds Monétaire International avait maintes fois mis en garde contre les dangers de toute augmentation de la masse salariale sur le redressement de la situation, économique et financière, de la Tunisie. En signant le dernier accord avec l’UGTT, le chef du gouvernement aura démontré la nullité de l’argument de l’UGTT arguant que le FMI dicte sa loi au gouvernement.
Ce dernier aura fait ce qu’il pouvait et devra convaincre ses bailleurs de fonds de la justesse de sa décision et l’impératif de continuer à soutenir financièrement l’économie tunisienne qui aura prouvé, par cet accord avec l’UGTT, qu’elle gérait les finances de l’Etat en bon père de famille et non en bon élève du FMI.
Par cet accord, les deux partenaires sociaux auront aussi su faire preuve d’un bon sens de l’Etat, pliant chacun devant les revendications et les contraintes de l’autre, mais sans casser la machine qui fait nourrir tout le monde.
On attendra donc le prochain round des négociations FMI/Gouvernement pour savoir si le principal bailleur de fonds débloquera la prochaine tranche de crédit. On attendra aussi pour voir si l’UGTT sera rassasiée et fera la paix avec l’économie tunisienne, ou si elle repartira, comme elle le promet déjà, à la charge en juillet 2019 avec de nouvelles grèves.