Il y a quelques jours à Hammamet, le SG de l’UGTT insultait presque tout le gouvernement qu’il jette, d’un revers de main, dans la fosse aux lions de sa bataille pour sortir Chahed du gouvernement. La centrale syndicale, contre laquelle se retournent de plus en plus de citoyens, qui s’en rend compte et qui crie au complot, semble entrer dans une phase de terre brûlée, jouant son va-tout et s‘attaque à tous ceux qui ne sont pas de son avis ou qui contrediraient ses thèses : presse, gouvernement et tutti quanti, chaque jour plus menaçante, de grève générale, de déballage, de dossiers, faisant feu de tout bois.

C’est à croire qu’elle pète un plomb ou que Youssef Chahed le lui a fait faire. En guerre, le «prix Nobel de la Paix » se transforme, au fil des jours en guerrier, toutes armes dehors, banditisme verbal au bout de chaque mot et position ; elle revendique le patriotisme et la défense des intérêts du pays, comme une exclusivité, mène les entreprises, publiques et privées à la baguette de la grève ou la menace d’en observer. Un véritable empêcheur de tourner en rond comme en dira l’anglais «The Economist» en décembre dernier, en titrant que «les syndicats tunisiens, lauréats du Nobel de la paix, tirent le pays vers l’arrière». Que lui arrive-t-il ?

  • Insultes pour tout le gouvernement traité de destructeur et enfants qui jouent  

Du ministre chargé des Grandes réformes, Noureddine Taboubi dit «ministre de la destruction», en parlant de Taoufik Rajhi. De toute l’action du gouvernement, il dira (لعب ذري) «un jeu d’enfants» et des «gens irresponsables».

Il remâche ensuite, droit dans ses bottes de fervent défenseur de la théorie du complot, l’histoire, invraisemblable et démentie par l’ambassadrice UK elle-même, d’un financement par la Grande-Bretagne d’une campagne de communication contre la population et en faveur du gouvernement et pour diaboliser le secteur public. Il dénonce ainsi ce qu’il appelle «les vendus qui ont reçu de l’argent en paquets, d’intermédiaires et d’acheteurs dans les coins» avec la menace d’en révéler prochainement plus. Selon Taboubi, «la plupart des ministres disent, en aparté, que nous ne faisons rien. Il y a quatre gosses à la présidence du gouvernement qui tracent les programmes et fomentent les dossiers contre tel et un tel ». Et de les vilipender avec un «Dieu vous maudisse, si vous avez des dossiers, sur le SG de l’UGTT ou sur les membres de son BE, et vous ne les publiez pas ! Je vous mets au défi…tous les gouvernements». Il faisait allusion, sans le dire, aux informations ayant circulé faisant état de la convocation d’un de ses SG Adjoints pour enquête judiciaire.

Gonflé à bloc par les applaudissements de ses cadres et s’adressant de nouveau au gouvernement, le SG de l’GTT traite les ministres du gouvernement Chahed, de «catastrophe », de «malheur» et qui «ne savent pas commet gouverner le pays, car vous n’en connaissez pas l’histoire, ni la valeur de ses entreprises et vous étiez terrés, personne ne vous connaît. Je vous mets au défi de prouver que l’un d’eux a même été chef de service dans une administration, car l’expérience vient à partir de là. Selon lui, «l’UGTT restera comme une épine dans vos gorges et le rocher contre lequel se briseront tous les vils complots ». Enfourchant son cheval de bataille du moment, il «jure de cette tribune, que nous ne cèderons aucune partie du secteur public».

  • La langue pendue, l’UGTT menace tout le monde, presse et gouvernement

Toujours aussi remonté contre le gouvernement, l’UGTT organise la campagne média de sa contre-attaque et répartit les rôles. «Je dis à tous ceux qui ont un problème avec l’Union (UGTT), faites attention. La machine de l’Union n’a pas encore bougé. Ceux qui la connaissent, savent que le jour où elle se mettra en branle, elle n’épargnera rien et personne». En prenant soin de dire qu’il ne menace personne, Ali Mbarki s’adressait ainsi sur Nessma à ceux que son organisation, amatrice de la théorie du complot, accuse de comploter contre l’UGTT, qu’il assure d’ailleurs connaître, mais sans les nommer, et connaître même leurs financiers qu’il ne citera pas non plus.

Sur la radio Jawhara, l’autre SG Adjoint de la même UGTT sermonnait tout le gouvernement. «Essayez de privatiser une seule entreprise publique … et que son acheteur tente d’y entrer ! Les choses seront alors transigées sur le terrain. Nous ne permettrons de privatiser aucune entreprise publique». L’UGTT avait pourtant privatisé les siennens propres acquises avec l’argent de ses propres adhérents. La dernière et non l’unique, étant l’assurance AMI dans le capital duquel l’UGTT a fait entrer le symbole même du secteur privé qu’est l’Utica.

  • Privatisation : Chahed est-il tombé dans le piège de Taboubi

Jeudi, l’UGTT publiait un Post sur les réseaux sociaux faisant état de la volonté du gouvernement de privatiser 21 entreprises. L’organisation syndicale avait oublié que la BNA, la STB et même la BH qui ne figurait pas dans cette liste, que le gouvernement démentira le même jour, ont été déjà privatisées. Chez la BNA, l’Etat ne détient plus que 23,49 %. Le flottant en bourse de la STB est actuellement de 22,77 % et l’Etat n’y a rien, de manière directe. Chez la Sotrapil, l’Etat détient moins que 65 %. Chez Tunisair, le flottant en bourse est de 20 % sans oublier les 5,6 % d’Air France. Rien de manière directe pour l’Etat chez la Siphat. Le capital de toutes ces entreprises, dites publiques, est en fait déjà ouvert aux privés à travers la bourse où elles sont cotées. Les autres, toutes les études montrent deux choses : elles perdent toutes de l’argent et ,pour nombre d’entre elles, le total des revenus ne couvre même pas la masse salariale.

En fait, il ne pourrait s’agir que d’une stratégie de communication de l’UGTT, qui aurait pour seul objetif de pousser le gouvernement à démentir afin de lui opposer officiellement ce démenti, le jour où il déciderait réellement de se débarrasser de tous les cadavres au placard qui plombent les finances de tout l’Etat. Cela, même si le porte-parole du gouvernement n’a pas démenti la privatisation, mais simplement l’existence d’une liste des cadavres, comme la Transtu. (Suivre les liens dans les articles pour comprendre les véritables enjeux, chiffrés et prouvés).

Ce qui est sûr, c’est que l’UGTT a usé d’intox sur sa page des réseaux sociaux et que le gouvernement a su choisir les mots dans son démenti. A la guerre comme à la guerre, pourrait-on ainsi dire et à la prochaine !

  • La mère de toutes les batailles, pour le pactole de 13 MDT !

La guerre verbale fait donc rage entre le chef du gouvernement tunisien et l’hégémonique centrale syndicale UGTT, et ce sont les réformes et la situation économique qui en font les frais. Après avoir vainement essayé de le mettre dehors par le biais du chef de l’Etat et son Document de Carthage, elle tente cette fois de faire tomber Chahed en lui mettant les bâtons dans les roues de son projet de grandes réformes, demandées par ses bailleurs de fonds, et dans lequel les entreprises publiques occupent une place centrale.

Cette bataille autour des entreprises publiques déplorant d’énormes pertes financières, est en fait «la mère des batailles » pour Noureddine Taboubi. L’UGTT vit en effet des retenues de cotisations des employés des entreprises publiques, que lui reverse chaque mois le gouvernement et qui étaient de presque 13 MDT en 2016 selon les propres documents comptables de l’UGTT. Rendre ces fonctionnaires employés du privé, impactera gravement les finances de l’UGTT. Cela, au moins par le fait que, contrairement au gouvernement, l’employeur privé ne fera plus de «retenue à la source» des cotisations UGTT et ne lui reversera donc rien. A cela s’ajoute que les 500 mille adhérents de l’UGTT viennent en très grande partie du secteur public. Les transformer en secteur privé, par privatisation des entreprises publiques, portera gravement atteinte à sa représentativité. Représentativité qui lui donne tout son poids, par rapport au reste des organisations syndicales, de partenaire social du gouvernement. Non de moindre importance, il y a aussi, derrière toute cette contestation de l’UGTT, le désir d’améliorer les termes de la négociation avec e gouvernement, notamment sur la question des salaires où le gouvernement subit les pressions de l’UGTT et de ses bailleurs de fonds.

Khaled Boumiza

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