On en était à 98 candidats, l’ISIE en a enlevé 72 et le TA (Tribunal Administratif) en a rétabli 4. La Tunisie se retrouve donc avec 30 candidats, dont la majorité a simplement usé et abusé d’un droit constitutionnel débridé, d’une Constitution-Gruyère et sans aucune balise sérieuse, des candidats qui vont joyeusement cramer l’argent du contribuable, toujours au nom de la démocratie qui aide, financièrement, ceux qui veulent siéger dans des fauteuils à plusieurs milliers de dinars de rémunération.
Furieux contre les manifestations de mai 68, le président français de l’époque, le général Charles De Gaulle, s’était écrié en conseil des ministres «La réforme, oui ! La chienlit, non». Au vu de tout ce qui se passe dans cette campagne pour les présidentielles anticipées en Tunisie, on aurait pu parodier De Gaulle par un «La démocratie, oui ! La chienlit, non» (Chienlit, synonyme de désordre, mascarade, pagaille et même chiotte), tant est pitoyable le paysage offert par les candidats et ce qu’ils font pour se dénigrer les uns les autres, se salir les uns les autres en essayant de donner d’eux-mêmes l’image de plus blancs que blancs.
Une campagne dans un espace des plus incontrôlables, que sont les réseaux sociaux, avec usage jusqu’à l’abus et plus même des Fake-News, des insultes, des images, déformées, malformées, les plus insensées. Avec aussi certains candidats devant le faciès duquel on aurait presqu’envie de crier «cachez vos filles et vos enfants, un tel est revenu», tant la personne est connue comme étant presque un défenseur de la pédophilie.
Une campagne où les candidats font tous les usages les plus abjectes des parrainages des citoyens : les vendre, se les refiler, les dire sans les annoncer, les retirer sans vergogne, les décrier en face d’une ISIE qui refuserait de trancher, et de jouer au tennis avec les différentes instances de la justice. Une campagne où des candidats ont fait allégeance à d’autres pays, et lorsqu’ils se décident à s’en défaire on organise contre eux une cabale cybernétique, en oubliant que des milliers de Tunisiens sont dans le même cas, sans pour autant être traitres ou antipatriotiques.
Et on oublie que le véritable siège du pouvoir en Tunisie est surtout à l’ARP, un lieu de pouvoir, depuis des années infesté de ces binationaux que subitement on décrie dans cette campagne électorale de tous les délits. Une campagne où les outsiders, du moins certains, sont des repris de justice, des malfrats, des pro-Califats et des tartuffes. Et où la classe politique refuse qu’on lui demande le bulletin n°3 et l’attestation de paiement des impôts, pourtant à tout bout de champ requis pour le citoyen lambda qui aurait à demander même l’introduction d’une ligne téléphonique dans son domicile. Le tout, au nom de cette même démocratie qui permet à certaines mauvaises figures médiatiques de briguer le plus haut poste de la magistrature. Une démocratie où le vote ne se fera pas sur programme, mais au faciès et à celui qui fera le plus de fausses promesses, qu’il sait pourtant ne pas pouvoir tenir, car les prérogatives constitutionnelles du poste à occuper sont loin de l’y faire parvenir.
L’artiste plasticien Georges Braque disait que «Il existe des despotes de la démocratie». Et on en trouve, au moins un, parmi la liste des 30 candidats. Le poète français Charles Baudelaire disait que «Le noir est l’uniforme de la démocratie» et on en trouve au moins deux qui symbolisent ce noir, vestimentaire et sociétal, sur cette même liste des 30. Alexis de Tocqueville disait que «En démocratie, c’est la force des arguments qui compte». Dans la démocratie à la tunisienne, c’est la force du Dinar, de l’insulte aux autres, caché dans le Cloud, qui compte. Nous on dira que «Tous les peuples ne sont pas faits pour être instinctivement démocrates» et que la démocratie est une culture, parfois même sous-serres, qui ne s’apprend pas sur les bancs, mais s’épanouit et fleurit au fil des ans.
MALHEUREUSEMENT OUI.