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Les salaires des fonctionnaires, c’est bien. En abuser, ça craint !

Le 22 novembre 2018 débute la grève tournante de la fonction publique en Tunisie. Objectif : augmenter les salaires des fonctionnaires. «La masse salariale de la fonction publique en pourcentage du PIB est parmi les plus élevées au monde», souligne pourtant un récent rapport du FMI, qui ajoute que «la hausse de la masse salariale, depuis 2011, constitue la principale cause de la crise des finances publiques dans le pays». L’universitaire Yassine Slama le confirme.

Dans une étude comparative, faite en 2018 par l’OCDE, la masse salariale en Tunisie par rapport au PIB est plus importante que celle de la France, de l’Espagne, du Maroc, de l’Algérie ou de l’Italie. La masse salariale en Tunisie dépasse la moyenne de toute l’Union Européenne et des pays de l’OCDE.

Non pas que le Tunisien toucherait un salaire plus gros que celui des pays cités, mais ce que consacre la Tunisie aux salaires des employés de la fonction publique, par rapport à la totalité de son PIB, est trop important par rapport aux normes mondiales et par rapport à un secteur peu producteur de valeur ajoutée. Sur les 117,027 Milliards DT que totalisait le PIB de la Tunisie en 2017, la masse salariale des fonctionnaires représentait 16,278 Milliards DT la même année

Tout cela, alors que tous les Tunisiens se plaignent du rendement des fonctionnaires de l’Administration, tant pour la qualité de service qu’en matière de corruption. Son effectif se gonfle année après année. Il aurait déjà atteint les 800.000 en 2016, comme l’a indiqué l’ancien syndicaliste et ministre de la fonction publique Abdi Briki, qui précisait alors que 90.000 ont été intégrés dans le cadre de l’amnistie générale. Officiellement cependant, la Tunisie comte 670 mille fonctionnaires, sans compter les 12.000 des entreprises publiques, presque toutes déficitaires. Les salaires des fonctionnaires de l’Etat totalisaient en 2018 quelque 14,751 Milliards DT sur un total de ressources propres de l’Etat de 26,415 Milliards DT, donc plus de 50%. Ces mêmes salaires des 670.000 fonctionnaires représentaient, l’an dernier, 62,8 % de toutes les recettes fiscales du pays.

Selon le site français Statista, la France compterait 89 fonctionnaires pour 1.000 habitants, la Belgique 75/1.000 et les Etats-Unis 70/1.000. Or, à diviser le nombre de fonctionnaires tunisien par le nombre d’habitats, on se rend compte que la Tunisie compte 61 fonctionnaires pour mille habitants. A économies comparables, le Maroc en a 860.000 mais pour 35,95 millions d’habitants. Cela donnerait, selon un rapport de la Cour des comptes, un taux d’administration de 17,2 % d’après un journal marocain. La masse salariale au Maroc était en 2018 de 12 % du PIB et devrait baisser à 11,5 % en 2021 selon des chiffres de la Cour des Comptes du Maroc.

Selon une étude de l’OCDE faite en mars 2018 sur l’économie tunisienne «les tensions inflationnistes reflètent essentiellement la dépréciation du dinar et les hausses de salaires qui ont alimenté la consommation. En effet, les salaires réels ont augmenté plus vite que la productivité en 2016 et 2017, notamment dans les administrations publiques, les industries agroalimentaires et les hydrocarbures (graphique 8). L’accord signé en mars 2017 prévoit une augmentation de 6 % pour 2016 (avec effet rétroactif à partir d’août 2016) et une hausse du même montant à compter de mai 2017. Certains secteurs se trouvent confrontés à des difficultés pour appliquer ces hausses, même s’ils bénéficient d’une dérogation pour différer l’application des augmentations salariales».

Beaucoup de Tunisiens ne comprendraient pas qu’on dise, en ces temps d’inflation galopante, que des salaires élevés soient une mauvaise chose. Il est vrai que plus les salaires augmentent, plus le consommateur peut accéder à tout ce qu’il veut et peut convenablement remplir son couffin de la ménagère. Quelques vérités sont pourtant bonnes à dire :

  • Comme pour le privé, le salaire est un coût et une charge pour l’Etat. Plus il en donne à ses fonctionnaires, plus il en demande à ses contribuables ou assujettis à l’impôt. Le budget n’est pas fait que pour servir des salaires. Il est aussi et surtout fait pour financer l’investissement, en projets et infrastructures, comme les ports, les aéroports, les routes, les ponts et autres services. Cela, sans oublier la compensation du pain, de l’énergie, du lait, du sucre et autres marchandises. Augmenter les salaires sans contrepartie de valeur ajoutée à incorporer dans ses recettes pour redistribuer équitablement les richesses ou le PIB, oblige l’Etat à chercher d’autres moyens de financement pour accomplir son rôle d’investisseur aussi. Donc plus de salaires = plus de fiscalité.
  • La fiscalité en Tunisie étant établie par palier de revenus, il n’est pas exclu que votre prochaine augmentation salariale vous emmène au palier au-dessus duquel vous êtes actuellement imposés. Le fonctionnaire pourrait ainsi ressentir que l’augmentation n’a eu aucun effet sur son salaire et l’aurait même diminué, surtout lorsque cela est couplé avec la hausse de l’inflation. Donc, plus de salaire = plus de fiscalité. Plus de salaire = plus de pouvoir d’achat = plus de hausse de prix et plus d’inflation.
  • La hausse du salaire augmente le pouvoir d’achat et peut aussi inciter les ménages à consommer plus, ce qui se traduit par plus d’importation, plus de devise en contre partie de la vente du dinar pour alimenter les réserves. L’offre de dinar augmente et sa valeur baisse, et donc se déprécie.
  • Lorsque la hausse des salaires provoque un déficit budgétaire comme c’est le cas en Tunisie, les banques financent ce déficit indirectement via la BCT par le mécanisme de refinancement, d’où le taux d’intérêt qui augmente pour ceux qui voudraient prendre crédit, ce qui provoque une hausse de taux de change réel, d’où une dépréciation.
  • Augmenter les salaires, c’est augmenter le coût de production, impacter directement le pouvoir de concurrence du Made In Tunisia et diminuer incidemment les exportations. Cela est actuellement contrebalancé par la faiblesse du Dinar, mais ce dernier hausse aussi les importations, détériore la balance commerciale et impacte encore plus le Dinar, et c’est l’infernale tourment du «plus de farine, plus d’eau» qui ne s’arrêtera jamais.
  • La Tunisie compte 670.000 fonctionnaires qui demandent augmentation sur augmentation, avec l’appui de l’UGTT qui défendrait leurs intérêts immédiats. Force est cependant de se demander qui défendra les intérêts des 642.000 chômeurs ? Comment est-ce que le gouvernement pourrait créer toujours plus d’emplois pour les chômeurs, avec un budget où les salaires dépassent la valeur ajoutée du travail et bouffe presque 69 % de toutes les recettes fiscales ?
  • L’Etat taxe donc les citoyens et les entreprises pour payer les fonctionnaires. Voudrait-on alors faire des fonctionnaires une caste de privilégiés, créer une distorsion sociale et laisser les sans-salaires et les retraités sans moyens d’existence ?
  • Une saillie politique avec des arguments salariaux et syndicalistes

Ce sont ainsi les augmentations de salaire qui augmentent l’inflation, déstabilisent la balance commerciale et baissent la valeur du Dinar tunisien. C’est tout cela que semble vouloir oublier l’UGTT, qui ne pense qu’à préserver son terreau d’adhérents de la fonction publique lequel représente le plus gros de ses troupes.

Au-delà de la question salariale où l’Etat est tenu par les moyens dont il dispose et qui s’épuisent, force est de constater que la grève que porte l’UGTT est d’abord une saillie politique contre Youssef Chahed à qui la centrale syndicale demande de partir, avec un argument grand-public, qu’est l’augmentation des salaires. On serait presque tenté de dire que l’UGTT fait de la politique politicienne, avec l’argent des autres !

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