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Tunisie : L’immobilisme jusqu’à 2019, hanté par Essid, sa nouvelle feuille de route…

La réforme des entreprises publiques est sans doute le sujet le plus épineux du moment. Et pour causes : le contexte économique l’exige, pour stopper des pratiques budgétivores, et pas peu ; l’avenir du pays l’impose ; le FMI, notre plus solide soutien, pour l’instant, la demande, et c’est d’ailleurs ce que le chef du gouvernement, Youssef Chahed, lui a promis. Une promesse réitérée à moult reprises, à Washington, à l’ARP, au Parlement européen, dans toutes les conférences nationales et internationales depuis quelques mois. L’Union européenne elle, la France en tête, en attendant les réformes, a prudemment décidé d’arrêter de filer des sous à la Tunisie pour appuyer son budget, de l’argent qui de toute façon est affecté au fonctionnement de la lourde machine étatique (surtout le paiement des salaires), ou sert à perfuser des entreprises publiques aux déficits abyssaux et chroniques. Des mots et engagements pour corriger tout cela il y en a eu, beaucoup trop à notre goût, mais Chahed en reste là parce que l’étape suivante, l’action, est beaucoup plus compliquée. Il aurait pu choisir la voie, plus facile techniquement, de la privatisation. Mais l’UGTT, effrayée par le tarif habituel de cette recette, en termes de sacrifices douloureux, a fermé la porte au locataire du palais de la Kasbah. Ou ce dernier se l’est fermée lui-même, et a opté pour les palliatifs, les dérivatifs, des sentiers moins risqués, plus confortables jusqu’aux élections générales de 2019. On en a la certitude depuis le discours du 3 mai 2018…

Chahed en ce moment ne jure que par la restructuration des entreprises publiques, exit la privatisation. Le basculement sémantique mérite d’être souligné. Restructuration, une expression d’ailleurs dont on ignore tous les contours et ce que le chef du gouvernement veut y mettre précisément, un terme qui peut-être n’est même pas clair dans sa tête, mais tant pis, pour le moment il suffit au bonheur du FMI – je dis bien pour le moment – et ça a aussi le mérite de calmer la centrale syndicale, obsédée présentement par le remaniement ministériel, voire le départ du chef de l’orchestre, et qui est même parvenue à l’imposer parmi les priorités du Pacte de Carthage. Ce dernier vient d’ailleurs d’en rajouter aux problèmes du chef du gouvernement et à la confusion politique ambiante en le gratifiant d’une volumineuse feuille de route de 100 points, comme si le programme de Chahed n’était pas assez copieux ! 100 objectifs à atteindre à quelques mois des élections, alors qu’il a déjà tant de mal à faire ce qu’il s’est engagé à réaliser, c’est le dernier compte de fée.

Son successeur va se taper tout le boulot

Dans un contexte où il est impossible d’avancer, où on est lesté par cette étrange trouvaille du nom de Document de Carthage, où l’action est polluée par les bruits extérieurs (grèves des profs, instits ; bruits de botte de l’UGTT ; les croche-pattes des prétendus soutiens politiques…), que voulez-vous que Chahed fasse d’autre que servir des soporifiques, des calmants jusqu’en 2019 ?
Le chef du gouvernement a utilisé les expressions « dialogue social » et « négociations ouvertes«  dans son allocution du 03 mai, donc nous sommes contraints de lui accorder le bénéfice du doute en concluant qu’il va négocier. Dans un sujet aussi délicat que réformer des grosses entreprises et organismes publics, pour corriger des dizaines d’années de mauvaises pratiques, négocier signifie des mois de conciliabules, tractations, de compromis… Et on est sûr d’une chose : Les syndicats ne lâcheront rien facilement, le peu qui sera concédé le sera après un dur labeur. Alors que cette affaire n’a même pas encore commencé, je ne vous parle pas de rentrer dans le dur !

A quelques jours du Ramadan, quelques semaines de la Coupe du Monde, à ajouter à la léthargie estivale, il y a des chances que les dossiers commencent à être ouverts à la rentrée. Une rentrée qui pourrait être marquée par les soubresauts sociaux habituels, puis, très rapidement, les élections législatives et présidentielles seront dans toutes les têtes, avec leur lot de calculs et surenchères politiques. Ce n’est pas un contexte favorable pour une entreprise aussi délicate que réformer les entreprises publiques. Au mieux Chahed parviendra à défricher le terrain pour laisser son successeur se farcir tout le boulot, au pire il ne fera rien, mis à part gesticuler, occuper l’espace… jusqu’en 2019. Après ça le déluge pour l’économie du pays, et pour lui certainement un poste très juteux dans l’un des grands organismes internationaux auquel son CV de chef de gouvernement lui donnera droit, à défaut d’avoir le fauteuil du palais de Carthage.

La route de Macron ou l’impasse

Ce qu’il faudrait à la Tunisie c’est un champion des réformes comme le président français, Emmanuel Macron – et pas un dictateur, comme le disent les fatalistes et autres défaitistes. Mais le chef de l’Etat français est dans une configuration différente. Il avait promis durant sa campagne de bousculer, de réveiller la France, de lui faire mal à certains égards mais pour la bonne cause. Les Français l’ont donc élu pour ça, et il est en train de faire ce qu’il avait dit. Il avait d’ailleurs quitté le gouvernement de Manuel Valls parce que ça n’allait pas assez vite à son goût. Donc il n’y a pas d’erreur sur la marchandise. Chahed lui n’a rien demandé, on est allé le chercher après « l’exécution » de Essid. Il n’a rien promis au départ, n’a pas fait de discours de politique générale, son programme est venu bien après son installation et s’est structuré au fil du temps. Autant dire qu’il a fait comme il a pu, du pilotage à vue quoi. Les mauvaises langues appelleront ça improvisation.

Chahed est l’otage de ses parrains du Pacte de Carthage, il n’a pas la force et la légitimité que confèrent les urnes. C’est son drame, et celui du pays. Il faudra attendre les élections de 2019 pour connaitre l’identité de celui qui aura le temps qu’il faut et les moyens, politiques surtout, de mener la Tunisie à bon port. A condition qu’un autre Accord de Carthage ne vienne pas parasiter son action…

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