C’est une banque à petit flottant en bourse (17,8 %) et donc peu liquide, dont le capital reste dominé par le groupe Ben Yedder qui y pèse 61,5 %. Mehrez Riahi, DGA, s’en défend et parle d’une «gouvernance basée sur la collégialité dans la prise de décision et la mise au point des stratégies et l’indépendance du reste du groupe Amen qui ne s’implique qu’à travers la présence de quelques administrateurs dans le conseil de surveillance et des comités qui y sont rattachés». Conscient, comme le reste du directoire de l’Amen Bank, qu’elle souffre de cette image d’une banque familiale, il précise que dans l’opérationnel «le seul membre de la famille Ben Yedder, Karim, est membre d’un directoire de 4 personnes où les décisions sont discutées et prises d’une manière collégiale». Une banque aussi que certains considèrent comme sous-provisionnée, mais qui fait tout pour casser cette mauvaise image en consacrant, en 2017, le montant de près de 152 MDT entre provisions et agios réservés et ne compte pas s’y arrêter.

C’est aussi une banque qui est mal valorisée, en-dessous même de ses fonds propres (0,75 Milliards DT contre par exemple 2,5 Milliards DT pour la Biat), bien qu’elle réalise de très bons résultats (114 MDT, contre 90 MDT en 2016), mais qui souffre aussi du peu de communication ou d’une communication d’insulaires et conjoncturelle. Conscient de cette défaillance, alors qu’elle se transforme, s’améliore, s’adapte à la nouvelle conjoncture et introduit des nouveautés, en back comme en Front Office, son directoire décide d’aller de l’avant et de s’ouvrir aux médias. C’est ainsi que dans un entretien de 50 minutes, avec en face de nous 2 hauts dirigeants de la banque, Mehrez Riahi et Neji Ghandri, nous découvrons en effet une autre Amen Bank, qui fait son toilettage de bilan et même une restructuration de ses ressources et de ses utilisations. Une banque à la recherche de nouvelles ressources moins chères, qui lève le pied sur certaines niches et en force d’autres.

  • Diminuer les voiles sur le tourisme, privilégier le particulier et élaguer les dépôts chers

Mehrez Riahi évoque ainsi trois principales nouvelles orientations stratégiques. «D’abord, le rééquilibrage du bilan, à travers notamment l’élagage des dépôts chers et la restructuration de la composition des déposants de la banque. Cela en veillant à l’augmentation des dépôts à vue, des dépôts d’épargne et réduire la part des dépôts à terme qui sont plus chers. Mais aussi repenser la composition même des déposants, à travers l’augmentation de la part des particuliers et l’augmentation de l’entreprise aux dépens de celle des institutionnels et enfin, réduire les emplois à haut risque en rationnalisant l’octroi des crédits sur le double plan rentabilité et risque».

Plus explicite à ce sujet, Neji Ghandri précise en indiquant «nous prenons de plus en plus de parts de marché, dans la niche des particuliers qui achètent de l’immobilier, comme pour les produits Crédim, Credim Watani ou Credim Express, on se développe et on y est à la chasse des opportunités. Nous le faisons, avec les TRE et les professionnels de médecine, via le Pack Docteur, qui sont désormais des segments privilégiés tout comme les sociétés totalement exportatrices avec des offres personnalisées pour les opérateurs de cette niche et celles des pétroliers, de la pièce automobile qui sont des gisements excédentaires en trésorerie, ce qui nous intéresse côté ressources pour la banque. Il y a donc un changement certes, mais dans la continuité. Nous appliquons en fait le principe de la banque agile et proactive. On ne quitte pas l’entreprise qui représente d’ailleurs plus de 75 % de nos engagements, mais on y développe le recouvrement».

Cela n’a pas empêché l’Amen Bank d’opter pour le choix, que Riahi estime «stratégique», de marquer une pause vis-à-vis du secteur touristique. «Notre PdM y est déjà relativement importante et sa part de NPL y est aussi très importante, sans parler des difficultés que connait depuis quelques années ce secteur. C’est tout cela qui nous a amené à réduire les voiles, sinon bloquer tout financement du tourisme», explique le membre du directoire de la banque. La banque sera aussi «plus regardante sur les utilisations, favorisera le Retail, et sera plus sélective dans les engagements dans le secteur de l’immobilier qui pèse déjà plus que 13 % des engagements de la banque et qui demeure pour la banque un secteur prisé avec les promoteurs chevronnés et clients historiques de la banque et pour des projets qui bénéficient d’un très bon emplacement, en témoignent les nouveaux déblocages effectués en 2017 pour quelque 230 MDT en crédits supplémentaires. L’encours a en effet diminué et nous avons été plus actifs en suivi et en recouvrement». L’avis est ainsi lancé aux intéressés !

  • Faire du recouvrement une véritable filière qui rapporte, pour un toilettage du bilan

La seconde orientation stratégique de l’Amen Bank a été la création d’un nouveau process de recouvrement. Désormais, selon Riahi, «il ne se limite plus au recouvrement judiciaire classique et enregistre l’introduction d’un nouveau process totalement automatisé allant du recouvrement commercial en passant par le recouvrement dynamique pour finir avec le newlook du recouvrement judiciaire. Les fruits de cette nouvelle stratégie sont appelés d’abord à améliorer le stock et ensuite mieux gérer les nouvelles entrées de manière plus proactive».

Toujours plus dans le détail, Ghandri nous apprend que «avec l’aide du cabinet E&Y, nous développons le recouvrement commercial en véritable filière avec ses propres incentives, son système d’information et un système de suivi qui s’active dès la naissance de l’impayé et qui est suivi par ce qu’on appelle à l’Amen le recouvrement dynamique». Ce système est nouveau, bien que la banque ait quand même fait 52 MDT de recouvrement judiciaire, et 37 MDT de recouvrement dynamique qui n’a démarré qu’en Q4 2017 (langage de banquier qui veut dire le 4ème trimestre) et son impact ne sera visible qu’en 2018 et après. Pour ce faire, la banque a été obligée de faire une opération de cession-radiation, de 180 MDT (dont 172 MDT de cession). Objectif : «faire tomber le taux de NPL et toiletter le bilan, pour rester bancables pour les bailleurs de fonds étrangers qui exigent un bon ratio de NPL». Et Ghandri d’annoncer que «2018 sera l’année de recouvrement et non plus de cession-radiation».

  • Digitalisation et banque virtuelle. L’Amen y est, selon Riahi et Ghandri

Très versé sur les orientations stratégiques, Mehrez Riahi évoque ensuite une 3ème nouvelle ligne stratégique. C’est la diversification des sources de revenus de la banque, pour faire face à la baisse, d’une manière générale et pour tout le système bancaire tunisien, de la marge nette d’intérêt. Ghandri prend alors le relais pour préciser que «on entame ainsi la digitalisation de plusieurs métiers de la banque, la banque-assurance, les produits leasing qui viendront, le pôle banque d’affaire construit entre la salle de marché de la banque, Amen Invest et Amen Capital qui est gestionnaire de fonds. Ce pôle gère les fusions-acquisitions, les introductions en bourse, conseil en bourse et en restructuration. Il a d’ailleurs entamé sa nouvelle mission par un crédit syndiqué au profit d’Enda et fera cette année son véritable décollage».

La banque freinerait ainsi le rythme d’ouverture d’agences et on entre dans l’ère de la digitalisation. L’Amen Bank serait ainsi déjà dans l’ère du numérique, pas pour le simple plaisir de suivre le trend international. Mais aussi parce que ça rapporte. «D’abord dans le domaine de la compression des charges opératoires qu’il nous fait limiter, par l’automatisation qui amélioré note coefficient d’exploitation et qui commence à gagner du terrain chez nos clients», selon les deux banquiers qui affirment que 50 % des clients de l’établissement utilisent déjà quotidiennement la banque digitale. Et les deux membres du directoire, pas peu fiers, d’annoncer qu’Amen Bank a déjà lancé trois agences libre-service, deux à Tunis et une troisième à Sousse et compte en lancer d’autres prochainement. Il faut dire qu’à l’Amen, «la banque digitale représente des revenus de 4,5 MDT et devient ainsi un centre de profit et une source de revenus». L’Amen a aussi lancé, à en croire les deux dirigeants, «la banque virtuelle pour les jeunes et les technophiles. Elle permet déjà l’ouverture des comptes, l’exécution des opérations bancaires avec un décashing total et 100 % en ligne avec déjà 1600 clients depuis 2 ans», disent-ils tout en se gardant de parler du chiffre d’affaire de cette Amen First Bank.

Neji Ghandri aura le dernier mot pour affirmer, concernant les résultats de la banque au vu de ces trois nouveaux axes stratégiques, qui seront certainement contraints par l’entrée en exécution du fonds de garantie qui pèsera sur les charges et la diversification des revenus qui impactera positivement l’exploitation et le recouvrement qui impactera, positivement aussi, le haut de bilan que «on est confiant, mais on restera prudent, et on continuera à provisionner convenablement».

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