AccueilLa UNEDes silences très gênants, et inquiétants

Des silences très gênants, et inquiétants

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément« , avait dit le poète et écrivain Nicolas Boileau. Le moins qu’on puisse dire est que l’affaire du chef du gouvernement, Youssef Chahed, Tahia Tounes, n’est pas claire. Certes on a le positionnement politique et l’idéologie, vaguement : Se mettre au centre et aimanter les déçus à gauche et ce qu’on appelle la droite locale modérée. En un mot faire ce qu’a fait avec brio en 2013 le chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi (BCE), mais le faire mieux et dans la durée pour s’éviter les tourments de Nidaa Tounes. Pour le reste, c’est plutôt le flou artistique qui prévaut du côté de Tahia Tounes. Pourtant, à quelques mois des élections, il est temps que les électeurs convoités par les partisans Chahed aient au moins quelques éléments de réponse. Nous parlons de la nécessité d’éclairer les lanternes sur les alliances stratégiques que le chef du gouvernement compte nouer, sur ce qu’il a l’intention de faire du pays et pas qu’économiquement, sur son projet de société, etc. Pour le moment les sons de cloche de la garde rapprochée de Chahed ne sont pas de nature à rassurer le coeur de cible du parti.

Le problème Ennahdha

Le chef du gouvernement n’a pas pu l’oublier, pas si vite : l’alliance avec Ennahdha explique en grande partie le crash de Nidaa Tounes. Bon, il y a bien la capacité de nuisance du fils du président de la République, Hafedh Caïd Essebsi, et les choses ne se sont pas bonifiées avec le parachutage de Slim Riahi, mais il faut reconnaitre que les ennuis ont commencé quand BCE a décrété, tout seul, qu’il lui était impossible de bâtir une majorité avec des sables mouvants, le Front populaire et l’UPL, et que Ennahdha était la solution, la seule. Beaucoup d’électeurs du président de la République ne lui ont jamais pardonné cette alliance jugée contre-nature, quoique dictée par la conjoncture de 2014. Les choses ne sont pas différentes d’ailleurs en 2019, au contraire. Mais le fait est que ces électeurs intransigeants classés à gauche, avec leur contingent dit laïc, sont bien là, ils existent et sont toujours aussi anti-Ennahdha. Ils existent comme du reste existent les islamistes. Mais ce que font en ce moment les partisans de Chahed pour récupérer les électeurs transis de BCE, et bien ils le font très mal. Et la dernière sortie de Sahbi Ben Fraj pour défendre Ennahdha, en pleine tempête Regueb, n’arrange rien à l’affaire.

Le chef du gouvernement devra bétonner sa position avec les siens, les ex-électeurs de Nidaa Tounes, très nombreux, avant de songer à migrer vers d’autres terrains. D’abord rassurer son camp, y faire le plein avant de compléter l’attelage par ce qu’on pourra bien ramasser en cours de route. C’est sa seule chance de briller au prochain scrutin. Ce qui est surréaliste c’est que ses partisans, et Chahed lui-même, ne semblent pas avoir saisi cette donne. Les choses ont commencé à mal tourner dès le Congrès électif de Monastir, le 27 janvier 2019. Des émissaires de Tahia Tounes ont commencé à claironner un peu partout, dans les radios et télés, qu’il n’était pas question d’une quelconque alliance avec les islamistes. Puis dans la même journée on a commencé à entendre que la porte ne serait pas fermée à Ennahdha si Tahia Tounes n’arrivait pas à décrocher une majorité confortable au Parlement. Et le lendemain, le lundi, un cadre du parti a eu le plus grand mal à défendre cette position sur la RTCI, face à l’intraitable Anis Morai. Le journaliste a littéralement malmené son interlocuteur, qui s’est pris les pieds dans le tapis en tentant de défendre cette tambouille islamo-modérée qui a valu à Nidaa Tounes sa descente aux enfers.

Le spectre Belaïd et Brahmi

Le chef du gouvernement semble avoir sous-estimé le traumatisme profond provoqué par les assassinats politiques de 2013. Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi font partie, pour l’éternité, de l’inconscient collectif de la Tunisie post-révolutionnaire. Lors de la commémoration du 6ème anniversaire de la disparition tragique de Belaïd, à laquelle Chahed aurait dû assister, on a entendu des accusations terribles en direction de la justice, d’Ennahdha, du chef du gouvernement. Cette violente charge était censée sortir ce dernier de son silence très lourd sur un odieux crime qui a heurté la nation jusqu’au tréfonds. Rien. Cette fois pas plus que durant les autres commémorations et processions des familles de Belaïd et Brahmi, Chahed ne dira pas un mot. Des occasions ratées et un mutisme qui alimentent fatalement le doute, les suspicions, les accusations. Et ça c’est très mauvais pour tout projet politique…

Soyons clairs sur la question : à ce stade personne ne sait qui est coupable de quoi, qui a trempé dans quoi, qui a commandité quoi. La justice, tôt ou tard, finira par dire son mot et choper d’autres gros poissons, au-delà des exécutants qu’elle a déjà coincés. En attendant, quelques mots très forts de Chahed auraient suffi, juste pour montrer qu’il fait corps avec toux ceux que ces meurtres ont bouleversés, et ils sont nombreux. Ces paroles ne viendront pas, puisque toutes les occasions pour les prononcer ont été manquées. Les électeurs pourraient s’en rappeler quand le candidat Chahed viendra solliciter leurs voix…

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