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Tunisie : Il va forcer le barrage, une fois de plus… une fois de trop?

On a beau chercher, dans tous les coins et recoins, le projet de la Loi de finances 2018 ne trouve grâce aux yeux de personne. Sauf peut-être son principal artisan, le chef du gouvernement, Youssef Chahed. Et encore, il faudrait s’en assurer, car avec la bronca qu’a suscitée son texte, dans toutes les catégories sociales, il est très probable qu’il ait quelques états d’âme. Vu d’ici, la Tunisie a plus que jamais la dégaine d’un malade dans un état critique mais qui se paye le luxe et la coquetterie de refuser le remède qui va le sauver. Alors que ce projet de loi, dont la partie la plus contestée est le volet fiscal, notamment la hausse d’un point de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée), ne suffira pas à régler tous les problèmes de trésorerie du pays. Mais peu importe, cet effort est refusé de toutes parts, avec véhémence, parfois à raison, mais le plus souvent à tort…

Les patrons, par le canal de leurs organisations nationales, l’UTICA (Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat) et la CONECT (Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie) ont dit tout le mal qu’ils pensaient de la copie de Chahed et multiplient, avec brio d’ailleurs, les propositions pour que le couperet de la taxation s’éloigne d’eux. L’UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail) rue dans les brancards et dénonce le caractère inique du projet du chef du gouvernement, et elle n’a pas tort sur ce coup car c’est bien connu : La TVA est l’impôt la plus injuste dans le sens où elle frappe tout le monde de manière indistincte, ceux qui sont pleins aux as autant que ceux qui tirent le diable par la queue. Les professions libérales râlent également, avec force suggestions pour échapper à la saignée fiscale. Et pour compliquer encore plus la tâche de Chahed, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, le véritable boss de l’exécutif même s’il s’en défend et même s’il ne l’est pas constitutionnellement, exige de son poulain qu’il mette une dose de social dans la Loi de finances. Du social dont justement les caisses publiques n’ont plus les moyens, les déficits chroniques en attestent. Sale temps pour le chef du gouvernement…

Vous avez dit parrains ?!

Cette affaire prend sacrément des allures de patate chaude pour le locataire du palais de la Kasbah. Il avait sans doute sous-estimé le traumatisme profond des citoyens, que les commerçants, complètement débridés par l’absence d’autorité dans le pays depuis la dite révolution, pressent comme des citrons, avec des hausses de prix tout aussi anarchiques qu’intempestives. Certes en ce moment l’INS (Institut National de la Statistique) tente de nous vendre un repli de l’inflation en septembre 2017 après la flambée du mois d’août dernier, mais avouons que cette prétendue baisse des prix reste difficilement perceptible dans le panier de la ménagère. Mais ce qui complique la tâche de Chahed, encore plus que les exigences de son mentor, BCE, c’est la posture de l’UGTT  et de l’UTICA, deux des signataires du Pacte de Carthage et donc deux parrains du chef du gouvernement, et non des moindres.

La centrale syndicale, très schématiquement, rejette toute la partie imposition du texte de Chahed et suggère, là aussi elle n’a pas tort, de taper sur ces catégories (cafés, restaurants, commerçants, détaillants, artisans…) qui, au mieux, sont soumis à un maigrichon forfait fiscal, et au pire passent entre les mailles du filet des services du fisc, et ça fait trop longtemps que ça dure. Mais l’UGTT ne dit pas que ça, elle propose aussi de faire payer les riches, avec un vrai impôt sur la fortune. Et dans la tête de ses dirigeants, ce n’est pas nouveau, les riches ce sont les patrons, même si dans la réalité ce n’est pas du tout ça car la plupart des chefs d’entreprises sont à la tête de toutes petites boîtes qui ne fabriquent pas des Crésus. Evidemment l’UTICA et la CONECT partagent avec l’UGTT cette idée qu’il faille mettre à contribution ceux qui se soustraient à l’impôt et aux taxes, et pas toujours les mêmes. Mais les organisations patronales ne peuvent pas suivre la centrale syndicale quand il s’agit de faire payer davantage les chefs d’entreprises, et elles l’ont signifié à Chahed, très énergiquement. Alors comment le chef du gouvernement va se dépatouiller entre ces positions antagonistes ? Difficile à prédire…

Ce qu’on sait c’est que Chahed a réuni dernièrement tous les signataires du Document de Carthage, histoire de partager le lourd fardeau, voire diluer sa responsabilité dans la leur, au cas où ça tournerait au vinaigre. Mais, à ce qu’on sache, il n’y a eu au terme de la rencontre aucune inflexion de la part des détracteurs du projet de la Loi de finances, et encore moins un soutien franc. Chahed a plaidé sa cause, abattu ses cartes et tenté d’acculer ses parrains. Mais les choses en sont restées là, chacun a, semble-t-il, campé sur ses positions. Néanmoins il est très probable que le projet passe, in fine, sans doute avec quelques retouches, mais il passera parce que le pays n’a pas d’autre choix et que si c’est le crash, tout le monde va s’écraser. C’est la même logique imparable que lors du vote de confiance au Parlement : ça rechigne, ça râle, ça crie sur les toits, mais ça finit par voter pour, même avec une courte majorité. Il en sera encore ainsi pour la Loi de finances. Toutefois une chose est sûre aussi : Si Chahed se loupe, si sa potion magique ne fonctionne pas, il sera tout seul à en assumer la responsabilité…

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