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Essebsi sacrifie son fils, pour sa postérité…

Comme le gouverneur romain Ponce Pilate le fit avec les autorités juives de la Judée qui voulurent crucifier le prophète Insa, le chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi (BCE), s’est lavé les mains du gouvernement proposé par Youssef Chahed. Il ne faudra pas compter sur lui pour tenter de lui barrer la route, même s’il ne bénit cette affaire que du bout des lèvres. Il a dit, publiquement, qu’il en sera ainsi, il ne pourra pas se dédire, même si à l’occasion il décochera quelque coup de patte en direction de Chahed, avec le ressentiment de celui que son ex-protégé a broyé pour imposer sa volonté. Mais il n’oubliera pas la postérité, ce qu’il laissera aux générations futures, ce qu’il veut qu’on raconte sur lui une fois qu’il aura disparu. A 92 ans, le président de la République y pense certainement. Essebsi aimerait qu’on dise de lui ce qu’il a dit de Habib Bourguiba hier dans sa conférence de presse. Et mettre des bâtons dans les roues du chef du gouvernement qu’il a lui même « fabriqué« , comme il aime à le répéter, n’est certainement pas la meilleure façon de bâtir une légende. Alors il fait un repli très stratégique, et laisse passer.Son fils, le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi (HCE) et ses acolytes ont tenté de l’embarquer dans un combatdont il n’avait pas les moyens constitutionnels, il s’est laissé aller à quelques saillies, mais c’était surtout un baroud d’honneur, le dernier rugissement du vieux lion, histoire de montrer qu’il en a encore sous le pied. C’est tout. Savoir jusqu’où ne pas aller trop loin, dans un contexte politique aussi délétère et une situation économique aussi mauvaise, c’est aussi une marque de sagesse. HCE, Slim Riahi et compagnie ne peuvent pas en dire autant.

Il tire le tapis sous leurs pieds

BCE s’est subrepticement sorti de cet imbroglio, avec la dextérité qu’on lui connait et plutôt du panache. Les dizaines d’années de fréquentation des arcanes du pouvoir ont au moins servi à ça. Mais pendant qu’il se dégageait de ce bourbier, tout le monde a oublié celui par qui toute cette affaire est arrivée, celui qui contre toute logique a poussé dans les cordes le chef du gouvernement, un des leurs, le forçant à sortir le Machiavel qui était enfoui, jusqu’au « meurtre du père » – BCE -, avec ce gouvernement qu’il a concocté dans son dos. Tout le monde a oublié HCE. Même son cher papa l’avait oublié, pendant qu’il discourait et prenait un certain plaisir à épater la galerie, la presse. Pourtant s’il y a un grand perdant dans cette histoire, c’est bien Essebsi junior. Si son père, dans la position qui est la sienne, a pu retomber sur ses pieds en se contentant de dire que c’est lui qui a sorti Chahed de son chapeau et qu’il ne le lâchera jamais, la chose est beaucoup moins simple pour le directeur exécutif de Nidaa Tounes. Et il ne peut même pas compter sur son père pour assumer une part de cette cabale folle pour faire chuter le mieux placé d’entre eux pour présider aux destinées de la famille dite progressiste, Chahed. En réalité BCE et son fils se sont inter-stimulés pour atomiser le chef du gouvernement, mais le chef de l’Etat ne l’assumera jamais publiquement. Lui a au moins le privilège de faire ce qu’il veut dans l’ombre et d’afficher autre chose publiquement. Son fils ne peut pas en dire et faire autant.

Le dérapage, jusqu’au crash

Jusqu’à hier Nidaa Tounes était braqué dans son combat, traquant ses ministres pour qu’ils quittent le gouvernement, sous peine d’exclusion. Certains n’ont pas attendu la disgrâce et ont préféré quitter un navire en plein naufrage, leur parti, pour s’embarquer dans un bateau dont on ne sait pas où il accostera en 2019 (Chahed ira-t-il aux élections de 2019? Si oui sous quelles couleurs? Montera-t-il son propre parti politique? Disparaitra-t-il dans la nature – quelque part dans une organisation internationale – après ce qu’il aura considéré comme de bons et loyaux services?…). Nidaa Tounes en est là : il n’inspire confiance à personne, même pas à ses propres enfants, qui préfèrent les incertitudes de leur compagnonnage avec Chahed à la certitude de sombrer avec un parti qui a perdu la boussole. Peut-être que le Congrès électif annoncé pour janvier 2019 mettra un terme au massacre du parti, par le fils du président de la République, mais rien n’est moins sûr, le terrain étant déjà miné par la dernière fausse bonne idée, la fusion avec l’UPL et le parachutage de Slim Riahi au poste de secrétaire général. De tout cela le chef de l’Etat ne parlera pas, ni hier, ni demain. Trop compromettant, trop dangereux, trop explosif pour l’image qu’il est en train de forger pour la postérité.

Chahed fera face aux députés ce lundi 12 novembre 2018, pour solliciter leur confiance. La fenêtre de tir se réduit pour Nidaa Tounes. Il a déjà beaucoup perdu dans cette affaire, beaucoup trop. Il reste peu de temps pour limiter la casse et s’éviter une déroute au Parlement en tentant de stopper Chahed, comme on tenterait de stopper un train avec son corps. Les nidaïstes pourront toujours, d’ici ce week-end, choisir la voie de la raison en infléchissant leur position, en s’abstenant pendant le vote, à défaut de pouvoir voter pour par souci de cohérence. BCE leur a ouvert la brèche, à eux de s’y engouffrer.

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