L’Instance Nationale de la Lutte Contre la Corruption (INLUCC) s’est donné 15 jours de plus pour mettre la main sur les déclarations de patrimoine des citoyens concernés. Les délais – 16 décembre 2018 – étaient effectivement un peu courts pour que cette révolution culturelle fasse son effet dans les têtes des Tunisiens, qui vivent dans une autre planète, et pas depuis le fameux 14 janvier 2011. Certes il y a eu un rush dans les tout derniers jours avant l’expiration du délai accordé, mais on est encore très loin du seuil fixé par l’INLUCC, 350 000 déclarations. Alors son président, Chawki Tabib, se donne du temps, et il compte bien le mettre à profit pour aller débusquer des catégories de gens dont on parlait peu jusqu’ici; les chefs d’entreprise en font partie. On ne sait pas si cela va leur plaire, mais c’est fait : Tabib les a jetés en pâture à des citoyens qui ne demandent que des munitions pour enflammer les réseaux sociaux. Le président de l’INLUCC a lancé, mercredi 19 décembre 2018, à Tunis, un appel aux hommes d’affaires affiliés à l’UTICA, pour qu’ils déclarent leurs biens, soulignant que jusqu’à ce jour un nombre réduit de patrons ont finalisé cette procédure.
Tabib met la gomme !
Intervenant à une rencontre sur le thème » la science des données, un moyen pour booster le développement économique en Tunisie « , organisée au siège de la centrale patronale, Tabib a invité les responsables de l’UTICA, la plus grande organisation syndicale du pays représentant le patronat, à montrer patte blanche.
Et d’affirmer « notre objectif ne consiste pas à recenser les biens des Tunisiens, car nous pouvons le faire via une coopération avec le système bancaire, les services de la fiscalité et les administrations foncières, mais ce que nous ciblons vraiment, à travers cette loi, c’est de rétablir la confiance des Tunisiens en leurs élites, politique, sociale et économique« .
Et d’ajouter que cette démarche portera ses fruits notamment pour les investisseurs et hommes d’affaires tunisiens, étant donné qu’elle permettra d’améliorer notre notation, grâce au rétablissement du climat des affaires et l’instauration d’une plus grande transparence dans le pays. Ce processus encouragera les investisseurs étrangers à nouer des relations de coopération avec les Tunisiens.
Par ailleurs, l’application de la législation en matière de déclaration du patrimoine permettra de faire face à l’enrichissement illicite et aux conflits d’intérêt dans le secteur public, autrement dit, elle servira à lutter contre le commerce parallèle qui menace l’économie tunisienne, a-t-il encore avancé.
Un soutien de poids
« Nous faisons face, dans notre guerre contre la corruption, à tout un système de lobbying, disposant de capacités plus importantes que celles de l’Etat, vu que ces lobbies ont d’importants moyens financiers, des réseaux d’intérêts, des capacités logistiques…« , a indiqué Tabib.
La Science des données (la Data science), qui fait associer les bases des données disponibles, aux applications de l’intelligence artificielle, « pourra renforcer les moyens de l’Etat, pour dévoiler les secteurs les plus touchés par la corruption et aussi cerner les personnes qui sont impliquées. Ces applications sont en mesure de dévoiler les défaillances dans nos systèmes, et d’offrir l’opportunité aux décideurs de prendre les mesures adéquates pour y remédier« , a-t-il souligné.
Partant, il a fait part de la volonté de l’instance de collaborer avec la start-up MajestEYE, afin de profiter des nouvelles technologies dans la guerre contre la corruption.
Créée depuis un an, la start-up tunisienne MajestEYE regroupe un ensemble de compétences fonctionnelles et techniques spécialisées dans le développement de la science de données. Son objectif est de devenir le partenaire privilégié de la transition vers un modèle commercial numérisé et axé sur les données.
SL/TAP
