Sous le double titre de «mentir avec précision » et «non, la dette n’a pas baissé en 2019», Ezzeddine Saidane a écrit sur sa page des réseaux sociaux que «nous avons bien entendu Monsieur le Ministre des Finances nous dire hier devant l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) que le ratio de la dette publique a baissé pour la première fois. Tenez-vous bien cette baisse serait de 5 points en passant de 77,9% du PIB à 72,7%. Notez que Monsieur le Ministre parle bien de ratio de la dette publique. Mais il ne dit pas un mot de la dette publique elle-même. Est-ce que ceci veut dire que l’État tunisien va rembourser le ratio de la dette mais pas la dette elle-même. Cette affirmation m’oblige à me poser certaines questions :
1- Pour calculer le ratio de la dette publique avec cette précision (72,7%) il faudrait d’abord connaître le chiffre du PIB à fin 2019. A ma connaissance l’INS (Institut National de la Statistique) lui-même n’a pas encore arrêté ce chiffre. En effet, il faut attendre le 15 février pour que l’INS publie ce chiffre.
2- La loi des finances complémentaire 2019 (voir site web Ministère des Finances) présentée à l’ARP et approuvée par celle-ci en décembre 2019 nous donne à la page 16 les chiffres suivants : le ratio de la dette publique était de 77,1% du PIB en 2018 et il serait passé à 75,1% du PIB en 2019 (et non 72,7%). Qui croire ? Le ministère des Finances ou le Ministre des Finances. Mais attention, ceci ne veut point dire pour autant que la dette publique a baissé. Loin de là. En effet,la même loi des finances complémentaires 2019 (page 17) nous donne les chiffres de la dette publique. Ceux-ci se présentent comme suit :
2018 81,345 milliards de Dinars
2019 86,285 milliards de Dinars
Est-ce que vous y voyez une baisse de la dette publique !!!
3- Revenons au site web du Ministère de Finances et précisément à la rubrique « dette publique ». Nous trouvons les chiffres suivants :
Années 2016 2017 : Dette publique (en milliards de D) 55,921 et 67,830. Dette publique (en % du PIB) 62,4 et 70,2
Années 2018 2019 : Dette publique (en milliards de D) 81,345 et 86,245. Dette publique (en % du PIB) 77,1 et 75,1
Vous constatez bien l’ampleur avec laquelle la dette publique a augmenté depuis 2016, aussi bien en valeur absolue qu’en pourcentage du PIB.
4- La dette publique était répartie avant 2016 entre 1/3 en dette interne en Dinars et 2/3 en dette externe en devises. Cette répartition s’est aggravée, depuis, pour devenir 30% en dette interne et 70% en dette externe. La dépendance vis-à-vis de l’extérieur s’est donc accentuée.
5- L’appréciation du Dinar en 2019 a été artificielle, provisoire et coûteuse pour la Tunisie. Contre l’Euro, cette appréciation a dépassé les 10%, rien qu’en 2019. En effet, comment se fait-il que tous les ratios de la Tunisie se détériorent, mais le Dinar s’apprécie. Certains économistes, tunisiens et étrangers, ont qualifié cette gestion du taux de change du Dinar « d’irresponsable ». Mais cette appréciation a servi pendant la campagne électorale de 2019 !!! Elle sert aussi à minorer la part en devises (les 70%) de la dette publique. C’est ce qui explique la baisse du ratio de la dette publique de 77,1% à 75,1%. Oui c’est ça l’explication, rien d’autre. Mais même minorée, la dette publique ne baisse pas. Elle connaît une augmentation vertigineuse qui met en danger la capacité de la Tunisie à continuer à honorer normalement sa dette, extérieure notamment.
Rappelez-vous à ce propos les trois déclarations concomitantes faites récemment par nos principaux bailleurs de fonds étrangers : l’Union Européenne, la Banque Mondiale et le FMI».
No comment de notre part, surtout que cette explication n’est partagée, ni par le ministère des Finances, ni par la BCT, ni surtout par le chef du gouvernement, ni même nous dit-on, par les bailleurs de fonds de la Tunisie, qui n’en ont jamais parlé dans leurs revues, comme pour le FMI.