Très discret, à l’image de la grande muette qu’il dirige avec dextérité et qui le lui rend bien avec du respect, Abdelkrim Zbidi aurait fini, dès demain vendredi, par sacrifier au devoir de la communication, pour annoncer officiellement sa candidature à la magistrature suprême. Attendu comme le Messie par une grande partie de la population, il devrait le faire, selon nos informations, en tant qu’indépendant, ce qui confirmerait au besoin son indépendance, même si le chef des Islamistes tunisiens, Rached Ghannouchi, avait tenté de l’éclabousser de son amitié et d’un soutien verbal.
Depuis la disparition de BCE, dont il était connu pour être l’homme à La Kasbah, le Médecin de Rejiche (Gouvernorat de Mahdia) avec résidence à Chott Meriem, marié à une collègue de Gafsa, était attendu comme le messie aux starting-blocks des prochaines présidentielles anticipées.
On ne sait pas encore ce qui a fini par décider Zbidi à faire son coming-out et à se déclarer, alors qu’il affirmait quelques semaines plus tôt à l’ARP qu’il n’était pas fait pour la politique, et si la campagne, spontanée ou providentielle qui avait envahi les réseaux sociaux et le présentant déjà comme candidat y était pour quelque chose.
- L’image d’un chef
Ce qui nous semble être sûr, c’est que l’image du chef des militaires de ce civil qui n’a pas sa langue dans sa poche, avec ses coups de gueule retentissants lorsqu’il prenait la parole par exemple pour répondre aux fausses déclarations de Moncef Marzouki, en juillet 2017, l’impliquant dans un plan de débarquement US en Tunisie. Un Marzouki avec qui il était déjà en désaccord en 2012 alors qu’il était déjà ministre de la Défense, sur l’idée d’un centre américain à Tunis, de lutte contre le terrorisme. Zbidi, qui a toujours laissé transparaître ce genre de position, avait beaucoup nourri son image d’Homme d’Etat gouverné par le seul souci d’être fidèle au pays qui est le sien et qui en a fait le Docteur en médecine et un tas d’autres diplômes et un patriote.
Une image de chef des militaires, confortée par le souci de doter l’armée en investissements ou lorsqu’il la défend bec et ongles comme lorsqu’il parlait de ses misérables repas. Une image de chef désormais recherchée par un Tunisien qui fait de plus en plus son deuil des politiciens et qui constate de plus en plus un délabrement de l’autorité de l’Etat. Une autorité qu’il retrouve aisément dans une armée plus proche du citoyen que dévorée par des ambitions politiques ou des pouvoirs financiers, comme d’autres pays.
- A la tête d’un corps qui fait peur à Ennahdha
Une image qui fait déjà peur au journal Nahdhaoui «Array Al Am» qui titre dans son édition de ce jeudi «Candidature de Zbidi : Un plus pour la politique ou sa militarisation ?». Un parti, Ennahdha, qui n’a jamais aimé l’armée et dont son leader Ghannouchi disait qu’elle est le corps auquel sont généralement confiées les «basses besognes» de la police.
Abdelkerim Zbidi avait été deux fois pressenti, dès le départ de Habib Essid, au poste de chef de gouvernement et il avait, la 1ère fois, refusé la proposition de Béji Caïed Essebssi qui n’était pas d’accord avec sa condition d’être alors le seul décideur de la composition du gouvernement à constituer. Il sera pourtant le dernier à voir l’ancien chef d’Etat sur son lit de mort, et sera celui à qui a été confiée la mission d’organiser sa cérémonie d’inhumation. Une cérémonie qui avait été à la hauteur de l’ancien chef d’Etat et à la hauteur des attentes du peuple qui le pleurait, et qui a déteint sur son ministre de la Défense. Des éléments qui pourraient faire de lui, au moins aux yeux de la majorité des Tunisiens, déçus par les politicards, l’homme providentiel que décrivait le magazine français La Revue.
Un poste aussi, celui de ministre de la Défense et second homme du Conseil de la sécurité nationale, et qui en fait un fin connaisseur des arcanes du système de la défense en Tunisie, et le dépositaire de plus d’un secret de défense, un secteur qui restera la clé de voûte de la réussite de la transition politique avec le rôle de gardien du temple et de protecteur des frontières tunisiennes dans un environnement géostratégique délicat. Mais économique aussi, avec le rôle que joue l’armée dans la lutte contre le terrorisme et contre la contrebande, désormais en cheville avec le terrorisme.
- Homme de la providence, homme providentiel ou parfait anti-Karoui ?
Homme de confiance de BCE dont il avait l’oreille, Il restera alors à savoir s’il aura assez appris de son mentor, pour être un homme de principes ou l’homme des consensus et des concessions, l’homme de la providence ou l’homme providentiel, président de tous les Tunisiens ou de sa région, comme l’en accusent déjà certains.
Ceux qui le connaissent en disent qu’il est friand de compétences, rassembleur, ni avide de pouvoir, ni avide d’argent (il a gardé sa pension de retraite et délaissé le salaire de ministre). Sera-t-il l’homme de la situation ? Et surtout qui choisira-t-il comme chef de gouvernement ? Un technocrate ou un partisan ? La continuité ou la rupture ?
Des informations, non officielles, circulent sur les réseaux sociaux attribuant à certains candidats aux présidentielles des déclarations faisant état de leur volonté de ne pas candidater, par appui à Zbidi. Qu’en sera-t-il réellement et à quelles secrètes conditions ?
Ce qui semble être certain, qu’avec ce pedigree de probité, de droiture, d’home intègre, de sans-parti sans être apolitique, d’homme lien harmonieux par mariage interposé, entre le sud et le nord, l’homme semble être un vrai anti-Karoui. Cela si l’on persiste à croire en la force des sondages, mais aussi en la vérité du moment du vote où l’électeur est seul face à ses convictions.