AccueilLa UNELes missiles Zbidi et Mourou sont lancés, pourtant il devra y aller

Les missiles Zbidi et Mourou sont lancés, pourtant il devra y aller

Pour un poste dont on dit qu’il n’offre pas beaucoup de pouvoirs, en vertu du régime qui est le nôtre, la présidence de la République est très courue. Bon, le job est super bien payé, plutôt peinard puisqu’on se contente « d’inaugurer les chrysanthèmes » et de pousser des gueulantes sur quelques sujets importants, mais ça n’explique pas cette cohue aux portes du palais de Carthage. Décès du chef de l’Etat oblige, on a eu une inversion du calendrier électoral qui fait naitre l’espoir chez certains candidats que la présidentielle enclenche une dynamique qui influe sur le cours des législatives. Et là pour le coup les enjeux autour du pouvoir, le vrai dans ce système parlementaire, sont énormes. En quelques heures beaucoup de suspenses ont été levés. D’abord le président du Parlement, Abdelfattah Mourou, du mouvement Ennahdha, qui a enfin eu l’aval de son camp, après moult contorsions et calculs. Il n’aurait pas dû être là, c’est Rached Ghannouchi qui en rêvait, il voulait le fauteuil présidentiel à tout prix mais c’est le fauteuil qui n’a pas voulu de lui. Ensuite il y a eu la candidature du ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, qui est déjà dans la peau du candidat-cogneur avec un staff qui compte quelques tontons flingueurs. Enfin il y aura, à n’en pas douter, le saut du chef du gouvernement, Youssef Chahed. Un saut dans l’inconnu, entre des récifs dangereux…

Zbidi est l’outsider pas excellence, un austère patron de la Défense efficace sans doute mais qui ne payait pas de mine; il y a à peine quelques mois il ne présentait aucun danger pour le chef du gouvernement car n’exhalant aucune once d’ambition politique, c’est dire à quel point le chef du gouvernement ne l’aura pas vu venir, et il n’est pas le seul ! Comme personne n’a vu venir ceux qui sont allés souffler à l’oreille du ministre de la Défense que son profil d’indépendant bourré de diplômes et sa stature d’homme propre qui ne cache aucune turpitude dans les placards peuvent avoir leur brin de succès en ces temps de discrédit total de toute la classe politique. Chahed a pu neutraliser Kamel Morjane en le cooptant, il ne pourra rien faire face à Zbidi. C’est le dernier coup de ce qui reste du camp du défunt chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi, pour faire payer au chef du gouvernement ses bravades et ses dites « trahisons« , un coup qui pourrait lui être fatal.

Le retard pris par Chahed pour annoncer sa candidature à la présidentielle s’explique certes par les mauvais sondages et la nécessité de maquiller jusqu’au bout son bilan, mais il y a aussi la crainte, fondée, de toutes ces candidatures dans l’aile dite progressiste : Abir Moussi, Mehdi Jomaa… et maintenant Zbidi. Et de toutes c’est sans doute celle du ministre de la Défense qui est la plus dangereuse. Certes Zbidi ne brille pas par son charisme, ses qualités de tribun qui soulèvent les foules et la maitrise de quelques ficelles populistes très utiles, ce que du reste avaient les anciens présidents (Bourguiba, Essebsi et même Marzouki à certains égards). Ce sont des choses qui comptent dans une campagne électorale, et de ce point de vue Chahed est beaucoup mieux loti. Mais le ministre de la Défense a quelque chose que n’a plus le chef du gouvernement : La crédibilité politique, qui s’est étiolée au fil du temps.

Il ne faut pas croire une seconde Slim Azzabi, le secrétaire général de Tahya Tounes, quand il dit que la surprise du chef de Zbidi ne les empêche pas de dormir; il ne peut pas l’admettre publiquement, trop mauvais pour le moral des troupes, mais le fait est que le ministre de la Défense les terrorise. Chahed sait depuis qu’il a assumé son destin politique personnel, en quittant le giron de son mentor, feu le président de la République, qu’il ne rassemblera pas tous les progressistes sous sa bannière, mais de là à se farcir la candidature de son ministre de la Défense, c’est une mauvaise nouvelle à laquelle il n’était pas préparé. Pourtant il devra y aller. Trop de gens ont lâché trop de choses et trop travaillé pour lui pour qu’il puisse leur faire bond au dernier moment. Ses partisans ne comprendraient pas, et ne le lui pardonneraient pas. Pour Chahed lâcher maintenant serait un enterrement politique en première classe.

Zbidi n’est pas la seule catastrophe pour Chahed, il y a Mourou également. Il y a à peine quelques mois le chef du gouvernement faisait partie des présidentiables d’Ennahdha. Puis il y a eu les déclarations péremptoires des camarades de Chahed, enhardis par les bons sondages : Tahya Tounes n’allait jamais s’allier avec les islamistes. Entendez par là qu’ils ne trahiront pas leurs électeurs, comme l’a fait le Nidaa Tounes de Essebsi. Certes c’était plus une posture politique qu’autre chose, pour d’abord gagner le coeur de la dite gauche avant de songer à des alliances, mais cette tonalité était suffisante pour briser l’entente entre Chahed et les islamistes, qui avaient opportunément imposé son gouvernement contre la volonté du chef de l’Etat. Puisque la confiance ne règne plus, Ennahdha s’est finalement dit qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même et qu’on jamais aussi bien qu’entre gens de même obédience. C’est ce qui explique le choix de Mourou pour la présidentielle. Les islamistes pourraient faire la même chose pour le palais de la Kasbah, si leurs électeurs leur donnent une majorité même relative…

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