Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a fait le choix de se cramponner sur son fauteuil jusqu’au dernier moment et de mettre à profit les 6 mois qui nous séparent des élections générales pour améliorer ce qui peut l’être. Le but est, dit-il, de hausser le niveau de l’économie du pays mais surtout de faire baisser la grogne des citoyens. Mais personne n’est dupe : l’objectif est aussi d’étoffer un bilan qu’il sait trop court, trop maigrichon pour lui assurer un succès total aux prochains scrutins. Sauf que ce choix jusqu’au-boutiste de Chahed est très risqué, car rien ne lui garantit que les choses seront meilleures dans quelques mois. A ce stade c’est quitte ou double, soit le chef du gouvernement réussit son pari et rafle la mise, ou une bonne partie, soit il se loupe et rate tout dans la foulée. A ce stade il est condamné à réussir et ne pourra même s’attribuer ce qui aura marché si au final il ne parvient pas à redresser de manière sensible les indicateurs économiques, au point que les citoyens le perçoivent nettement dans leur quotidien. Car pour le moment, quoi qu’ait dit Chahed lors de sa dernière intervention télévisée, les citoyens demandent toujours à voir. Et samedi 19 avril 2019, l’UTICA et l’UGTT ont compliqué la tâche du gouvernement en lui portant de violents coups. L’UGTT vous me direz que c’est pas nouveau, mais le patronat si, et ça c’est pas bon du tout pour Chahed…
Le patronat charge bien la barque !
L’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA) a appelé, samedi, le gouvernement à mettre en œuvre les accords conclus auparavant, se disant « surprise » du manque de sérieux dont fait preuve l’administration dans le traitement des revendications des professionnels.
La principale organisation patronale a ainsi dénoncé dans un communiqué « l’attitude négative » réservée par le gouvernement aux demandes de plusieurs secteurs, dont le transport irrégulier, les stations de services, les sociétés de distribution de produits pétroliers, de transport des hydrocarbures et de transport de marchandises pour le compte d’autrui. Il s’agit également des secteurs de la boulangerie, de l’industrie laitière et de distribution des bouteilles de gaz.
L’ensemble de ces secteurs se sont retrouvés contraints d’annoncer leur intention de suspendre leurs activités pour protester contre les coûts élevés et défendre leurs droits et intérêts et la pérennité de leurs activités, précise l’organisation dans son communiqué, qualifiant leurs revendications de « légitimes« .
Ces revendications interviennent suite aux pertes enregistrées dans ces secteurs, et ce, en raison de la hausse des coûts due aux majorations salariales et aux augmentations successives des prix des carburants. Par conséquent, les établissements se sont retrouvés en manque de liquidité et en difficulté financière.
Plusieurs de ces secteurs ont, à plusieurs reprises, reporté leurs mouvements de protestation donnant l’avantage à l’intérêt national, rappelle l’UTICA, précisant que le gouvernement a failli à ses engagements, dont la signature des avenants sur les majorations salariales.
Les séances de travail tenues avec les représentants du gouvernement et les correspondances successives qui lui ont été adressées dans l’espoir de trouver des solutions à ces problèmes ont été vaines, selon l’organisation, qui affirme qu’elle n’a jamais tenté » d’avoir recours au chantage ou fait preuve d’opportunisme au détriment du pouvoir d’achat du citoyen ou des équilibres macroécnonomiques de l’Etat« .
L’UGTT va très loin
Dans le même journée, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a critiqué les politiques du gouvernement ayant entrainé l’endettement des Tunisiens et l’augmentation du taux de chômage et la pauvreté.
Dans un communiqué publié aujourd’hui, l’UGTT a appelé le gouvernement à élaborer un plan d’action urgent en vue de stopper la hausse des prix, de hisser le pouvoir d’achat des citoyens et d’augmenter le SMIG et l’allocation vieillesse, outre le versement des primes de retraite.
L’organisation syndicale a exprimé son soutien aux mouvements de protestation pacifiques tout en préservant les intérêts des citoyens, rappelant dans ce contexte que la liberté syndicale est garantie par la constitution y compris le droit de grève.
Dans ce communiqué, l’UGTT a dénoncé la politique répressive menée contre les protestataires qui, d’après l’organisation syndicale, illustre échec de la politique gouvernementale et son incapacité à trouver des solutions.
L’organisation syndicale a indiqué que les prochaines élections seront une opportunité pour choisir les candidats qui proposent des programmes socio-économiques à même de servir les intérêts des citoyens et de faire prévaloir la souveraineté nationale et l’Etat de droit. Un appel, à peine déguisé, à ne pas voter pour les dirigeants en place, et bien entendu Chahed est le premier visé, clairement, mais ça on l’avait bien compris depuis un petit moment…
On demande beaucoup au chef du gouvernement, beaucoup trop, et il est censé s’exécuter dans un laps de temps très court. Et personne ne se demande s’il a les moyens de donner tout ce qu’on lui demande. Ses difficultés, ses problèmes n’intéressent personne. Personne ne veut entendre raison. C’est ainsi. Pourtant le mal qu’il a eu pour arracher dernièrement la tranche de crédit du FMI démontre, s’il le fallait, que les choses sont de plus en plus difficiles, que la fenêtre de tir de la Tunisie se réduit et que la patience de ses bailleurs a des limites. Mais ça qui s’en soucie, à part lui et son équipe ? Contre vents et marées, puisqu’il a choisi de rester à la Kasbah, il devra faire ses preuves s’il veut présenter un intérêt pour « son soutien », Ennahdha, qui n’hésitera pas une seconde à le lâcher aux prochaines élections si les choses tournaient mal. Ne parlons pas de sa famille originelle, Nidaa Tounes ou encore de l’opposition. Chahed est averti, s’il ne le sait pas encore : Personne ne lui fera de cadeau, pas même ses alliés et amis d’aujourd’hui. C’est le revers de la médaille quand on a fait ces choix-là :L’action jusqu’au bout, les mains dans le cambouis jusqu’aux élections et ce, sans compromis ni compromissions…
L.S.